C’est un mal mystérieux qui affecte des vaches en Bretagne. Décès prématurés, problèmes de fertilité, infections. A chaque fois, les agriculteurs pointent du doigt les lignes électriques, les antennes relais ou les éoliennes. Sans qu’un lien puisse être établi dans certains cas.
Stéphane Le Bechec surveille avec angoisse la santé de son troupeau. Car en 4 ans, il a perdu 200 vaches. En pleine détresse, l'éleveur a publié une vidéo sur les réseaux sociaux montrant l’agonie pendant plusieurs heures de l’une d’entre elles, pour témoigner de son quotidien fait de morts inexpliquées.
"On ne vit pas, puisque lorsque tout à l'impression d'aller bien, le lendemain je peux en retrouver, une, ou deux, par terre", témoigne l'agriculteur.
Stéphane incrimine deux antennes-relais, à moins d'un kilomètre. Mais aucun lien n'a pu être établi. Et pourtant…Vétérinaires, contrôleurs techniques, agents de l'Etat... Tous se sont penchés sur son exploitation, en vain.
Recours controversé aux géobiologues
Désemparé, Stéphane Le Bechec a contacté Maurice Colombel. Muni d'un fil et d'un multimètre, le retraité mesure le courant dans le champ. L'homme a été géobiologue, une profession non reconnue qui s'apparente aux sourciers. Pendant sa carrière, il a ausculté des milliers d'exploitations. Il mesure plus d'un volt dans le sol. En cause selon lui : la géologie, qui rend le sol conducteur.Une explication aux marges de la science, pour seule boussole : une situation loin d'être isolée. En Bretagne, la chambre d'agriculture suit une douzaine de cas jugés complexes. Pour lesquels, le recours aux géobiologues n'est pas un tabou.
"Notre vétérinaire est en lien avec des géobiologues, qui sont, on estime, serieux. La chambre d'agriculture de la Sarthe a même embauché un géobiologue" explique Edwige Kerbourioux, vice-présidente de la chambre d'agriculture de Bretagne en charge de ce dossier.
Dénonciation d'un "lobby électrique"
Face à l'absence de réponses satisfaisantes, et aux lourds préjudices subis, une douzaine agriculteurs concernés partout en France, a choisi d'attaquer en justice. Une action collective menée par l’avocat François Lafforgue."En face il y a un espèce de lobby électrique qui va se battre pour ne pas avoir à verser d'indemnisations, craignant que ce type de contentieux ne se développe", dénonce Francois Lafforgue.
Dans le viseur de l'avocat : le GPSE, le groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole, une structure qui dépend du ministère de l'Agriculture. Chargée d'aider les éleveurs confrontés à des problèmes d'origine électrique, elle est financée à 100% par les entreprises de l'énergie. Une dépendance assumée par son président, Claude Allo.
"Le financeur, s'est toujours un opérateur électrique. Les opérateurs électriques qui sont dans le tour de table, ce sont Énédis, RTE, France Énergie éolienne, et c'est le Syndicat des énergies renouvelables" détaille Claude Allo. "L'expertise est aussi indépendante que possible : on a nos propres experts, nous travaillons avec les conseils de l'exploitation, le vétérinaire" se justifie t-il.
Pour Claude Allo, la clef de l'énigme serait à chercher dans le sous-sol. Les éleveurs en détresse dénoncent quant à eux un scandale sanitaire qu'on chercherait à étouffer.