Les quatre départements bretons organisent la lutte contre le ragondin, une espèce considérée comme "nuisible". Les communes ont l’obligation de lutter contre sa prolifération par arrêté préfectoral. Dans le Morbihan, des campagnes de piégeage ont lieu à l’automne et au printemps et chaque année, entre 20 et 25.000 ragondins sont piégés et tués dans le département.
"Ici, c'est un endroit propice aux ragondins." Henri Le Botlan sait de quoi il parle. Cet ancien chasseur de Neulliac dans le Morbihan relève ces cages à ragondins : une dizaine est installée aux abords du canal de Nantes à Brest. "Je piège à des endroits très fréquentés, raconte-t-il. Et le lendemain, en général, j’en ai dedans ! Là, il y a la végétation, ils sortent ils sont tranquilles, ils broutent, c’est idéal !"
Jusqu'à 9 kilos la bête
Henri fait partie des sept piégeurs de ragondins de la commune. Ils relèvent les cages tous les matins durant les cinq semaines que dure la campagne d'automne. Comme dans les quatre départements bretons, les municipalités ont l'obligation de lutter contre ce nuisible. L’an dernier, Henri Le Botlan, en a piégé 67 !
Celui attrapé dans la nuit est de taille assez impressionnante, "mais il y a bien plus gros" rétorque Henri. "J’en ai pris un qui faisait toute la cage l'année dernière. Un mâle de 9 kilos et quelques !"
Le ragondin est un rongeur originaire d’Amérique latine. Il est arrivé en Bretagne à la fin du XIXè siècle. À l’époque, il était exploité pour sa peau et sa fourrure.
Mais avec la crise financière des années 1930, les manteaux ne se sont plus vendus, les éleveurs ont fait faillite et ont relâché les ragondins, dans la nature ! Depuis quelques spécimens sont élevés en France pour la viande.
Quand les berges deviennent du gruyère...
Un nuisible qui fait des ravages dans notre paysage. Sur les berges du canal de Nantes à Brest par exemple. "Le passage est là, vous voyez la descente, ils glissent par là pour aller dans l'eau" nous montre Dominique Huby, piégeur de ragondins lui aussi.
Des rongeurs que Daniel Salmon connaît bien également. Le sénateur d'Ille-et-Vilaine en voit circuler à proximité de son étang. "C'est un vrai souci, il érode toutes les berges !" confirme l'élu d'Europe Écologie Les Verts. "Ça déstabilise les berges des canaux, des étangs... C'est un problème en Bretagne, partout où il y a de l'eau parce que c'est un animal aquatique."
Le ragondin peut vite devenir envahissant."Une femelle fait à peu près trois nichées par an de six, ça fait déjà 18 ! Les petits au bout de six mois normalement sont prolifiques. Donc s'il y a deux ou trois femelles dans une nichée, ça montre très très vite !" détaille un des piégeurs. D'autant qu'il a en Europe, assez peu de prédateurs : le renard ou la fouine seulement. En Amérique Latine, c’est le jaguar et le caïman qui régulent l’espèce.
Sur le canal, ils sont si nombreux, qu’ils déstabilisent les berges, avec leurs terriers longs de six ou sept mètres : "Effectivement, quand tout ça s'est creusé, c'est entre 0,8 et 1 mètre cube de terre qui est rejetée dans le canal" explique Patrice Emeraud technicien à la FDGDON du Morbihan, la Fédération de défense contre les organismes nuisibles. "Derrière ça crée des problèmes d'envasement et des problèmes de fragilisation des berges, qui ne deviennent plus que du gruyère et progressivement, ici en plus avec les bateaux, ça ravine. Donc ça accélère la détérioration du canal et des cours d'eau."
Gare à la leptospirose
Sur les bords du canal, comme dans beaucoup d'autres coins en Bretagne, le rongeur n'est donc pas le bienvenu, d'autant qu'il est aussi responsable d’une maladie transmise à l’homme : la leptospirose, que les ragondins transmettent à l'homme. Ceux qui pratiquent des activités en eau douce doivent donc se méfier.
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Quelles solutions contre cette prolifération. Le piégeage en est une. La commune de Neulliac cherche d'ailleurs à recruter des piégeurs de ragondins. Les intéressés, vous pouvez appeler la mairie 02 97 39 60 14 ou écrire un mail à mairie@neulliac.bzh.
"Le piégeage, c'est une solution de court ou moyen terme" commente Daniel Salmon. "Mais sur le long terme, il faut essayer de refaire des chaînes alimentaires beaucoup plus complexes, qui permettent d'avoir des prédateurs du ragondin. Si on peut avoir davantage de renards, de fouines, de belettes, on aura des équilibres bien plus présents. La prolifération naît toujours quand il y a un déséquilibre au sein de la chaîne alimentaire."
La clé, serait donc entre autres de rééquilibrer les écosystèmes et d'encourager la biodiversité.
(Avec S. Salliou et G. Raoult)