La destruction de 39 menhirs pour construire un magasin de bricolage fait polémique à Carnac. Un permis de construire a été accordé en août 2022 par la mairie malgré la présence de monolithes celtes. Le maire plaide l’ignorance et la bonne foi.
Le magasin d'une enseigne de bricolage est en train de sortir de terre dans la zone de Montauban, à l'entrée de Carnac dans le Morbihan. Mais ce chantier a causé la destruction de 39 menhirs. "C'est totalement illégal. C'est une violation de la loi, dénonce Christian Obeltz.Tout a été détruit, entassé. Ce qui est totalement illégal. Destruction d’un site archéologique classé ou pas."
Dans un billet publié vendredi 2 juin sur Sites & Monuments.org, ce passionné d’archéologie s’est élevé contre des "aménagements brutaux", réalisés durant l’hiver et le printemps 2023 "aux abords des alignements de menhirs de Carnac, dénaturant ce site mondialement connu". La polémique enfle sur les réseaux sociaux.
Un site classé et référencé par la DRAC
Ce site a en effet fait l'objet de fouilles préventives en 2009. "La réalisation d’un diagnostic archéologique préalable a été prescrite le 22 décembre 2014 par la Drac Bretagne" précise la Ville de Carnac dans un communiqué.
Un alignement de stèles anciennes est alors découvert. Les archéologues concluent à l'existence d'un possible vestige de petits menhirs et l'inscrivent dans l'Atlas des patrimoines de la Direction des affaires culturelles. "Toute personne simple et curieuse, ou élu, peut y accéder. On y voit toutes les entités archéologiques et ce site était répertorié" explique Christian Obeltz.
Cette opération, réalisée sous la direction de Stéphane Hinguant de l’Inrap du 16 au 18 mars 2015, a consisté en l’ouverture de 8 tranchées de 3 mètres de large, sur un terrain partiellement encombré de déblais, de déchets divers ou de bosquets.
Aucun vestige archéologique n’a été mis au jour dans ces sondages. En revanche, il est apparu que deux anciennes clôtures dissimulées dans les taillis étaient constituées de blocs dressés reliés par des murets de pierre sèche.
"Il était difficile, à ce stade des recherches, de caractériser ces découvertes, indique la mairie de Carnac. Les blocs, qui ne présentent pas de traces d’usure caractéristiques de leur implantation durant des millénaires, ont manifestement été déplacés pour construire le muret. Il ne s’agit donc pas d’une file de menhirs en place."
La mairie détaille dans ce communiqué "qu'aucune suite n’a été donnée par le maître d’ouvrage à la prescription de fouille émise par la DRAC, le permis de construire de ce supermarché ayant été refusé (en 2014, NDLR) en raison de hauteur sous faitage non réglementaire et de la présence d’une zone humide".
Un permis de construire délivré en août 2022
Le 26 août 2022, la municipalité accepte de délivrer un nouveau permis de construire à la SAS Au marché des Druides, pour la construction d’un magasin Mr Bricolage. Elle se défend aujourd'hui d'avoir enfreint la loi et insiste sur la conformité du deuxième dossier qui est arrivé sur son bureau. "Dans le cadre de l'instruction d'urbanisme et des documents réglementaires en vigueur, ce dossier a fait l'objet d'un examen minutieux par les services de la DRAC, relève la Ville de Carnac dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux. L’instruction de ce dossier a donc été menée avec la plus grande rigueur."
Cette destruction d'un site historique serait-il le résultat d'un cafouillage administratif ? Selon Libération, "la Drac Bretagne renvoie la balle au service régional d’archéologie, en charge d’instruire les permis de construire et de déléguer, ou pas, les fouilles archéologiques à l’Inrap. Contacté à son tour, le service assure ne rien pouvoir communiquer et renvoie vers la Drac, qui devrait prochainement s’exprimer".
Le site en lice pour l'inscription au patrimoine mondial de l'Unesco
Le site où se trouvaient les 39 menhirs figurait sur la liste indicative des mégalithes de la commune, en vue de l'inscription au patrimoine mondial de l'Unesco.
Le site de Carnac est l’un des plus grands sites mégalithiques au monde. Sur une surface d’un peu plus de quatre kilomètres de long, il abrite un alignement de près de 3.000 menhirs vieux de 7.000 ans.
(Avec Sandrine Ruaux)