Le confinement dans une maison avec jardin, ce n’est déjà pas toujours une partie de plaisir, mais lorsque l’on vit en cité ou dans un quartier difficile, cela tourne encore plus vite à l’ennui. Témoignages à Vannes, dans le quartier Ménimur, un des plus pauvres de Bretagne.
Ménimur, 2.000 habitants et quelques commerces essentiels encore ouverts : deux pharmacies, un bureau de tabac, une épicerie, une boucherie et une boulangerie. "On reste ouvert tous les jours sauf le dimanche de 7h à 19h30, explique Manuela la patronne. On a un peu réduit notre fabrication car il y’a beaucoup moins de monde même si ce matin, dix personnes attendaient devant la porte à l'ouverture."
"Les habitants du quartier prennent du pain pour trois ou quatre jours. Certains font les courses pour les voisins. Comme toutes les boulangeries du secteur ferment à 17h et même plus tôt, on arrive quand même à avoir du monde jusqu’à la fermeture. Mais forcément, notre chiffre d’affaires est en baisse."
La boulangerie emploie sept personnes et six apprentis mais en ce moment, elle a dû en mettre cinq en congés : "une semaine chacun et après, on tourne. La Poste est fermée, la Banque aussi. Nous, tant que nous pourrons, nous resterons ouverts" conclut-elle. Une chance pour le quartier situé en périphérie de Vannes et ou beaucoup d’habitants n’ont pas de moyens de locomotion pour aller faire leurs courses autre que les transports en commun.
"On commence à s’ennuyer"
C’est le cas de Cécile, agent d’entretien et de restauration dans une école de Vannes. Elle habite un petit immeuble du quartier et élève seule ses trois enfants de 15, 12 et 8 ans. Elle a donc pu rester chez elle pour s’en occuper. "Les courses, c’est une fois ou deux par semaine maximum, au supermarché. On y va à pied avec ma fille car je n’ai pas le permis. Ça fait de l’exercice et ma fille m’aide à porter les sacs de courses. Pendant ce temps, le grand garde la petite à l’appartement. Au début, c’était la cohue, il y’avait beaucoup de monde avec des chariots pleins. Le premier jour, j’ai même laissé les courses et je suis partie" explique-t-elle avec un peu de lassitude dans la voix.
Le reste de la journée, la famille le passe à la maison, comme tout le monde. "Le matin est consacré aux devoirs, à tour de rôle car il n’y a qu’un ordinateur à la maison" raconte la mère de famille. La grande, qui est en 6ème, est autonome mais je dois aider la petite qui est en CE2. Il y’a beaucoup de documents à imprimer. On a une imprimante mais l’encre commence à manquer."
L’après-midi, chacun s’occupe comme il peut. "Les grands sont sur le portable, on fait des jeux de sociétés, on joue avec la console, on écoute de la musique. Mais on fait aussi le ménage, chacun une éponge et hop." Pourtant, Cécile le reconnaît : "On commence à s’ennuyer. D’autant qu’on ne se connaît pas entre voisins. On ne se parle pas. Juste un peu avec ma voisine de palier, chacune derrière sa porte."
Gérer la solitude
Non loin de là, François lui, vit seul dans son appartement. Un fils à Paris, l’autre dans les Côtes d’Armor. "Le confinement, ça ne change pas grand-chose" raconte le retraité. "Je sors peu d’habitude, juste pour faire mes courses et aller voir des amis à Ploërmel". Il souffre du cœur et il est diabétique alors en cette période hautement risquée pour lui, pas question de faire des écarts : "Je prends le bus pour aller faire mes courses une fois par semaine dans un supermarché. J’avais fait un peu de stock. La voisine m’a proposé de l’aide et puis elle m’a donné des attestations. Ça fait deux ans qu’elle est là, mais on ne connaissait pas nos prénoms. Du coup, on a échangé nos numéros de téléphone."
"Plus que le coronavirus, c’est le trafic de drogue qui me rend malade"
Dans la journée, pour s’occuper, François fait des mots croisés et écoute de la musique : "Johnny, Scorpions, Elton John, Genesis. Surtout pas la télé pour ne pas voir les infos. Y’a bien assez de problèmes ici."
Car plus que le coronavirus, ce qui agace surtout François ce sont les dealers qui poursuivent leur trafic dans le quartier malgré les mesures de confinement. "Ils sont toujours dans le hall d’immeuble. Hier, il y’en avait trois dans la cave, sans gants, sans rien. Je leur ai dit qu’ils étaient irresponsables, qu’ils devaient partir, mais rien. La police passe parfois dans la journée mais elle ne leur dit rien. C’est juste la BAC, le soir, qui arrive à les chasser. Il y’a encore des clients qui viennent en voiture, en moto. Mais ils ne restent pas, car il ne doit plus y avoir beaucoup de marchandise."
Et puis il y a l’inconscience de certaines familles qui l’énerve : "Je vois des gamins dehors toute la journée, qui jouent au foot. Et les parents ne s’en occupent pas. Le parc juste à côté est pourtant fermé, mais ils y vont quand même." François espère que tout cela ne va pas durer, lui qui vit dans le quartier depuis 25 ans. Mais cela, ni lui ni personne ne peut à ce jour en être sûr.