Mercredi, les maires bretons réunis en assises à Saint-Brieuc rencontreront le Président de la République. Dans quel état d'esprit sont-ils? En Bretagne, près de 2 500 élus locaux ont démissionné depuis 2014. L'un d'eux explique ce qui l'a conduit à rendre son écharpe il y a quelques mois.
Cela faisait 16 ans qu'il était élu à Poilley. En janvier dernier, la mort dans l'âme, Gérard Barbedette a annoncé qu'il démissionnait de ses fonctions de maire de Poilley.Dans cette commune rurale de 400 habitants, proche de Fougères (35), c'est un coup de tonnerre. Trois mois après, les administrés rencontrés regrettent ce départ tout en disant le comprendre. "C'est sûr... avec tous ces emmerdements, commente le bistrotier. Faut dire qu'on leur en demande trop. N'empêche, il aurait quand-même pu aller jusqu'au bout."
Premiers doutes en 2014
De son côté, l'intéressé raconte que ses premiers doutes sont apparus dès 2014. A l'époque, en plus d'être maire, Gérard Barbedette est employé comme fonctionnaire territorial d'une autre commune de l'agglomération de Fougères. Or une récente loi lui interdit de siéger dans l’intercommunalité du fait de son emploi dans une collectivité membre. Ses tentatives pour trouver un emploi dans une autre collectivité hors secteur restent vaines.
Au fil des années, l'écharpe de premier magistrat de la commune finit par peser lourd... trop lourd pour ce père de deux jeunes enfants qui mène de front son activité professionnelle, ses fonctions de maire et sa vie familiale. "J'ai passé beaucoup de temps dans des commissions de travail pour avoir les informations que je souhaitais. Ça m'a usé", se souvient Gérard Barbedette encore remué.
"Ras le bol des réformes qui viennent de plus haut et qui nous assomment"
Ce qui motive sa démission, c'est surtout "un ras le bol des réformes, qui viennent de plus haut et qui nous assomment".
"Qu’y aura-t-on gagné ? Des élus découragés qui se désintéressent progressivement de la gestion chaque jour plus complexe des affaires publiques, explique à l'époque le maire dans sa lettre de démission transmise à Ouest-France. Des coûts supplémentaires au moment où on nous annonce de plus en plus de restrictions de recettes des collectivités locales, par les moyens les plus variés. Le Président élu n’est-t-il pas en train de supprimer la taxe d’habitation ? On sait ce que cela signifie : les élus n’auront plus la maîtrise de la politique municipale puisque le budget communal dépendra désormais pour l’essentiel des dotations de l’Etat !
Quant aux compensations promises, l’expérience montre qu’elles ne suivent jamais les besoins. Il ne m’est plus possible, comme Maire, de cautionner cette politique en totale contradiction avec l’esprit que j’avais pour le développement de ma « petite commune »."
On nous dit: "Monsieur le maire, vous avez raison. Il va falloir que l'on tienne compte de vos remarques"
Des témoignages comme celui-ci, Louis Pautrel, vice-président de l'association des maires ruraux de France et maire de Ferré (35), en recueille de plus en plus. "Quand j'ai des rencontres à Paris, que ce soit à l'Elysée, à Matignon, dans un ministère à l'Assemblée ou au Sénat, on nous donne très souvent raison. On nous dit: "Monsieur le maire, vous avez raison. Il va falloir que l'on tienne compte de vos remarques". (...) Et quand le projet de loi est validé, tout ce qui nous concernait a été oublié", regrette Louis Pautrel.
Depuis les élections municipales de 2014, selon le ministère de l'Intérieur, près de 2 500 élus locaux bretons ont jeté l'éponge sur un total de 23 000 que compte la région.
En Bretagne, l'écharpe tricolore ne fait plus rêver
Selon des chiffres communiqués en octobre 2018 par le ministère de l'Intérieur, près de 2 500 élus locaux bretons ont jeté l'éponge sur un total de 23 000 que compte la région depuis les élections municipales de 2014.789 communes sont concernées par ces démissions soit plus de 60% des communes bretonnes. 14% des communes finistériennes, 11% des communes morbihannaises, 10,7% de celles d'Ille-et-Vilaine et 8% de celles des Côtes-d'Armor ont connu une démission au cours de ces cinq dernières années.
Par ailleurs, selon une enquête réalisée en 2018 par SciencesPo - Cevipof, dans les communes de moins de 500 habitants, 55% des maires envisagent d'abandonner leur mandat contre 28% pour les maires des communes de 5 000 à 10 000 habitants. L'argument le plus souvent avancé est "une certaine fatigue psychologique face aux attentes de plus en plus élevées des citoyens."