"Je t'aime encore", c'est le nouveau titre de la chanteuse costarmoricaine Yelle, en prélude à un quatrième album annoncé pour le mois de septembre. Avec à la clef une tournée, notamment à l'étranger, qui se prépare dans la plus grande incertitude.
Fermez les yeux. Nous sommes à Paris, Boulevard de Rochechouart. La salle de la Cigale est pleine à craquer.
1500 personnes debout, serrées les unes contre les autres. Prêtes à bouger, danser et chanter sans relâche.
Vous pouvez rouvrir les yeux.
Cette scène de liesse, ce n'est pas encore pour tout de suite, mais sans trop forcer son imagination, voilà bien à quoi pourrait ressembler la première grande date de la nouvelle tournée de Yelle, le 29 octobre prochain.
La Cigale, complet
Tous les billets mis en vente se sont très rapidement écoulés, une deuxième date a même été rajoutée le 30 octobre.
De quoi mesurer l'attente des fans alors que le précédent album de Julie Budet et de son compagnon Jean-François Perrier, réunis sous le nom de Yelle, remonte maintenant à six ans.
"Complètement fou", c'était son titre. Comme ce moment que nous vivons actuellement.
Confinée chez elle, près de Saint-Brieuc, dans les Côtes d'Armor, Julie Budet a du mal, comme nous tous, à se projeter véritablement dans les mois à venir.
"Si on doit partir en tournée, à l'automne comme c'est prévu, je me demande vraiment comment ça va se passer. Est-ce qu'on va tous avoir des masques ? Est-ce que les gens vont devoir avoir un mètre de distance autour d'eux ? C'est franchement pas envisageable pour un concert... Moi les concerts que j'ai fait ces derniers temps, voilà on est tous collés, on transpire, on saute, on crie, on se crache dessus, sans faire exprès, mais on se crache quand même dessus, alors voilà c'est pas possible."
La première date prévue à Brooklyn, NY, est d'ailleurs en suspens, liée à la reprise des transports, à l'ouverture des frontières.
La place des artistes
Le questionnement de la chanteuse va bien au delà des contingences liées à l'organisation d'une tournée.
"Y'a vraiment un énorme point d'interrogation sur la situation, et pour les gens qui bossent dans la culture, dans l'art, dans le cinéma, dans la musique, d'un coup on se dit à la fois qu'on est pas si important que ça pour le fonctionnement de la société, puisqu'elle marche sans nous, mais en même temps, on est quand même là pour permettre aux gens de s'évader, de découvrir d'autres choses, et ça c'est hyper important... mais là notre position elle est très délicate, à ne pas savoir ce qu'on va devenir."
Complètement flou.
Mais en attendant, confinement ou pas, rien n'empêche de faire de la musique et de sortir de nouveaux morceaux.
Depuis le dernier album, il y a eu Ici&Maintenant (Here and now), Interpassion, Roméo et OMG!!!, des titres lancés au fil de l'eau, sans la pression et l'attente autour d'un album complet.
"On ne se sentait pas de se lancer dans un album qui vraiment pour nous représente un gros chantier". Dans l'intervalle il y a donc eu la tournée Yelle Club Party, une formule plus légère qui a séduit les programmateurs de salles.
"Et puis il y eu un moment, c'était il y a un peu près un an, au printemps 2019, où on avait un début de morceau qu'on avait commencé avec un copain au Canada et puis on s'est dit allez on part une semaine à Montréal pour terminer le morceau avec lui, en studio, et après on voit ce que ça nous déclenche. Et le fait de se retrouver en studio, de se remettre dans cette dynamique là, ça a vraiment re-déclenché l'envie et dans les mois qui ont suivi les choses ont été vite, les morceaux se sont construits, y'a eu comme un puzzle qui s'est reformé et au bout de quelques mois on avait dix morceaux, on s'est dit tiens ça peut faire un album."
Sortie en septembre
Cet album sera donc disponible au mois de septembre, même si le planning peut encore évoluer compte-tenu des circonstances.
Son nom, lui, reste encore un mystère.
Mais depuis le 28 avril, un premier extrait est disponible sur les plate-formes de streaming.
"Je t'aime encore", où les les mots de Yelle, dans une tonalité plus grave et mélancolique, s'adressent directement au public français.
"Nous on dit que c'est un peu notre « Lettre à France », on avait envie de s'adresser au public français... mais en l'imaginant comme si ça pouvait être une lettre d'amour, comme si çà pouvait être deux amoureux qui se parlent... voilà c'était marrant de faire ce parallèle entre la relation un peu particulière qu'on peut avoir avec la France depuis des années, qui n'est pas amour-haine parce qu'il n'y a pas de haine, mais bon, des fois on se comprend pas."
Ce clip où le coiffeur Charlie Le Mindu tourne avec ses ciseaux autour de Julie Budet, a été réalisé par Loïc Prigent, documentariste spécialisé dans le monde de la mode.
"On se connait depuis plusieurs années, et on a tout de suite pensé à lui pour réaliser cette vidéo, parce qu'on aime bien la manière dont il filme, ce coté coulisses, très intime qu'il peut créer avec ces figures de la mode très connues en les suivant dans des moments clés de leur création. On trouvait çà chouette de pouvoir avoir son regard, ce regard intime, on avait envie de quelque chose d'intime et de proximité, comme si on s'adressait vraiment à quelqu'un pendant ce clip".
Pour Loïc Prigent, c'était une première en tant que réalisateur de vidéo clip, un tournage bouclé début mars, juste avant le début du confinement.
Le résultat c'est un plan séquence très aérien qui, en cette période où les coiffeurs ont baissé leurs rideaux, donnera de furieuses envies à toutes celles et ceux qui ont laissé leurs cheveux en jachère ces dernières semaines.
Bilan carbone
Hormis les deux dates à la Cigale, des concerts sont déjà programmés à Strasbourg (La Laiterie), à Lausanne (Les Docks), et Bruxelles (La Madeleine). La tournée est en cours de calage.
Mais à l'heure de repartir sur les routes, les interrogations reviennent. "Moi, quand je suis en tournée, je prends beaucoup l'avion, j'ai un bilan carbone vraiment pas terrible... donc d'un coup on se dit, est-ce que c'est encore raisonnable de prendre l'avion pour aller faire des concerts à l'autre bout du monde, c'est hyper difficile d'avoir un point de vue ou une position ferme là dessus parce que en vrai, je suis tiraillée entre mon envie de protéger l'environnement, de faire attention à la planète, et puis à l'inverse de me dire, ben non, j'ai envie de pouvoir aller faire des concerts à l'étranger et puis de retrouver le public que j'ai là bas, parce que c'est un public génial."
Notamment en Amérique du Sud, en Argentine ou au Chili, des souvenirs mémorables pour le groupe. Alors forcément, il y a cette envie de repartir pour un tour, et de s'aimer encore un peu plus.