Que deviennent les artistes en ces temps de confinement ? Hervé Monnerais, l'un des fondateurs de la Grange-Théâtre à Thourie basée sur le principe d’une économie solidaire, profite de ce temps confiné pour ressortir ses marionnettes toutes aussi impatientes de retourner à la lumière !
Au Pays de la Roche aux Fées, depuis le repli des humains, les oiseaux n’arrêtent pas de chanter, mais les musiciens, les comédiens ont déserté la Grange-Théâtre de Thourie. Tout est Off, mis sur pause : Annulation du Double plateau Théâtre amateur avec l’ADEC, voyage en peinture poétique de Flore Angèle, jusqu'aux scènes musicales initialement prévues le 16 mai.
Les compagnies ont d'elles-mêmes annulé leur représentation. Les spectateurs ayant réservé une place sont invités à un échange ou à un remboursement.
Le scénario du Covid-19 n’était pas encore écrit lorsque nous avions rencontré, en décembre dernier, Hervé Monnerais, l’un des fondateurs de ce petit-théâtre géré selon le principe d’une économie solidaire, l’AMAC. Il nous expliquait le fonctionnement de cette association pour le maintien de l’Art à la campagne.
"On ne sait rien !"
Comme toutes les structures culturelles aujourd’hui, la date de reprise des spectacles de la Grange-Théâtre reste floue. La jauge de ce petit théâtre de campagne ne dépassant pas les cent personnes, Hervé Monnerais espère pouvoir organiser comme chaque été la nuit du Conte.
Ce rendez-vous incontournable depuis six ans avec des comédiens venus de toute la France et d’ailleurs serait orchestré en juillet prochain par François Monnet. "Ce ne sera pas simple de mettre en oeuvre les gestes barrières, la distanciation lors de ces moments si conviviaux, ça me semble compromis, juste deux mois après le confinement ".
"Il va y arriver ! Il va nous remettre en scène !"
En attendant le déconfinement, Hervé Monnerais nous invite à partager sa passion, l’art de la marionnette, base de sa démarche artistique qui l’a mené pendant vingt ans aux quatre coins de l’Europe avec sa Compagnie ANgel'Monnerais. Il ressort spécialement pour nous ses marionnettes confinées dans son grenier depuis des années, et nous confie, avec une grande dextérité, les secrets de cet art traditionnel.
C’est presque l’histoire de Gepetto et de son Pinocchio ! La passion d’Hervé Monnerais pour la marionnette est née de sa rencontre avec Matthias, marionnette traditionnelle Hongroise, " Je ne sais pas si c’est un double, mais quand on s’est vu, on s’est reconnu ! "
Après des études de philosophie et une carrière dans l’animation culturelle et le théâtre, ce Morbihannais, fils d’agriculteur, s’initie à cet art de la manipulation auprès du maître Tchèque Miroslav Lopatka.
Un personnage de bois traduit plus facilement la subtilité des émotions qu’un personnage de chair et d’os. Hervé Monnerais
Un choix décisif pour ce moyen d’expression artistique, car pour Hervé Monnerais, le gros avantage de la marionnette, c’est qu’elle permet une vraie distanciation, la fameuse "Distanciation Brechtienne"
" Même à travers un morceau de bois et de chiffon, on se dit tout, peut-être mieux qu’à travers d’autres médiums. Cette identification permet de dire des choses qu’on ne dirait pas facilement en direct. "
"Un seul fil pour la main, juste pour s’épancher, ça fonctionne très bien !"
Pour actionner sa marionnette, Hervé Monnerais est partisan du minimum de fils. Surtout éviter l’anecdotique, aller à l’essentiel ! "Il faut que le mouvement à son début ait un semblant de cohérence, le public complète avec son imaginaire". Hervé Monnerais a sans doute, comme tous les marionnettistes traditionnels son savoir-faire secret, appelé d’ailleurs " Ensecrêtement " !
On ne saura pas tout, mais cet artiste qui n’a plus beaucoup de temps à se consacrer aux marionnettes depuis la fondation de sa Grange-Théâtre, n’a rien perdu de sa dextérité dans l’art de manipuler sa croix d'attelle qui relie les fils aux figurines, impressionnant ! Matthias, Charlie, Frida et Onésime, compagnons de route pendant des années sont prêts à repartir vers de nouvelles aventures !
"Je veux parler au cœur des gens "
Face à la crise du coronavirus, de nombreux artistes se rassemblent virtuellement pour préparer le déconfinement.
"Ce coup de frein brutal, souligne Hervé Monnerais, révèle la fragilité du modèle économique et paradoxalement, nous relie tous. Cette crise sanitaire sans précédent pose plus que jamais la question du rôle de l’artiste au quotidien. Sa vocation n’est-elle pas de se rapprocher au plus près des questions vitales ?"
Hervé Monnerais, proche de l'esprit de "l’académie du monde d’après", groupe de citoyens célèbres ou inconnus proposant des rencontres en live sur Facebook et Youtube pour imaginer et définir le monde d'après, songe aussi aujourd’hui à réinventer des modèles économiques encore plus solidaires, à des nouveaux modes de spectacles accessibles à tous.
Son souhait le plus cher, parler véritablement au cœur des gens. Tel le marionnettiste, "Accepter d’être derrière, tout simplement !".