Réforme des retraites ou réforme du lycée, les enseignants ne décolèrent pas. Ils réclament l'annulation des épreuves de contrôle continu pour les premières, remettant en cause leur pertinence et une réforme menée dans la précipitation. Le recteur d'académie tente de leur répondre.
C'est un nouveau front qui s'ouvre pour le gouvernement. Alors que la rue gronde contre sa réforme des retraites, les enseignants qui sont déjà en première ligne sur ce dossier, n'oublient pas non plus d'alimenter le feu sous le projet de réforme du lycée, le projet Blanquer.
Parmi les nouveautés du projet Blanquer, du nom du ministre de l'éducation qui le porte, les élèves passent dès la classe de première des épreuves de contrôle continu comptant pour le baccalauréat final. Histoire-géographie et Langues Vivantes pour la voie générale, Mathématiques pour la voie technologique.
Une réforme mal préparée ?
Des examens qui démarreront dès la semaine prochaine et dont les enseignants réclament l'annulation. "Ces sujets à piocher dans des banques nationales contiennent des erreurs!" déclare Gwenaël Le Paih, secrétaire général du SNES-FSU Bretagne, "notamment par rapport au programme qui a été enseigné. Les grilles d'évaluation sont très complexes, et particulièrement difficiles à appliquer pour nos collègues. Et tout cela doit se faire de manière ordinaire, sans les aménagements particuliers que nous connaissions auparavant", ajoutant que cela fait des mois qu'ils pointent "de nombreux dysfonctionnements" autour de l'application informatique qui sera utilisée pour la correction des épreuves.
Les enseignants demandent le report des épreuves. Ce mercredi, entre les manifs contre la réforme des retraites, celle de mardi et celle d'aujourd'hui, ils manifestaient encore en jettant leurs cartables par dessus les grilles du rectorat.
Appel du SNES - 35
— ResistSR Stylos Rouges (@claire39055079) January 12, 2020
Les profs jettent leurs cartables devant le Rectorat de RENNES -mercredi 15 janvier à 15h pic.twitter.com/Q4Cp8rXDLF
Pour eux, ce contrôle continu est mal préparé et inégalitaire, car les sujets proposés aux candidats seront finalement choisis par les chefs d'établissement, ils craignent que tous les lycéens de France ne soient pas évalués sur la même base. "C'est quelque chose qui restera un bac à caractère local, qui détricote son caractère national, et dénature sa valeur universitaire" nous explique Emmanuel Fortumeau, enseignant au lycée Théodore Monod (Le Rheu) Sud Education.
Le grand oral du recteur
Invité de notre journal ce jeudi midi, le recteur d'académie Emmanuel Ethis se veut rassurant. Il espère bien sûr que les épreuves auront bien lieu la semaine prochaine dans tous les établissements de l'académie, en tout cas assure-t-il, "tout est préparé dans ce sens-là". Mais il préfère d'abord rappeler tout l'intérêt du contrôle continu, évitant au candidat "une sanction finale" trop abrupte.
Il réfute ensuite l'idée selon laquelle les sujets des épreuves seraient inadaptés au programme. "Ce serait absurde! Il y a dans le fichier national suffisamment de sujets différents pour y trouver une épreuve parfaitement adaptée au programme". Il rappelle que ces épreuves compteront tout compte fait pour deux pour cent de la note finale au bac. "Plus qu'une évaluation, c'est d'abord un encouragement au travail continu".
Autre question, celle de la hausse du niveau des enseignements, jugée plutôt brutale par les élèves et les enseignants, notamment en mathématiques. C'est une question qu'il entend, "le ministre aussi, et d'ailleurs des mesures ont été prises, en établissant des groupes de compétence. Là encore, c'est tout l'intérêt du contrôle continu, afin d'adapter les élèves aux attendus de l'enseignement supérieur", sans toutefois préciser comment cela peut s'organiser de façon pratique dans les classes.
Des parents d'élèves inquiets
Au refus des enseignants, s'ajoute les inquiétudes des parents d'élèves. Stress accru sur les élèves et risques de bachottage, les questions s'accumulent, notamment sur la question des redoublements. Quid de ces élèves actuellement en terminale, basculant l'année prochaine dans une réforme dont ils n'ont pas suivi les enseignements de spécialité, appelés à se prononcer sur l'abandon d'une matière qui ne leur a pas été enseignée selon les nouveaux critères, et pour laquelle surtout, ils n'ont pas été notés en première? Kafkaïen.
Emmanuel Ethis préfère répondre en faisant oeuvre de rhétorique. "Nous envisageons nos parcours d'enseignement en termes de réussite, moins en termes d'échec". Cependant, il assure que des correspondances seront mises en place.