Deux mille marins-pêcheurs, venus de toute la France, sont attendus ce mercredi 22 mars à Rennes. Ils se rassemblent pour exprimer leurs inquiétudes et tirer la sonnette d’alarme concernant leur activité de pêche côtière et l'avenir de toute la filière. Ils seront rejoints par des agriculteurs, et d'autres groupes mobilisés contre la réforme des retraites.
Ce mercredi, sur l'esplanade Général de Gaulle, des pêcheurs venus des quatre coins du littoral français exprimeront "un ras-le-bol général". Les raisons de leur colère sont nombreuses, avec en premier lieu l'explosion des prix du carburant. Même si l'aide au carburant dont bénéficient les armements sera maintenue à 20 centimes par litre de gazole et ce, jusqu’à fin octobre, annoncé Emmanuel Macron au dernier salon de l'agriculture.
Trop de contraintes
Les pêcheurs sont également remontés contre les contraintes réglementaires imposées par la Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture, ou encore les fermetures spatio-temporelles pour protéger les dauphins.
Saisi par trois associations, le Conseil d’État a ordonné au Gouvernement de fermer des zones de pêche dans le golfe de Gascogne pour des périodes appropriées, afin de limiter le nombre de décès de dauphins communs, grands dauphins et marsouins communs, victimes de captures accidentelles lors des actions de pêche.
Mais la "cerise sur le gâteau" du plan de la commission européenne qui pourrait remettre en cause la pêche artisanale reste l’interdiction du chalutage de fond dans les aires marines protégées d'ici 2030. "Là, ce qui a fait déborder le vase, c’est la commission européenne qui nous dit clairement qu’elle veut détruire la pêche française, la pêche hauturière, la pêche côtière", alerte David Le Quintrec, pêcheur à Lorient.
Une proposition dénoncée également par le gouvernement, notamment par Hervé Berville, pour qui, "la proposition de la Commission européenne condamnerait la pêche artisanale française. La France et le gouvernement sont totalement, clairement et fermement opposés à la mise en œuvre de cette interdiction d’engins de fond dans les aires marines protégées", a affirmé le secrétaire d’État chargé de la mer. Il répondait, le mercredi 8 mars, à une question du sénateur centriste du Finistère Michel Canévet, qui relayait les inquiétudes des pêcheurs de son département.
Selon les représentants de la pêche française, cela pourrait menacer 1 200 navires et 4 000 marins français. Le projet de Bruxelles intervient alors que les ports de l’Ouest sont sous le choc de la disparition annoncée de près de 90 navires, dont la moitié en Bretagne, dans le cadre du "plan de sortie de flotte", en cours de finalisation, rendu nécessaire par le Brexit et les restrictions de pêche imposées par le Royaume-Uni.
L’inquiétude de la filière est particulièrement grande en Bretagne, comme en a témoigné le rassemblement de plus de 600 personnes, le 25 février à Pont-l'Abbé, pour soutenir les pêcheurs du Pays Bigouden.
Un rassemblement en référence au 4 février 1994
Le choix d'organiser ce rassemblement dans la capitale bretonne n'a rien d'anodin. La dernière grande manifestation des pêcheurs à Rennes remonte au 4 février 1994.
Ce jour-là, les pêcheurs, très remontés, ont convergé de toute la Bretagne pour "accueillir" le Premier-ministre, venu signer le plan Etat-Région. Le centre-ville est comme en état de siège avec des casseurs qui en profitent pour se mêler aux affrontements. Une fusée de détresse avait terminé sa course sur le toit du Parlement de Bretagne qui avait alors pris feu.
Un pêcheur très en colère à l'initiative du rassemblement
Mais les organisateurs se veulent rassurants et indiquent que le rassemblement de ce mercredi 22 mars se veut "pacifique". C'est un pêcheur lorientais qui est à l'initiative de ce rassemblement à Rennes. David Le Quintrec est la barre du fileyeur "l'Izel Vor II".
Ce marin-pêcheur est depuis plusieurs semaines très inquiet pour son activité et l'avenir de la pêche côtière. "On demande aujourd'hui à continuer à travailler sereinement et qu'il y ait des jeunes derrière qui puissent reprendre nos entreprises et pas nous laisser crever comme c'est le cas actuellement", témoigne le fileyeur. "Je suis inquiet pour la pêche hauturière, pour la pêche côtière. On n'a aujourd'hui plus aucune visibilité."
Avec plusieurs de ses confrères bretons, il entend donner de la voix pour exprimer leur ras-le-bol face à la multiplication des contraintes qui leur sont imposées notamment visant la capture accidentelle des cétacés.
Ça fait des années qu’on essaie justement de pêcher moins de dauphins, de prises accidentelles. J’ai fait mettre des effaroucheurs sur la coque de mon bateau. J’ai des résultats qui sont positifs. Maintenant, ils veulent nous imposer des caméras à bord de nos bateaux, des systèmes de VMS pour géolocaliser nos bateaux. C’est simplement du flicage.
David Le Quintrec, pêcheur lorientais
Les motifs de la colère sont importants pour David Le Quintrec, beaucoup de ses confrères envisagent même de "mettre la clé sous la porte."