Morgane est atteinte d'un cancer du sein triple négatif métastatique, l'un des cancers les plus agressifs. Elle sait que la guérison n'est pas possible et attend beaucoup du Trodelvy, un traitement novateur qui peut allonger son espérance de vie.
Quand, en avril 2020, Morgane apprend qu'elle est atteinte d'un cancer du sein triple négatif, elle prend sa voiture, en sortant de l'hôpital de Lorient, et file vers la mer. Pour faire le vide et encaisser le diagnostic. Dix jours plus tard, les résultats des premiers examens révèlent l'ampleur de la maladie. Les métastases sont présentes sur les os et le foie. "Je me programme toujours pour le pire, confie cette femme de 45 ans. Quand on m'a parlé de cancer du sein, je me suis préparée à une ablation. Finalement, à chaque fois, j'ai été confrontée à pire que mon pire".
Tumeurs, ça fait 'tu meurs' et ça, c'est pas possible !
Morgane ne veut pas parler de tumeurs, mais de lésions. "Tumeurs, ça fait 'tu meurs' et ça, c'est pas possible !". Elle sait que son cancer est incurable. "Quand le triple négatif est diagnostiqué à temps et reste localisé, il y a des chances de guérison. Mais pour moi, la rémission, ça n'existera pas puiqu'il y a des métastases. Soit les traitements vont stabiliser la maladie soit ils vont ralentir son développement soit faire disparaître les lésions. En tout cas, je serai toujours sous surveillance et sous médicaments pour éviter que le cancer ne reflambe".
Les traitements, elle les a enchaînés. Et le dernier n'a pas fonctionné. "Mon corps n'a pas supporté. J'ai pourtant essayé de tenir bon pendant trois mois". Morgane se retrouve, aujourd'hui, dans ce qu'elle appelle "une impasse thérapeutique". Son seul espoir, non pas de guérison mais de vivre, vient des Etats-Unis et porte le nom de Trodelvy. Problème : le médicament, s'il est autorisé en France, n'est toujours pas produit en Europe. Et il n'arrive ici qu'au compte-gouttes. Seulement 78 femmes françaises bénéficient d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) délivrée par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), selon des critères spécifiques.
Première injection de Trodelvy
Fin mai, l'oncologue de Morgane décide de faire une demande d'ATU pour le Trodelvy. "Il ne me l'a pas dit de manière directe et crue mais j'ai bien compris que je ne pouvais plus attendre". Début juin, elle reçoit le feu vert de l'ANSM. Elle accuse le coup avec une pointe de culpabilité vis-à-vis des 600 femmes qui devront, elles, patienter jusqu'à la fin de l'année 2021 pour avoir accès à ce traitement novateur. La fin de l'année, c'est loin. Trop loin pour un cancer classé parmi les plus agressifs - l'espérance de vie est de quatorze mois. Le Trodelvy permet de doubler cette espérance de vie.
"Mes amies 'triplettes' étaient plus heureuses que moi en apprenant que j'allais pouvoir bénéficier du Trodelvy" confie Morgane. Elle va recevoir sa première injection dans quelques jours.
Les Triplettes, c'est ainsi que se sont baptisées les femmes touchées par le cancer du sein triple négatif. "Triplettes, c'est moins lourd et plus joli que triple négatif" dit la Lorientaise qui a rejoint le collectif #MobilisationTriplettes avec lequel elle milite pour faire accélérer les dossiers.
L'association a lancé une pétition pour que toutes ces femmes puissent accéder à Trodelvy. "Nous sommes face à une urgence de vie" explique le collectif.
Déni
Morgane raconte qu'elle n'a jamais été malade, menant une vie saine, sportive, à l'alimentation équilibrée. Cette auto-entrepreneuse reconnaît aussi qu'elle a passé plus de temps à prendre soin des autres. "Je ne me suis jamais attardée sur moi". Au point qu'en 2019, lorsqu'elle découvre une petite boule au niveau du sein et que son médecin généraliste n'y voit rien d'alarmant, elle poursuit son chemin. "C'était l'été, je suis partie en vacances, je suis passée à autre chose".
Le premier confinement arrive. La petite boule a grossi. "Je ne pouvais plus être dans le déni car je pense que j'ai fait un déni" relate-t-elle. Quand j'ai découvert les dégâts, j'étais encore en pleine forme. Je n'avais pas maigri, je n'étais pas fatiguée, rien ne me laissait supposer que le cancer en était à ce stade, avec des métastases sur tout le squelette et le foie". Son "physique de malade", comme elle dit, c'est après la première chimiothérapie qu'elle y fait face.
Morgane raconte aussi que "des amis ont discrètement disparu" de sa vie, quand elle leur a appris sa maladie. Alors, elle a décidé de laisser une partie des autres dans l'ignorance. "J'ai envie de les garder, déjà que j'en ai perdu quelques-uns, sourit-elle. Et puis, j'ai envie de discuter de tout sauf de ça, de les sentir libres de me dire ce qui leur arrive. Je ne veux pas la pitié".
"Dans l'instant"
Depuis qu'elle marche à nouveau - grâce à une radiothérapie des hanches qui a mis la douleur en sourdine -, elle a retrouvé ses promenades au bord de la mer. Elle a aussi renoué avec des séances de yoga. Elle écrit, effectue des relectures de textes. Et accepte que l'on s'occupe d'elle. Sa mère l'accompagne, jour après jour. "Elle est remarquable, souligne Morgane. Elle est là. C'est un roc !". Elle a longtemps espéré avoir un traitement "avec 1 % de chance de guérir mais pour une triplette métastasée, cela n'existe pas".
Morgane s'arrange avec la peur ou la tristesse qui la saisissent parfois. Son tempérament naturellement joyeux est un atout précieux. "Je vis dans l'instant. Avant-hier, je pétais le feu. Hier, j'étais épuisée, au lit. Peut-être que je ne serai plus là dans quelques mois, ajoute-t-elle, mais je vis de beaux moments tous les jours. Je savoure chaque souffle".