Samantha Davies prendra le départ de la Route du Rhum aux commandes d'un bateau tout neuf, plus puissant, bâti à sa mesure. La navigatrice a mis du temps à digérer le traumatisme du dernier Vendée Globe où elle a frôlé la mort. "Je suis remontée sur le cheval en douceur" dit-elle. L'appel du large plus fort que les peurs pour cette femme qui s'élancera une fois encore vers l'inconnu, en solitaire, le 6 novembre.
Dans quelques semaines, Samantha Davies va repartir en solitaire autour du monde. La navigatrice s'alignera au départ de la Route du Rhum, à Saint-Malo, le 6 novembre. Sur un 60 pieds flambant neuf mis à l'eau cet été depuis Lorient.
Elle s'est préparée physiquement, mais surtout mentalement pour laisser derrière elle le traumatisme de son accident lors du Vendée Globe. Ce 2 décembre 2020, elle heurte violemment un objet flottant non identifié qui brise la quille au beau milieu de l'océan Indien. "Tout a volé sur le bateau, se souvient-elle. Moi y compris. J'ai été sévèrement blessée".
"Mise à nu"
La course est terminée pour elle. Sur le moment, elle envisage même d'abandonner définitivement la voile. "Et j'ai pensé aux gens qui se sont investis dans ce projet Initiatives Coeur, aux enfants atteints de maladies cardiaques qu'il permet de sauver. Je savais que je devais repartir, même hors course. On a réparé le bateau à Cape Town et je suis rentrée par la mer". Le corps est en vrac, la peur s'invite dans ce deuxième voyage qui sera également intérieur. La navigatrice tient bon. Son arrivée aux Sables-d'Olonne a le goût de la victoire.
Pour sa troisième participation au Vendée Globe, Sam Davies avait accepté à bord les caméras du réalisateur Edouard Mauriat. Le documentaire "Seule autour du monde" dont la sortie est prévue le 9 novembre, retrace cette aventure hors-norme. Du départ jusqu'à l'accident, à terre pendant les réparations du bateau, le retour, les questionnements. Tout est enregistré, filmé par la navigatrice, si peu encline à livrer d'ordinaire ses émotions.
La séquence tournée après ce qu'elle appelle "le crash" en dit long sur ce qui se passe dans sa tête. Elle craque. Pleure à chaudes larmes, confie sa peur d'avoir frôlé la mort. "C'est un peu une mise à nu, ce film, relate-t-elle. Sur le moment, c'est horrible car tu n'as pas envie d'allumer la caméra, surtout que les courtes vidéos que l'on poste sur les réseaux sociaux pendant l'épreuve ne montrent pas nos faiblesses ni la dureté de la course, son côté extrême, ni l'isolement dans lequel on se trouve. On filtre beaucoup". Là, pas de faux-semblants. La réalité brute.
La tête haute
"Tu ne vas plus jamais faire ça ?". Cette phrase, elle l'a souvent entendue une fois revenue en Bretagne. "Ben si, je vais continuer" répond-elle. Elle a la mer dans le sang, cette fille d'une famille de marins britanniques. L'histoire raconte qu'elle a même appris à marcher sur le bateau de ses parents !
Alors, passés les instants de doute et de remise en question, Sam Davies a soigné ses "blessures psychologiques". "Ça vaut le coup de ne pas baisser les bras, sourit-elle. Je suis remontée sur le cheval en douceur. Avec le recul, j'ai moins peur de l'abandon. Il faut juste accepter qu'on ne peut pas tout contrôler, que les mauvaises surprises existent et qu'on a les clefs pour gérer ça".
La mer, je la vis comme un privilège énorme
Sam DaviesSkippeuse Initiatives Coeur
La Route du Rhum sera sa première grande course depuis le Vendée Globe et avant le prochain car elle compte bien rempiler. "Il faut déjà que je me qualifie et pour cela, je dois finir classée sur la Route du Rhum". La navigatrice ne se demande plus si le jeu en vaut la chandelle. Elle connaît la réponse. "L'échec de 2020, on l'a transformé en réussite" analyse-t-elle aujourd'hui.
A 48 ans, Sam Davies enfile son ciré avec le même appétit qu'à ses débuts. Dans le sillage de son idole, Tracy Edwards, une autre Britannique, qui a mené le premier équipage féminin autour du monde en 1989 et lui a donné l'envie de prendre le large. C'est d'ailleurs avec elle que la skippeuse de Lorient fera le tour du globe pour la première fois en 1998 lors du Trophée Jules-Verne. Là encore, l'équipage est 100 % féminin. "Tracy, c'est une pionnière. Elle a ouvert la voie aux femmes dans un sport largement dominé par les hommes".
Sam Davies reprend le flambeau et veut elle aussi faire bouger les lignes. Six femmes au départ du dernier Vendée Globe. Sept pour la légendaire transatlantique en solitaire qui s'élancera de Saint-Malo. "On avance lentement, mais on avance. Les femmes dans la voile ne sont pas juste là pour les quotas. Nous aussi, nous avons des projets performants" constate celle qui arpente les pontons depuis plus de vingt ans.
Sur son Imoca tout neuf, construit à sa mesure, plus puissant, plus rapide, Sam Davies navigue la tête haute. L'ingénieure diplômée de Cambridge est heureuse en mer. "Je la vis comme un privilège énorme" lâche-t-elle dans un large sourire.