"Amateurs qui nous surveillent", "suspicion permanente", la prévention de la délinquance par les citoyens fait polémique

Ils ne veulent pas de surveillance organisée dans leur commune. A Locmiquélic, dans la rade de Lorient, un collectif d'habitants s'est formé pour lancer une pétition hostile à la décision du maire d'organiser une prévention de la délinquance par les habitants eux-mêmes. En France, plus de 6 000 communes, dont 70 dans le Morbihan, ont recours ce dispositif.

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"Pas question de justifier que des amateurs nous surveillent" ou encore "Ça banalise une forme de suspicion permanente dans la commune"...

Dans la commune de 4 000 habitants, toute proche de Lorient, l'affaire fait grand bruit depuis quelques semaines. Elle est même à l'origine d'une pétition d'habitants de la commune de Locmiquélic dans le Morbihan. La cible : la décision d'Éric Paturel et d'une partie de son conseil municipal de mettre en place un dispositif appelé "Protocole de Participation Citoyenne".

Détecter les comportements suspects

Un dispositif signé sous forme d'une convention entre une commune, la gendarmerie et l'État via le préfet du département. Selon la fiche explicative de l'État remise aux maires lors de la signature, le protocole vise "à lutter contre la délinquance de proximité et en particulier contre les cambriolages ". L'objectif est clair : "organiser la transmission et la remontée aux forces de l'ordre d'informations qu'ils peuvent recueillir sur le terrain." Et pour y parvenir, c'est la participation des citoyens et des habitants qui est mise en avant.

Des "volontaires référents" en charge de "détecter des comportements suspects", "signaler aux forces de l'ordre des faits anormaux" mais aussi d'exercer des actes de prévention en cas de logements vacants du type "ramassage de courrier, surveillance" précise le document officiel.

Pas besoin de ce protocole. Nous habitons une commune hyper tranquille avec des principes de solidarité.

Lucie Montier

membre du collectif hostile au protocole de participation citoyenne

Pour Lucie Montier et Cécile Deprez, à l'origine de la pétition hostile à ce protocole défendu par le maire, ce dispositif n'a pas de sens. "Nous habitons dans une commune hyper tranquille, hyper paisible" insiste Lucie Montier. Pour elle, "cela banalise une forme de suspicion permanente dans la commune". Cécile Deprez ajoute que ce dispositif "rappelle les heures les plus sombres de notre histoire avec de la délation".

Nous ne voulons pas que des amateurs, non formés, fassent de la surveillance.

Lucie Montier

Membre du collectif hostile au protocole de participation citoyenne

Mise en ligne début mars, la pétition demandant "l'abandon du protocole de surveillance" a tout de suite convaincu plus de 250 signataires. 15 jours après, la pétition frôle les 350 signatures. Pour elles deux, ce dispositif donne trop de pouvoir à "des gens non formés, des amateurs qui agissent dans le cadre d'un discours sécuritaire."

Des opposants qui ont prévu de se rassembler samedi 23 mars devant la mairie pour demander le retrait du dispositif.

4 000 cambriolages par an dans le Morbihan

De son côté, Éric Paturel, le maire de la commune, se refuse à répondre aux questions de la rédaction de France 3 Bretagne. Joint par téléphone, il nous indique seulement "qu'il y a suffisamment d'actes de délinquance (dans sa commune) pour agir". Avant de raccrocher, il précise qu'il y a "4 000 cambriolages par an dans le Morbihan".

Sur Facebook, il a tenu à faire une mise au point sur cette participation citoyenne, en indiquant que "l’équipe municipale actuelle, elle, a le courage de la mettre en œuvre pour le bien-être et la sécurité des Locmiquélicains."

Le maire qui vient même de recevoir l'appui du préfet du Morbihan. Dans un communiqué publié dans la soirée du 21 mars, le représentant de l'État "souhaite apporter son soutien au maire de la commune dans sa démarche et condamne les insultes et injures dont il a fait l'objet".

Sentiment d'insécurité

Une participation citoyenne que Vanessa Codaccioni, professeure de science politique à l'Université Paris 8, considère comme une menace. L'auteure de La société de vigilance, autosurveillance, délations et haines sécuritaires, publié chez Textuel, estime qu'"il s'agit d'une surveillance horizontale, où ce sont les citoyens qui se surveillent, et qui traduit un durcissement du maintien de l'ordre." Elle ajoute : "Même si la délinquance existe, je défends la thèse selon laquelle cette vigilance, cette autosurveillance des citoyens par eux-mêmes, crée une autre menace en aggravant le sentiment d'insécurité."

Selon la chercheuse Vanessa Codaccioni, "cette surveillance est née dans les pays anglo-saxons dans les années 70/80. Elle se développe toujours en moments de crise."

Selon les chiffres officiels, depuis 2006, date de la première signature de convention de participation citoyenne, près de 6 000 communes françaises ont eu recours à ce dispositif. Elles sont environ 70 dans le Morbihan.

Mais aucun chiffre n'existe sur le rôle et la diminution éventuelle de la délinquance du quotidien que sont les cambriolages et les actes d'incivilités grâce à ce type d'actions.

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