Le Vatican a qualifié de "grave violation" de la liberté de religion, la condamnation, par un tribunal français, d'une Communauté religieuse et d'un cardinal canadien. Le tribunal de Lorient avait jugé que le religieux avait renvoyé abusivement de sa communauté bretonne, sœur Marie Ferréol, qui en était membre depuis 34 ans.
Le jugement du tribunal civil de Lorient, dont le Saint-Siège dit n'avoir eu connaissance que "par voie de presse", "pourrait avoir donné lieu à une grave violation des droits fondamentaux à la liberté de religion et à la liberté d'association des fidèles catholiques", peut-on lire dans un communiqué diffusé par la salle de presse du Vatican.
Un cardinal canadien et la congrégation des Dominicaines du Saint-Esprit condamnés
Le 3 avril 2024, le tribunal de Lorient a condamné la Communauté des Dominicaines du Saint-Esprit à verser à son ancienne pensionnaire 182 400 euros pour son préjudice matériel et 10 000 euros au titre de son préjudice moral, solidairement avec le cardinal canadien et les "visiteurs apostoliques" (des enquêteurs) du Vatican Jean-Charles Nault et Maylis Desjobert, allés faire des investigations sur place.
"Discipline interne et appartenance à un ordre religieux"
Le Saint-Siège explique la sévérité de ses accusations par le fait que le tribunal s'est prononcé "au sujet de la discipline interne et de l'appartenance à un ordre religieux", arguant également que "le cardinal Marc Ouellet n'a jamais reçu de citation à comparaître du tribunal de Lorient." Il confirme en outre, dans son communiqué, qu'une note verbale concernant cette affaire a été adressée par la secrétairerie d'État (l'organe central du gouvernement du Vatican) à l'ambassade de France près le Saint-Siège.
Le Vatican reconnaît toutefois que le cardinal a "effectivement rendu une visite apostolique à la Communauté des Dominicaines du Saint-Esprit en vertu d'un mandat pontifical" et qu'"à l'issue de cette visite, des mesures canoniques ont été prises à l'encontre de Sabine de la Valette (ex-sœur Marie Ferréol), dont son renvoi".
Exclue en pleine nuit, après 34 ans de vie au sein de la communauté
Sœur Marie Ferréol, 57 ans, avait été renvoyée en octobre 2020 de sa communauté située à Berné, près de Lorient. Une "exclaustration" sans motifs, imposée en pleine nuit, après 34 ans de vie au sein de sa communauté. Elle vivait depuis du seul RSA (revenu minimum).
Au cours du procès, la présidente de la première chambre civile, Armelle Picard, s'était étonnée de ne pas pouvoir avoir accès au dossier d'accusation du Vatican. Maître Bertrand Ollivier, l'avocat des deux "visiteurs apostoliques", avait répliqué qu'il n'y avait "pas droit d'accès au dossier en matière canonique".
La religieuse avait dénoncé "des dérives et des faits graves"
La religieuse vivait sans histoire depuis 1987 dans cette communauté proche des mouvements traditionalistes catholiques. Mais, selon son avocate, à partir de 2011, les choses s'étaient envenimées, quand sœur Marie Ferréol avait dénoncé "des dérives et des faits graves".
D'après le tribunal, aucune preuve n'a été apportée par l'association démontrant que la radiation avait été réalisée dans le respect de ses statuts. Le cardinal Marc Ouellet, qui était préfet du Dicastère (organisme administratif assistant le pape) pour les évêques au Vatican à l'époque des faits, a démissionné de ces hautes fonctions en janvier, officiellement "en raison de la limite d'âge", alors qu'il a été accusé d'agression sexuelle au Québec.
(Avec l'AFP)