Lucien Mazan est le premier à avoir remporté deux fois le Tour de France. C’était en 1907 et 1908. Un coureur à la destinée incroyable et à la personnalité étonnante, dont le chroniqueur David Guénel retrace l’histoire dans un livre, "Petit-Breton, gentleman cycliste".
David Guénel se définit comme un amoureux du cyclisme primitif. Fondu de vélo et passionné d'Histoire. Tous les jours, il alimente d’anecdotes délicieuses et de photos dépoussiérées un compte twitter dont raffolent ses 10 000 abonnés.
Sa passion pour Petit-Breton remonte à l’enfance. Déjà le Tour de France des années 80 et 90 ne lui suffisait plus. Alors à ses heures perdues, le jeune Nantais se plongeait dans les archives de la Grande Boucle, jusqu’à éplucher les palmarès en noir et blanc des années 1900.
"Des noms chatouillaient mes oreilles, éveillaient ma curiosité d'enfant… Hippolyte Aucouturier, Petit Breton… Je me demandais qui étaient donc ces coureurs aux patronymes et aux look improbables..."
Et c'est ainsi qu'il a appris que le dénommé Petit-Breton était comme lui originaire de Loire-Atlantique, qu’un vélodrome des bords de Loire portait son nom.
Après s'être définitivement entiché du personnage, David Guénel a, au fil des ans, poursuivi ses recherches, découvert un coureur à la personnalité étonnante, rencontré sa famille.
"Petit-Breton, gentleman cycliste" est son premier livre.
Lucien Petit-Breton est un personnage fascinant. Cultivé, sensible, élégant, avant-gardiste... Tout, chez lui, tranche avec le milieu cycliste de son époque. La biographie que je lui ai consacrée est désormais disponible en ligne.
— David Guénel (@davidguenel) June 2, 2020
"Petit-Breton, gentleman cycliste" pic.twitter.com/y1raX1EKCK
Quand en Argentine, le petit Lucien devient Petit-Breton...
Lucien Mazan, qui deviendra plus tard Petit-Breton, a d'abord grandi à Plessé au nord de la Loire-Inférieure, devenue Loire-Atlantique, avant de déménager pour l’Amérique du Sud.
"Son père, horloger, avait connu un revers aux législatives, et il avait perdu une partie de sa clientèle, raconte David Guénel. Sa mère avait des envies d’ailleurs. Alors la famille est partie tenter l’aventure en Argentine. C'est là que le petit Lucien se laisse tenter par le vélo. Au grand dam de son père, pour qui coureur n’est pas un vrai métier."
Le jeune Lucien Mazan, qui commence à se faire un nom dans les courses, préfère se trouver une autre identité pour éviter que ça n’arrive aux oreilles de son père. Ce sera Breton, parce qu’il est breton. Et bientôt Petit-Breton, parce qu’il y a un autre dénommé Breton sur le circuit.
Le retour en France, avec le record de l'heure, Milan/San-Remo et bientôt deux Tours au palmarès
A 19 ans, Petit-Breton est double champion d’Argentine mais il sait que s’il veut faire une véritable carrière, il lui faut revenir en Europe. Alors il rentre en 1902, et gagne sa première grande course en 1904, le Bol d’Or, sur piste.
« En 1905 poursuit David Guenel, il bat aussi le record du monde de l’heure, sa notoriété dépasse les frontières, avant de s’essayer une première fois sur le Tour de France en 1906 et de remporter les deux éditions suivantes en 1907 et 1908. Il est le premier à avoir raflé deux Grandes Boucles. Vainqueur aussi de Milan-San Remo, il perdra ensuite un peu de sa niaque, et jouera de malchance."
Reportage A. Brulez/D. Jouillat
Un touche à tout, coureur, pilote d’avion ou photographe
"Ce qui m’a séduit chez Petit-Breton, raconte encore David Guénel, c’est sa trajectoire, incroyable, mais aussi sa personnalité."
"C’était un touche à tout. Il avait décroché un brevet de pilote. A l’époque, c’était exceptionnel. Il avait son propre avion.
Il parlait espagnol, anglais, baragouinait l’italien. Il était aussi photographe, il avait investi dans un appareil avec l'argent de ses premières courses. C’était un passionné de nouvelles technologies. Il faisait tout à fond."
Il avait également monté son propre garage, une franchise Peugeot à Périgueux. Et écrivait encore des chroniques pour un journal qui s’appelait la Vie au grand Air, un hebdomadaire qui parlait essentiellement de sport".
Mort à 35 ans, percuté par un boucher ivre
Mais Lucien Mazan va mourir jeune. A 35 ans, en 1917, à la guerre.
"Il n’était pas au front, souligne David Guénel, mais mobilisé comme chauffeur, dans la logistique. Et il est mort percuté par un boucher ivre dont la charrette est venue s’encastrer dans sa voiture, près de Troyes.
Lucien Mazan repose à Pénestin dans le Morbihan. Sur sa tombe, il est inscrit "Mort pour la France".
"Petit-Breton, gentleman cycliste", est disponible sur toutes les plateformes de vente en ligne existe en version numérique.