Les maîtres-nageurs-sauveteurs CRS vont-ils abandonner la surveillance des plages en été ? C'est ce que craignent les élus du littoral depuis que
le ministère de l'Intérieur a jugé que les CRS devaient se "concentrer sur leurs missions régaliennes".
Reconnaissables à leur tee-shirt avec l'inscription "Police nationale-Sauveteur" et le logo "CRS", 297 d'entre eux ont été affectés cette
année dans 62 communes. En 2002, ils étaient 722 répartis dans 126 communes pour surveiller 152 km de littoral. Depuis 2016 et les attentats jihadistes qui ont frappé la France, les maîtres-nageurs-sauveteurs (MNS) sont dotés d'un sac étanche contenant un pistolet automatique pour répondre à la menace terroriste.
Si le nombre des CRS affectés à la surveillance des plages est "stable depuis trois ans" selon Beauvau, des déclarations du ministère de l'Intérieur au coeur de l'été ont semé le trouble. "Si des nageurs-sauveteurs des compagnies républicaines de sécurité (CRS) participent, historiquement, à ce dispositif, il ne s'agit pas d'une mission propre des CRS, puisque la police des baignades ne relève ni des missions régaliennes de l'Etat ni de ses obligations légales", écrivait mi-juillet le ministère dans une réponse écrite à deux parlementaires.
"De nouvelles évolutions ne doivent pas être exclues par principe pour permettre aux forces de l'ordre de se concentrer sur leurs missions régaliennes, notamment en période estivale", ajoutait-il.
La fin de cette mission serait "une perte considérable pour la sécurité de nos concitoyens et des touristes étrangers sur nos plages, parce qu'ils surveillent la baignade, préviennent les incivilités et luttent contre la menace terroriste qui existe aussi sur les plages", réagit auprès de l'AFP Daniel Fasquelle, député LR du Pas-de-Calais et conseiller municipal du Touquet. "La sécurité des citoyens français, en ville ou à la plage, c'est de la responsabilité de l'Etat, pas des communes", estime-t-il.
Recrudescence des incivilités
Sur le littoral dunkerquois, la baisse du nombre de CRS ces dernières années a déjà contraint les communes à s'adapter, souligne FrédéricVanhille, président du syndicat intercommunal des Dunes de Flandres. Ce syndicat paie à des jeunes volontaires la formation au brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique ainsi que celle à la conduite nautique. Il embauche chaque été 78 encadrants et surveillants de baignade.
"Il y a la problématique financière certes, mais elle est surtout humaine. Ce sont des jeunes, étudiants, qui ont une responsabilité énorme qui pèse sur leurs épaules", juge M. Vanhille. Dans un rapport de 2012, la Cour des Comptes relevait qu'"au fil des ans, les MNS CRS sont devenus une force sur laquelle certaines communes se sont habituées à compter" tout en soulignant la "participation contestable des CRS à un dispositif complexe". "La Cour des Comptes a une analyse financière de la situation et donne des pistes d'économie au gouvernement", répond le maire Modem de Lacanau (Gironde), Laurent Peyrondet, membre du comité directeur de l'Association nationale des élus du Littoral (ANEL). "Mais elle n'est en aucun cas habilitée à se prononcer sur l'activité des CRS, dont la première mission est de sauver les baigneurs de la noyade mais aussi d'exercer un pouvoir de police sur la plage", plaide cet élu.
Nous n'avons plus de CRS sur la plage depuis 2016. Cela nous a supprimé de la sécurité c'est indéniable : quand les jeunes des quartiers chauds des villes alentours venaient sur la plage, ils craignaient les CRS. Depuis, nous avons une recrudescence des incivilités, assure le maire de Larmor-Plage (Morbihan), Victor Tonnerre.
Pareil pour Fouesnant en 2016 qui voit les CRS remplacés par des pompiers volontaires. L'État d'urgence avait incité la commune à se réorganiser.
Un reportage de C. Louet, F. Malésieux, M. Ragot / avec Anna Le Cossec, Maître nageur sauveteur - Gilbert Gire, Capitaine - Responsable des activités nautiques - SDIS 29, Roger Le Goff, Maire de Fouesnant
Même problématique pour le maire de Ouistreham (Calvados). "Les incivilités et délits ne sont plus répertoriés sur la plage car je n'ai pas les moyens d'assurer une présence policière permanente, ce qui entraîne une baisse des statistiques de la police mais les plages ne sont pas pour autant sécurisées", explique-t-il.
Pour Christian Plantier, maire (sans étiquette) de Mimizan, petite station balnéaire des Landes, la question de la disparition des CRS sur les plages "ne se pose plus". Depuis deux ans, il fait ainsi appel à des maîtres-nageurs-sauveteurs privés et rémunérés par la commune. En cas de problème de sécurité publique, "ils sont en liaison permanente avec la police municipale qui peut intervenir à tout moment",
précise l'élu.