Les pêcheurs multiplient les actions pour se faire entendre. Opérations “port mort” ce jeudi et vendredi, manifestations à Rennes et Lorient, actions devant des préfectures. Entre les directives européennes et le prix de l’essence “la coupe est pleine” témoignent ces travailleurs de la mer qui redoutent de voir disparaître la pêche artisanale.
Près de 200 pêcheurs en colère sont venus exprimer leur détresse devant la préfecture des Côtes d’Armor ce 29 mars. “C’est la mort de la pêche artisanale” témoignait un patron pêcheur venu manifester après sa sortie en mer lors de la grande manifestation qui avait réuni 600 pêcheurs de toute la France, le 22 mars à Rennes.
Les professionnels de la pêche ne comptent plus les raisons d’exprimer leur colère : la réduction de leurs zones de pêche, le prix du gazole, le brexit, le plan casse, les parcs éoliens. Les pêcheurs multiplient les actions pour se faire entendre. Deux journées “port mort” sont annoncées pour les jeudi 30 et vendredi 31 mars.
Avant ces journées de blocages des ports, voici les grandes raisons de la colère des pêcheurs.
1- Réduction des zones de pêche : le plan Natura 2000
“Natura 2000, ça va commencer en 2024 et ça va nous tuer. L’Europe veut nous étrangler.” Ce cri du cœur revient dans la bouche de nombreux pêcheurs venus exprimer leur colère lors de la manifestation du 22 mars à Rennes.
Dans les faits, la Commission européenne a annoncé, le 15 septembre 2022, la fermeture d’une partie des eaux de l’Atlantique Nord-Est pour 2024. 87 zones sensibles ont été désignées afin de protéger la biodiversité des fonds marins, soit une zone de 16.400 km2.
Dans ces zones au large de la France, de l’Irlande, du Portugal et de l’Espagne, les pêcheurs ne pourront plus utiliser leurs chaluts de fond : fini les filets, dragues, ou les casiers.
Et d’ici 2030, c’est 30% des eaux européennes qui entreront dans cette interdiction de chalutage de fond. Une interdiction qui devra se mettre en place progressivement a annoncé le 21 février 2023 la Commission européenne.
Hervé Berville, le ministre de la pêche s’est positionné très farouchement contre cette mesure. "On ne peut pas accepter de telles propositions déconnectées de la réalité". Des mesures "qui vont condamner la pêche artisanale" assure le ministre.
2- Le parc éolien en baie de Saint-Brieuc
Si les marins pécheurs rencontrés lors de la manifestation de Rennes demandent la suppression du plan Natura 2000, ils rejettent également le parc éolien de Saint-Brieuc. “Encore une zone de pêche en moins. Comment peut-on faire vivre notre entreprise ?” Pour Kevin et Morgane, patrons pêcheurs à Saint Cast Le Guildo, les zones de pêche deviennent trop petites pour le nombre de bateaux. “On part à la faillite, on a peur” témoignent ces propriétaires d’un fileyeur de 12 mètres.
"Un parc éolien géant pile au milieu de notre zone de pêche et en plein dans la zone de reproduction des coquilles” s’emporte Yann, marin pêcheur à Erquy. “On ne peut pas nous laisser comme ça”. Le pêcheur redoute de partir en “plan casse”. “Si nous sommes trop nombreux, ils vont mettre à la casse nos bateaux. Et ensuite je fais quoi ?”
3- Fermeture de zones de pêche dans le golfe de Gascogne
Les pêcheurs sont toujours remontés contre le Conseil d'État qui a ordonné le 20 mars dernier au Gouvernement de prendre des mesures, dans un délai de six mois, pour limiter les captures accidentelles des petits cétacés par les activités de pêche dans le golfe de Gascogne.
Lire : Dauphins échoués. Le conseil d'état ordonne à l'Etat de fermer certaines zones de pêche
Pour préserver les dauphins victimes de captures accidentelles, pendant 5 ans, du 15 janvier au 15 mars dans le golf de Gascogne sera interdit : la pêche au chalut pélagique, au chalut à grande et très grande ouverture verticale et au filet maillant.
Suite à cette décision, une dizaine de bateaux de pêche, chalutiers et fileyeurs, ont bloqué ce vendredi 24 mars au matin le port de plaisance de Lorient.
4- Le prix des carburants
“On ne va pas tenir” redoute le couple de pêcheurs d’Erquy en pensant à la pression financière liée au prix des carburants.
La question avait déjà provoqué des nombreux blocages de dépôts pétroliers en mars 2022.
Les aides actuelles du gouvernement ont été prolongées jusqu’au 15 avril, mais de manière dégressive. De 25 centimes le litre, elles sont passées à 10 centimes le litre. “C’est trop peu, face à la flambée des prix” lâchent ces pêcheurs spécialisés dans la coquille.
5- Brexit et “plan casse”
Le Brexit empêche les pêcheurs français de travailler dans les eaux britanniques. Pour faire face aux difficultés financières liées à cette baisse d’activité, des indemnités sont proposées aux patrons pêcheurs qui envoient leurs bateaux à la casse.
Lire : Plan de sortie de flotte. La pêche bretonne tente de s'adapter
En Bretagne 45 bateaux ont été ainsi “sortis de flotte”. C’est 4% de la flotte régionale. Un plan qui ne règle pas le problème et qui affaiblit un secteur en difficulté, témoignent les pêcheurs venus manifester à Rennes le 22 mars.