Le port de pêche de Lorient va développer son activité à l'étranger. Dans le cadre d'un consortium omano-français, le deuxième port de pêche français va bientôt investir dans le développement d'un ensemble portuaire de 250 hectares, au sud du sultanat d'Oman.
Sur la criée du port de Lorient (Morbihan), des poissons en provenance du sultanat d'Oman feront peut-être bientôt leur apparition. Le port de Keroman s'est en effet lancé dans une coopération avec le port de Duqm, situé au sud du sultanat d'Oman. De quoi tracer un "horizon maritime commun", selon la page internet dédiée à ce partenariat sur le site de l'agglomération de Lorient.
La société Ker'Oman a décroché en 2020 un appel d'offres pour concevoir et gérer le port de Duqm. Un contrat passé relativement inaperçu, jusqu'à la venue, cet automne, d'une délégation omanaise au salon Itechmer de Lorient.
L'objectif est de créer au port de Duqm "un ensemble portuaire directement inspiré de l’écosystème lorientais". "Il s'agit d'apporter notre savoir-faire portuaire", détaille Maurice Benoish, président de la SAS Ker'Oman, citant la construction et la réparation navale, la vente de matériel de pêche ou la formation. Sur une plaquette de présentation du projet, la SAS Ker'Oman affirme "en tant qu’associée au projet souhaite mobiliser des compétences complémentaires et attirer des investisseurs pour la réalisation des superstructures, ainsi que pour leur gestion sur le long terme." Soit une somme de 80 millions d'euros.
"Cette polémique, c'est quand même dommage, car c'est la première fois qu'un port français s'exporte de cette manière-là", regrette Maurice Benoish. "C'était un éventuel financeur qui voulait faire une ligne aérienne pour importer du poisson à Lorient", explique-t-il. Selon lui, si l'importation de poisson n'était pas du tout l'objet du partenariat avec le sultanat, "si les mareyeurs le veulent, ils auront un accès à Oman qu'ils n'avaient jamais eu jusqu'à présent. L'avion, c'est un transport normal pour du poisson aujourd'hui."
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Les craintes des pêcheurs et des écologistes
Un transport qui alourdit cependant "de 10 fois l'empreinte carbone du poisson", dénoncent les écologistes, qui voient dans le partenariat avec Oman le "symbole d'un développement économique climaticide".
"On sacrifie les pêcheurs lorientais en allant créer une structure qui va les concurrencer. La question, c'est : est-ce qu'on veut encore un port de pêche à Lorient ?", cingle Damien Girard, chef de file de la gauche et des écologistes à Lorient.
Une ligne partagée par les pêcheurs, comme David Le Quintrec, patron pêcheur lorientais, qui dénonce "un non-sens, faire importer du poisson qui vient du Golfe persique. Du grand n'importe quoi !"
Le deuxième port de pêche français importe déjà de grandes quantités de poissons, pour ses mareyeurs et usines de transformation. Le port traite 80.000 à 100.000 tonnes de produits de la mer chaque année, pour seulement 18.109 tonnes de poissons débarqués par les pêcheurs en 2022. En France, 80% des produits de la mer sont d'ailleurs importés.
Un système "d'avances remboursables"
Un autre point a créé le débat : le soutien des collectivités à la SAS Ker'Oman sous formes d'avances remboursables. "Cette petite avance remboursable ne coûtera pas un centime au contribuable", estime Pascal Le Liboux, vice-président de Lorient Agglomération. "On investit de manière massive dans la modernisation du port pour assurer un avenir à la pêche bretonne"
L'élu assure lui aussi qu'il "n'y a pas de projet à court terme d'importer du poisson d'Oman". Mais "qu'est-ce qu'on fera dans 15 ou 20 ans ? Je n'en sais rien", reconnaît-il, car personne n'est capable de prévoir "comment évoluera la ressource".
Les marins sont d'autant plus remontés que le port de Lorient, au rôle moteur dans le partenariat avec Oman, est présidé par Olivier Le Nézet, qui est aussi à la tête du comité des pêches du Morbihan, de Bretagne et du comité national. "A force d'avoir de multiples casquettes, il en oublie son rôle principal : défendre les pêcheurs français !", fulmine Stéphane Pochic, armateur à Loctudy (Finistère).
On est là pour amener des compétences, point! Le reste c'est de la littérature.
Olivier Le NézetPrésident du Comité National des Pêches Maritimes
Des critiques balayées par l'intéressé. "Ce n'est pas Olivier le Nézet qui va faire venir du poisson d'Oman !", lance-t-il, en dénonçant "une tempête dans un verre d'eau" car importer du poisson, "c'est un choix d'entreprise privée. Je ne vais pas décider pour une entreprise de mareyage. S'ils veulent le faire, c'est leur choix."