La Poste a décidé de modifier le rythme des tournées des facteurs, face à l'épidémie de coronavirus. Sur le terrain, les agents dénoncent des conditions de travail encore trop risquées, pendant les tournées et sur les plateformes.
"On s'attend à ce qu'il y ait une hécatombe chez nos agents" explique Serge Bourgin, secrétaire SUD 35 à La Poste. Malgré les mesures annoncées le 24 mars dernier, notamment la réduction des jours de tournée, dorénavant entre 3 et 4 par semaine, les agents dénoncent des conditions de travail trop risquées. La Poste compte 1454 salariés en Bretagne.
"Le pire c'est sur les plateformes"
Serge Bourgin évoque la situation à la plateforme du Rheu. 210 employés de la Poste et 60 intérimaires y travaillent. Ces derniers représentent un facteur de risques car "il y a une rotation importante, ce ne sont jamais les mêmes personnes". Le syndicaliste évoque aussi le non-respect des barrières sanitaires. "Depuis le 16 mars, entre 15 et 20 agents de la plateforme ont fait valoir leur droit de retrait. Pour l'instant, la direction ne dit rien sur ces cas-là. Est-ce que ce droit de retrait va être transformé en absence irrégulière, en grève ?"
"On accumule les repas d'une trentaine d'agents, dans deux frigos,", ajoute Philippe Charles de la CGT 35. "La cantine habituelle a été fermée."
Du côté de la distribution, le risque est important dans les centres de tri du courrier, à Bruz, Pacé ou encore Tinténiac, explique Serge Bourgin. Pour lui, des décisions auraient pu être prises beaucoup plus tôt : "dépister les gens sur les plateformes comme ça on aurait confiné les gens. Le travail aurait été plus facile à organiser. Là, tout le monde part en même temps, dès qu'il y a une suspicion." Il ajoute : "Il faudrait aussi une désinfection dans les centres de courrier."
Interdiction de porter des masques
Les syndicats ont aussi du mal à digérer la communication de leur entreprise. La Poste vient d'annoncer la gratuité de son service d'aide à domicile. "Il se servent de l'isolement des gens". "Ce qui m'agace, c'est le cynisme de La Poste."souligne Philippe Charles, à propos du service à la personne. "Est-ce que le facteur va être rassurant finalement à venir chez les gens, en ne sachant pas si lui-même est malade, ou si la personne en face l'est." "Les effectifs baissent, et cela surcharge les collègues qui restent" constate-t-il. Contactée, la direction répond que la Poste se recentre sur "ses missions essentielles au service de la population tout en adaptant son organisation". Elle ajoute que cette adaptation se fait "en concertation permanente avec les autorités sanitaires, la médecine du travail et les organisations syndicales."
Le groupe vient de donner 300 000 masques aux forces de sécurité et ceci a aussi du mal à passer auprès des syndicats.
300 000 masques à destination de nos forces de sécurité vont être mis à disposition du ministère de l'Intérieur par le @GroupeLaPoste.
— Christophe Castaner (@CCastaner) March 27, 2020
Ils renforceront les 800 000 masques déjà distribués aux policiers et gendarmes.
Merci à #LaPoste pour sa solidarité et son engagement. pic.twitter.com/C9OxcWA8j6
"Nous, ils nous interdisent les masques." Une salariée du centre financier s'est vue adressée un courrier lui ordonnant d'enlever le sien. La rédaction de France 3 Bretagne a eu accès à ce message. Il y est écrit "Je vous enjoins à respecter les instructions que je vous ai déjà signifiées par oral, à savoir, repartir chez vous, si vous êtes malade, ou sinon enlever votre masque immédiatement." Le supérieur rappelle que le masque ne doit pas être porté, sauf si on est malade, car cette attitude "inquiète" les collègues.
Philippe Charles résume : "On n'a pas défini les missions de service public essentielles. Ce qui manque aujourd'hui, c'est un service minimum, un service essentiel. On emmène les médicaments par exemple ou un plateau repas, si c'est une prestation financière attendue, on l'assure. On est la dernière banque qui aide les gens les plus démunis."Aujourd'hui c'est un crève-coeur de ne pas partir en tournée. L'utilité du lien manque. Philippe Charles
Contactée, la direction de la Poste indique : "Les mesures barrières du gouvernement sont strictement appliquées et rappelées régulièrement auprès de nos collaborateurs."
La distribution sur trois jours
A compter de cette semaine, la direction précise que la distribution du courrier aura lieu sur trois jours : mercredi, jeudi et vendredi, afin de restreindre "le nombre de personnes travaillant hors de leur domicile."
"Les prises de services décalées des équipes de distribution sont développées pour réduire le nombre de personnes présentes simultanément, selon le principe de ne jamais avoir plus de 50 % des effectifs habituels présents en même temps sur un site."
"Les postes sont réorganisés sur les sites afin de respecter le mètre de distanciation avec l’aide de préventeurs (marquage au sol pour matérialiser la distance à respecter, réaménagement des espaces et des circulations)."
"Si les prérequis suivants ne sont pas réunis : accès à des points d’eau identifiés dans la tournée, équipement en gel hydro-alcoolique, lingettes, masques pour les services l’exigeant (services de proximité pour les plus fragiles), le service est suspendu le temps que ces conditions soient à nouveau réunies."
Sur la question des masques, ces derniers sont disponibles pour les personnes déclarant des symptômes sur les sites, ainsi que pour les postiers qui assurent des prestations à domicile. "Des masques sont aussi mis à disposition pour les postiers en contact avec les clients dans le cas où ces postiers souhaiteraient en porter (bureaux de poste, facteurs...)."