Deux petits morceaux de clavicule. Ce sont les restes du plus vieil humain retrouvé en Bretagne. Les morceaux d’os ont été découverts lors de fouilles du site de Beg er Vil à Quiberon en 1985. Les informaticiens de l'INSA -IRISA de Rennes ont recréé le site en virtuel pour aider les archéologues à poursuivre leurs investigations et un jour, peut-être, connaître le quotidien de cet arrière-arrière-arrière aïeul.
Casque de réalité virtuelle sur le front, Grégor Marchand n’en croit pas ses yeux. En un instant, il est projeté à Quiberon sur le site de Beg er Vil. L'archéologue, directeur de recherches au CNRS retrouve la mer, les rochers et surtout le lieu de fouilles aujourd’hui recouvert. Il est bluffé. Ce site, il le connait par cœur. Il l’a creusé, gratté, inspecté pendant des années.
"Mais le problème sur ce type de fouilles, explique Valérie Gouranton, enseignante chercheuse à l'INSA -IRISA de Rennes, c’est que les archéologues n’ont, à chaque fois, qu’une petite vision de l’endroit, car ils ne peuvent fouiller chaque année qu’une partie des lieux." Elle a donc proposé les services de son laboratoire aux archéologues.
Ils ont travaillé ensemble plus d'un an. A Beg er Vil, tout a été photographié, filmé avec des drones, numérisé. "Nous avons entré des tas de données pour que Grégor et les autres puissent avoir une vision de l’ensemble du site, détaille Valérie Gouranton. Cela permettra peut-être de relier des objets entre eux, des os découverts ici et là, car ils auront maintenant une vision du site dans son ensemble ".
"Je vois le foyer, les pierres de calage de la hutte, s’émerveille Grégor Marchand. L’amas de coquillage est juste là, un peu plus loin, près de la mer."
Le premier habitat côtier en France
Le site de Beg er Vil est le premier habitat côtier connu sur le littoral en France. "Les sites en bord de mer sont très rares, explique Grégor Marchand, parce que la mer a connu une élévation d’une centaine de mètres, donc tout ce qui était au bord de l’eau est maintenant sous plusieurs mètres d’eau."
Les chercheurs pensent que Beg er Vil était un site d’habitat de longue durée qui a été utilisé pendant deux siècles. Les hommes et les femmes y avaient construit des huttes, "on a trouvé des traces de foyers et une immense décharge, un amas de coquilles d’huîtres, de moules, de patelles, décrit Grégor Marchand. Nos ancêtres se nourrissaient puis jetaient les coquilles à proximité. C’est là que les os de clavicule ont été découverts en 1985."
A l’époque, les archéologues pensent qu’il s’agit d’os de sangliers. Puis, après de nouvelles recherches dans les années 2000, ils réalisent que ce sont les plus anciens restes humains découverts en Bretagne. Ils ont plus de 8 000 ans.
Le mystère de la clavicule
Les deux petits morceaux d’os ont été découverts dans le tas de coquilles jetées par nos ancêtres. Ils étaient à 2 mètres l’un de l’autre. Ils sont brûlés, et sur leur surface, les archéologues ont relevé 24 traces de coupe. "En fait, précise Grégor Marchand, peu de temps après la mort, on a enlevé la chair de la personne avec un couteau." S’agit-il une préparation funéraire ou était-ce pour le manger ? Les chercheurs l’ignorent. "Il existait de nombreux rites symboliques" poursuit l'archéologue. Le mystère demeure.
Les examens ont montré que les os appartiennent à une personne jeune, sans doute d’une vingtaine d’années, qui consommait beaucoup de coquillages, mais les analyses n’ont pas permis de déterminer son sexe.
Lors des campagnes de fouilles de 2012 et 2018, les archéologues ont retrouvé d'autres ossements : un fragment de crâne, un morceau de mâchoire. Impossible pour l'instant de savoir s’ils appartiennent, ou non, à la même personne.
L’aide de la réalité virtuelle
Grégor Marchand va désormais pouvoir arpenter le site, en long, en large et en travers depuis son casque de réalité virtuelle. Avec une manette, il pourra même mesurer les objets, les annoter, prendre des photos, ou encore faire apparaître le taux de PH de chaque lieu.
Cela fera peut-être jaillir de nouvelles pistes, de nouvelles hypothèses et nous permettra de connaître un peu mieux l’histoire de nos ancêtres.