La ministre des Armées est en Bretagne ce jeudi. Florence Parly visite notamment Naval Group à Lorient. L'entreprise lance la fabrication de frégates nouvelle génération, destinées à la Marine nationale. Une révolution numérique, annonce le groupe.
La découpe de la première tôle de la frégate de défense et d’intervention (FDI) a eu lieu sur le site Naval Group de Lorient ce jeudi. Une cérémonie, qui s’est déroulée notamment en présence de la ministre des Armées, Florence Parly, ainsi que de Hervé Guillou, Président-Directeur général de Naval Group. C'est le bâtiment militaire du futur et il a fallu pas moins d'un million d'heures de travail pour le concevoir. A l'intérieur, c'est un concentré de technologies et d'innovations, une véritable petite révolution numérique.
Des frégates faites pour résister aux cyberattaques
La Marine nationale fait donc sa "révolution numérique" avec le lancement de la construction de frégates de taille intermédiaire, conçues pour résister aux cyberattaques et menaces non conventionnelles, avec dans son viseur le marché international.Commandés en 2017, cinq exemplaires de ces frégates nouvelle génération de 122 mètres, d'un tonnage de 4 500 tonnes et produites à Lorient, doivent être livrés à la Marine entre l'automne 2023 et 2029. La première, baptisée du nom de l'Amiral Ronarc'h, héros de la Première guerre mondiale, devrait entrer au service actif en 2025.
Adaptable aux évolutions numériques
Ces frégates FDI offriront un milieu de gamme entre les corvettes GoWind (2.500 tonnes) et les Frégates multimissions (FREMM, 6.000 tonnes), acquises à 8 exemplaires par la France. La dernière FREMM, "La Lorraine", est en cours d'assemblage sur le même chantier à Lorient pour une livraison en 2022. La FDI, "c'est la première frégate cybersécurisée", capable de traiter un fort volume de données et de "s'adapter en continu" aux évolutions numériques, relève Hervé Boy, responsable du développement des navires de surface chez Naval Group. Pour protéger les systèmes de commandement et de combat des cyber-menaces, les FDI seront équipées de deux "centres de données" hébergeant applications et calculateurs du navire, d'ordinaire dispersés et donc plus vulnérables aux intrusions. Une structure qui facilite aussi l'actualisation des systèmes informatiques sans avoir à trop immobiliser le navire.
Faire face aux menaces terroristes aériennes et sur mer
Surtout, la FDI est parée pour faire face aux nouvelles attaques dites "assymétriques", insiste Laurent Moser, directeur du site de Naval Group à Lorient. Menaces terroristes aériennes et sur mer, par mini-drones ou embarcations piégées... un local protégé à l'intérieur du navire est dédié pour les affronter, avec l'appui de capteurs extérieurs d'une performance accrue. C'est l'une des innovations les plus coûteuses du programme: une mâture unique intégrera un radar à quatre panneaux fixes (et non plus tournant) couvrant en permanence 360 degrés, conçu par le géant aéronautique Thales.
Des bâtiments fortement armés
Enfin, les FDI seront "fortement armées" selon Naval Group (avec missiles antinavires et antiaériens, torpilles anti-sous-marines, artillerie) et capables d'embarquer simultanément hélicoptère et drone aérien. Si la Marine n'a pas prévu d'équiper ses FDI de missiles de croisière navals, "on a réservé de l'espace et une puissance de calcul" pour en placer si besoin, assure un capitaine de frégate, sous couvert d'anonymat.
Les forces françaises disposeront donc à horizon 2030 de quinze frégates de premier rang: huit FREMM, cinq FDI et deux frégates de défense aérienne Horizon.
3,8 milliards d'euros pour les cinq FDI
Le coût du programme pour la France est estimé à 3,8 milliards d'euros pour ses cinq FDI, coûts de développement compris, selon des sources proches du dossier interrogées en 2017 -- un chiffre que ni Naval Group ni la Direction générale de l'armement n'ont souhaité confirmer. La France espère amortir sensiblement l'investissement grâce à l'export, sur le segment très disputé mais prometteur des 4.000 tonnes... un marché mondial pesant entre 30 et 50 navires sur les quinze prochaines années. "Assez peu de marines dans le monde sont capables de déployer des navires de la dimension des FREMM (...) Le marché est principalement tiré par des corvettes, et par ce type de frégate intermédiaire qui répond aux besoins des marines de second rang", explique Patrick Van den Ende, consultant défense du cabinet CEIS.
Un produit d'exportation
La FDI, "extrêmement modulable" et avec une carène rallongeable, a été "dès l'origine conçue comme un produit d'exportation (...) une nécessité pour abaisser le coût des navires pour la Marine nationale" et pour ne pas avoir à Lorient un site "surdimensionné", abonde Laurent Moser. Et de miser sur la rapidité: la production de la première FDI devrait prendre 38 mois (contre 42 mois pour la dernière FREMM), mais elle pourrait être à terme ramenée à 30 mois, estime-t-il.
La Grèce, premier client après la Marine nationale
Et si la France a dans son viseur ses marchés traditionnels comme l'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, l'Inde mais aussi l'Amérique latine, le premier client sera peut-être européen: Athènes envisage d'acheter deux FDI, selon une lettre d'intention signée le 10 octobre, et le chef d'état-major de la Marine grecque était présent ce jeudi à Lorient.
Cinq frégates nouvelle génération ont donc déjà été commandées par la Marine nationale française. Deux autres sont en pourparlers avec la Grèce. Une première livraison est prévue en 2023
Le reportage à Lorient (56) de Sandrine Ruaux, Valentin Leroux et Catherine Deunf
Interviews : Grégory, directeur du programme FDI "Frégates de Défense et d'Intervention" - Laurent Moser, directeur du site Naval group de LorientPar ailleurs, toujours chez Naval Group mais à Brest, après sept jours de mobilisation, les salariés qui travaillent sur la base des sous-marins de l'Ile Longue ont mis un terme à leur grève entamée le 15 octobre. La CGT indique que des négociations sur certaines indemnités auront lieu avant fin novembre.