Après d'intenses discussions sous l'égide de la Commission européenne, Paris s'apprête à annoncer des mesures de rétorsion contre Londres et les îles anglo-normandes, jugeant que le nombre de licences accordées aux pêcheurs français reste insuffisant, indique-t-on de source gouvernementale.
La ministre de la Mer Annick Girardin doit s'entretenir mardi matin avec le Premier ministre, a-t-on appris de même source. Jean Castex, qui avait demandé début octobre à l'ensemble de son gouvernement de plancher sur d'éventuelles mesures de rétorsion, devrait rendre ses arbitrages dans ce dossier explosif.
"Il n'y a plus de doute sur le fait qu'il y aura des mesures (de sanctions)", a indiqué lundi une source diplomatique française. "Les Britanniques ont repris les négociations et ont libéré quelques licences supplémentaires. Mais on n'est pas du tout au compte", estimait-on côté français, plaidant pour des mesures de rétorsion "concrètes, proportionnées et réversibles".
L'accord post-Brexit, conclu in extremis fin 2020 entre Londres et Bruxelles, prévoit que les pêcheurs européens puissent continuer à travailler dans certaines eaux britanniques à condition de pouvoir prouver qu'ils y pêchaient auparavant. Mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l'ampleur des justificatifs
à fournir. Dans les zones de pêche encore disputées (zone des 6-12 milles des côtes britanniques et îles anglo-normandes), Londres et Jersey ont ainsi accordé au total un peu plus de 200 licences définitives, alors que Paris en réclame encore 244.
La ministre de la Mer a expliqué mi-octobre qu'elle voulait une solution globale d'ici au 1er novembre, puisque l'île de Jersey a donné un délai d'un mois (jusqu'au 30 octobre) à quelque 70 bateaux français pour fournir de nouveaux éléments et rouvrir leur dossier. Ces navires-là étant pour l'instant sur liste rouge, ils ne pourront plus frayer dans les eaux de Jersey à compter du 1er novembre.
Le couperet du 1er novembre concerne seulement Jersey. La situation est un peu différente pour Guernesey et les eaux britanniques, où les discussions restent ouvertes.
Une riposte attendue par les professionnels de la pêche
La France n'a pas dévoilé la nature des sanctions envisagées, mais a plusieurs fois menacé de réduire ses livraisons d'électricité à Jersey ou de prendre des mesures dans le secteur des services financiers ou de la recherche. Symboliquement, une des premières mesures pourrait concerner les pêcheurs, avec une réduction du nombre de ports de débarquement en France pour les bateaux britanniques.
Cette riposte française est très attendue par le Comité national des pêches français, qui a estimé dans un communiqué samedi que les progrès enregistrés étaient "beaucoup trop timides et surtout beaucoup trop longs pour des chefs de petites entreprises de pêche qui n'ont aucune visibilité" et vivent dans l'angoisse "depuis des mois".