Des économies sur le carburant, les machines agricoles, la main d’œuvre, c’est le but de recherches menées à la station expérimentale de Kerguéhennec près de Josselin. Une sorte de permaculture à grande échelle. Une nouvelle approche de la terre agricole avec de nombreux avantages et encore quelques questions en suspens.
"Ce sont des techniques de culture entre l’agriculture conventionnelle et biologique", explique Pierre-Yves Roussel.
A Bignan, près de Josselin dans le Morbihan, ce chargé d’études mène des travaux au sein de la station expérimentale de recherche de Kerguéhennec. Dans cette structure pilotée par la chambre d’Agriculture de Bretagne, on sème les graines de l’agriculture de demain.
Ne plus toucher au sol sauf pour semer
Le domaine de Pierre-Yves Roussel, l’agriculture de conservation des sols. Le principe de base : "ne plus toucher au sol sauf pour semer", explique-t-il. Conséquence immédiate, la terre devient dure et résiste mieux aux agressions du vent et de la pluie. Les vers de terre y vivent en paix et leur nombre s’en trouve décuplé. Un atout essentiel puisque leurs galeries favorisent l’aération du sol, la circulation de l’eau et le développement des racines.
Autre intérêt de cette terre plus compacte, un tracteur peut rouler dessus même par temps de pluie. Les adventices ("mauvaises herbes") s’y développent moins vite, réduisant le travail de désherbage.
Le carabe mange les limaces
Côté économique, "l’agriculteur s’y retrouve en économisant carburant, temps de travail et parfois matériel", analyse Pierre-Yves Roussel.
Cette approche de "conservation des sols" tente également de diminuer voire de supprimer les intrants : fertilisants, désherbants ou pesticides. Mais sans traitement, d’autres problèmes apparaissent. "Le nombre de limaces augmente, constate le chercheur. On se sert donc du carabe, son prédateur."
Ce coléoptère noir se régale de limaces mais hiberne à partir de novembre. Il faut donc s’adapter, "en semant un peu plus tôt les céréales d’hiver, leurs pousses seront sorties avant l’hibernation du carabe et bénéficieront de sa protection contre les limaces", détaille le scientifique.
Les légumineuses championnes en apport d'azote
Autres alliées de l’agriculteur dans cette approche, cousine de la permaculture : les plantes. Pour limiter les engrais azotés, pourquoi ne pas capter l’azote de l’air pour le réinjecter dans le sol ? Et pour cela, les légumineuses (lentilles, pois chiches, féveroles) sont championnes.
Les travaux menés à Kerguéhennec visent à déterminer les alliances de plantes possibles, les périodes propices pour semer, récolter la plante principale et son auxiliaire. Mais aussi comment et quand se débarrasser de l’auxiliaire si elle devient préjudiciable à la culture principale ?
Le mariage du colza et des féveroles
Pierre-Yves Roussel illustre ces travaux par l’association des féveroles et du colza. Semées fin août, les plantes poussent en parallèle. La légumineuse piège l’azote de l’air pour le renvoyer dans la terre et ainsi nourrir le colza. Plus hautes que le colza, les féveroles le cachent de ses prédateurs comme l’altise.
Et puis, quand le froid survient, la féverole se dégrade et couvre le sol. Ce mulch aura lui aussi un intérêt en retenant les pluies hivernales. Ralentissant ainsi l’érosion et empêchant l’azote présent dans le sol de s’écouler vers la nappe phréatique.
50 ans au mois de juin
Les scientifiques de la station expérimentale de Kerguéhennec planchent encore sur de nombreux sujets pour faire avancer les pratiques agricoles. L’utilisation des digestats des méthaniseurs comme fertilisant, de nouvelles techniques de désherbage… Cette année, au mois de juin, la station fêtera ses 50 ans. Des portes ouvertes se tiendront les 9 et 10 juin 2022.