Colonie pénitentiaire puis maison d'éducation surveillée, des mineurs ont été enfermés à Belle-Île de 1880 à 1977, dans des conditions parfois violentes et décriées. Les bâtiments du bagne pour enfants vont devenir un lieu de mémoire. Un projet muséographique est en cours.
Jean-Pierre a 15 ans en 1969. Arrêté pour un vol de gâteau, il arrive à Belle-Île pour être emprisonné dans un établissement pénitentiaire pour mineurs. 50 ans après, alors qu'il revient sur les lieux, l'émotion l'étreint : "Quand je revois le couloir...c'était pas réjouissant. Quand je suis arrivé, je ne savais pas ce qui m'attendait. Quand j'ai vu la cellule, que la porte s'est fermée. C'était dur." confie-t-il.
L'histoire de ce bagne pour enfants ressurgit, méconnue. Le bâtiment va s'ouvrir et devenir un lieu de mémoire. Un projet muséographique est à l'étude et pourrait voir le jour d'ici à 2022.
"On devrait savoir comment cette colonie a fonctionné. Cela me paraît fondamental que tous habitants du Morbihan on sache que cela a existé, que des enfants ont été détenus ici" souligne Aurore Carpentier Vice-Présidente du TGI (tribunal de grande instance) de Lorient.
De la colonie pénitentiaire à l'institution publique d'éducation surveillée
La colonie pénitentiaire de Belle-Île voit le jour en 1880, sur décision ministérielle et dans les bâtiments qui abrite jusqu'alors la prison politique. Les enfants envoyés sur place y reçoivent une formation pour devenir mousse ou marin, puis les professions agricoles s'y développent.
Plus tard, tous les métiers utiles au quotidien y seront enseignés. La colonie est dirigée par un directeur, lequel ne vit pas sur place mais sur la commune du Palais. Des surveillants et des professeurs techniques l'assistent ainsi qu'un gardien chef dont l'autorité et les méthodes riment avec dureté.
Les mineurs arrivent en nombre, En 1897, ils sont 440 mineurs, âgés de 8 à 21 ans.
Au fil du temps la colonie change d'appellation pour devenir une maison d'éducation surveillée puis une institution publique d'éducation surveillée en 1947.
La révolte de Belle-Île-en-Mer
Les conditions de vie dans la colonie sont difficiles, entre violences et répression et dénoncées dès les années 20 par des journalistes. Le 27 août 1934 marque un tournant, avec l'évasion de 56 pupilles qui font la Une des médias.
Jacques Bourquin éducateur puis directeur à la Protection judiciaire de la jeunesse écrira "Depuis plusieurs mois, le climat est médiocre à l’intérieur de l’institution. Un soir d’août 1934 éclate un incident au réfectoire, un incident apparemment bénin. Contrairement au règlement, un colon a mangé son fromage sans avoir bu sa soupe. Il est puni, ses camarades du réfectoire se solidarisent avec lui, c’est le début d’une révolte que les personnels n’arrivent pas à contenir".
A ce moment-là, les pupilles se dispersent sur toute l'île. Une véritable chasse à l'enfant a lieu et ils sont ramenés par des gardes mobiles et même par des vacanciers.
Cet événement plus ceux d'autres colonies comme à Eysses ou Mettray (Indre-et-Loire), vont marquer l'opinion et entraîner des réformes. Tous ces établissements vont questionner la place de l'enfant coupable et de la justice pour les mineurs.
Le bagne de Belle-Île ferme définitivement ses portes en 1977. Aujourd'hui, les centres éducatifs fermés se sont substitués à ces établissements, parmi une palette de multiples dispositifs, de l'accueil en famille au foyer semi-ouvert, dépendant de la Protection judiciaire de la jeunesse.