Si les salariés de la Fonderie de Bretagne espéraient quelque chose du Comité de la filière automobile, ils n’ont pas rêvé longtemps. Situation inéluctable, suppressions d’emplois, le ton a vite été donné. En réponse, ils ont décidé de bloquer le site, avec la direction à l'intérieur.
"Quand le Comité stratégique de la filière automobile a débuté, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie a commencé à parler de relocalisation, raconte Maël Le Goff, secrétaire CGT de la Fonderie. Luca de Meo, le Directeur général du groupe Renault, a tout de suite remis les choses en place en annonçant que c'est lui qui déciderait !"
Depuis, Maël Le Goff a comme un truc coincé dans la gorge : "c'est la réunion d’hier qui ne passe pas, les 11 mois qu’on vient de vivre qui ne passent pas. On ne sait pas où on va !" lâche-t-il, la rage au ventre.
Ce mardi matin, au lendemain du comité qui se tenait à Paris, une réunion d'information était organisée pour les 350 salariés du site. Ils ont décidé de bloquer leur entreprise. Ni aucune pièce, ni personne ne sortira. La direction est donc retenue à l'intérieur de la fonderie.
50 millions pour la filière
La France compte 380 fonderies. 29 000 salariés, dont la moitié travaillent pour le secteur automobile.
Depuis des années, le secteur est en crise. La concurrence étrangère est rude, la main d'œuvre portugaise serait trois fois moins chère que la main d'œuvre française, celle des Turcs huit fois moins.
La fin des moteurs Diesel prévue en 2040, la transition vers des voitures électriques créent de l'incertitude sur le marché. Les véhicules de demain auront moins besoin des fonderies.
Ce lundi, le gouvernement a annoncé la création d'un fond de 50 millions d’euros pour accompagner ces emplois pendant la transition énergétique vers l’électrique. L’État versera 30 de ces 50 millions, et Renault et Stellantis dix millions chacun.
"De l'électrique, on sait faire !"
"On va leur filer 50 millions pour les aider à nous licencier." David Taillefer, secrétaire du Comité social et économique s'énerve : "tout ça, c'est du pipeau, des voitures électriques, on en fait déjà, on travaille pour la Zoé depuis au moins 3 ans. Tant qu'une voiture aura besoin d'un volant et de roues, elle aura besoin de boitier de différentiel. Besoin des fonderies."
"Tout ça, c'est juste pour augmenter les marges. Ils préfèrent commander ailleurs !" explique le délégué CGT.
"Renault nous fait subir la pression des prix. On est Renault, mais Renault nous paye mal. Quand on travaille pour d’autres constructeurs, comme BMW, ils paient les pièces au juste prix. Avec cette politique, Renault se tire une balle dans le pied. Et nous, il nous tire une balle dans la tête !"
On veut "travailler encore"
En mai 2020, le groupe Renault a annoncé la suppression de 15.000 emplois sur trois ans dans le monde, dont 4.600 en France. Au même moment, la direction a fait savoir que "la Fonderie de Bretagne n'a pas vocation à rester dans le giron du groupe Renault".
Depuis, les salariés se battent pour rester Renault. "Hier, explique David Taillefer, la chaine a tourné à 89% de rendement, et aujourd'hui on nous dit qu'on ne veut plus de nous ! Je suis dégoûté."
"On veut travailler, faire les 3/8, sortir des pièces, travailler. On veut juste travailler !" renchérit Maël Le Goff.
Condamnation du blocage et appel au calme de la Direction
Le blocage du site continuait en début de soirée. Dans un communiqué, la direction du constructeur automobile Renault a condamné le blocage de l'usine par des salariés qui demandent leur maintien au sein du groupe, et appelé à un "retour au calme immédiat".
"Un groupe de salariés de la Fonderie de Bretagne retient actuellement sept membres de l'entreprise au sein du site de Caudan. Renault Group condamne fermement ces agissements, appelle à la levée du blocage et à un retour au calme immédiat", indique le communiqué, précisant que "la recherche d'un repreneur suit actuellement son cours afin de maintenir les activités du site et d'assurer la pérennité des emplois".