Les deux nouveaux poulaillers industriels de Langoëlan en passe d'être validés par la justice

Deux associations, un syndicat agricole et trois habitantes de Langoëlan (Morbihan) ont demandé jeudi 25 novembre 2021 au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté préfectoral qui avait autorisé un élevage de volailles de la commune à accueillir jusqu'à 120.000 animaux.

Deux associations, un syndicat agricole et trois habitantes de Langoëlan (Morbihan), près de Guémené-sur-Scorff, ont demandé jeudi 25 novembre 2021 au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté préfectoral qui avait autorisé un élevage de volailles de la commune à accueillir jusqu'à 120.000 animaux.

L'EARL de Kermaria - gérée par Youenn Le Fur - avait été autorisée le 29 novembre 2019 à exploiter deux nouveaux poulaillers de 2.200 m2 chacun. Un avis favorable "avec réserves" avait été rendu à l'époque par le commissaire-enquêteur.

Le projet avait alors soulevé la contestation du voisinage. Eaux et Rivières de Bretagne (ERB), Bretagne Vivante et la Confédération paysanne ont contesté cet arrêté devant la justice administrative, tout comme une agricultrice, une éleveuse et une sylvicultrice du coin. 

Toutes maintiennent que l'étude d'impact préalable à ce projet n'a pas procédé à un "inventaire exhaustif" de la faune et de la flore locale, alors que ces poulaillers se trouvent dans un "réservoir de biodiversité" et une ZNIEFF (Zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique). Elles rappellent aussi que le Schéma de cohérence territoriale (Scot) du Pays du Roi-Morvan mentionne la présence d'escargots de Quimper, une espèce protégée, "en lisière" du projet controversé.

Un commissaire enquêteur accusé de partialité

"Une cinquantaine" d'élevages classés comme Installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) au vu de leurs émissions d'ammoniac se trouvent aussi déjà "dans un rayon de dix kilomètres" autour de l'EARL de Kermaria.  Mais le rapporteur public a préconisé de les débouter : il n'a rien trouvé à redire à l'étude d'impact menée par l'éleveur de volailles, en dépit d'informations parfois "parcellaires" qui "n'ont pas nui à l'information du public". 

Le magistrat, dont les avis sont souvent suivis par les juges, estime également que le rapporteur public n'a pas fait preuve de "partialité" dans cette affaire. Il avait pourtant d'emblée apporté un "soutien de principe" aux nouveaux poulaillers et critiqué le "déchaînement de haine" d'opposants "intolérants" et "cherchant la petite bête", avaient pointé les requérantes. "Il a tenté d'objectiver les termes du débat et a repris les termes des opposants, parfois véhéments, dans un contexte de forte mobilisation contre le projet", préfère retenir le rapporteur public.

Un élevage qui soulève seulement des questions non juridiques

Les "inconvénients" allégués pour le voisinage ne sont par ailleurs "pas établis", selon lui. A titre d'exemple, si les deux nouveaux poulaillers vont générer le passage à Langoëlan de "243 camions par an", cela revient à "moins d'un par jour". De la même façon, le magistrat considère qu'il n'y a "pas d'atteinte à l'agriculture biologique" défendue par les requérantes : le ruisseau le plus proche du lieu de stockage des fientes de volailles se situe à "83 mètres", et le terrain est plat.

Enfin, la densité d'animaux prévue dans ces deux poulaillers industriels respecte les directives européennes "malgré les questions non juridiques que soulève une telle pratique aujourd'hui". Il a donc conclu au rejet de la requête des opposants au projet.

Me Thomas Dubreuil, l'avocat des requérantes, a fait part de son "désaccord profond" avec les conclusions du rapporteur public : plusieurs "vices substantiels" devraient entraîner, selon lui, l'annulation de l'arrêté préfectoral contesté.

"Je me demande à quoi servent les zonages de protection environnementaux si c'est pour nous dire aujourd'hui que la présence d'un "réservoir de biodiversité" est sans incidence sur la légalité de cet arrêté", a déploré l'avocat.

"Des enjeux en termes de marées vertes"

Me Thomas Dubreuil a également fustigé "l'étude d'impact a minima" faite par l'EARL de Kermaria dans ce dossier. "Si vous validiez cette étude d'impact, ce serait un très mauvais signal que vous enverriez [aux éleveurs, ndlr] : cela voudrait dire "Faites-en le moins possible, dormez sur vos deux oreilles, la justice n'y trouvera rien à redire"."

L'avocat d'Eaux et Rivières de Bretagne a préféré rappeler aux magistrats rennais les "enjeux en termes de marées vertes" et le "passif breton assez important" en la matière. "Alors qu'on est dans une zone saturée en ammoniac, avec de très nombreuses exploitations, on vient rajouter un élevage intensif... C'est l'éléphant au milieu de la pièce ! Cela me pose donc un vrai problème juridique et intellectuel quand on me dit qu'il n'y avait pas à identifier les effets cumulés [de toutes ces exploitations, ndlr] sur l'environnement", a-t-il souligné.

La préfecture du Morbihan et l'EARL de Kermaria n'étaient ni présentes ni représentées par un avocat à l'audience. Le tribunal administratif de Rennes, qui a mis son jugement en délibéré, rendra sa décision dans un mois.

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