Il y avait le jour du dépassement environnemental, date symbolique où les ressources de la planète sont considérées comme épuisées, voici le jour de dépassement social. Ce 28 septembre 2022, les structures d’aides aux personnes âgées, aux personnes en situation de handicap, aux enfants en difficulté ont épuisé leurs ressources humaines et financières. Elles demandent un Plan Marshall pour avoir les moyens de continuer à s’occuper de la population.
"Nous prenons soin de vous, mais qui prend soin de nous ?" Ce 28 septembre, dans toute la France, les acteurs du secteur du soin, de la solidarité, de l’accompagnement se mobilisent pour dire leurs inquiétudes.
"Nos métiers manquent de reconnaissance salariale et professionnelle", déplore Matthieu Thiebault, représentant breton de NEXEM, le principal syndicat d’employeurs du sanitaire et social.
Et il explique, "les finances des structures d’accueil dépendent des dotations de l’Etat. Cette année, nous avons eu une hausse de nos budgets de 0,5%. C’était avant la guerre en Ukraine, avant tout cela, mais là, nous ne pouvons plus faire face."
Le 15 septembre dernier, le ministre des solidarités a annoncé qu’il allait débloquer près de 900 millions d'euros pour augmenter de 3,1% le salaire de plus de 800.000 travailleurs sociaux employés par des structures associatives. " C’est un premier pas, mais ce n’est pas suffisant," explique Matthieu Thiebault.
"C’est comme les mesures du Ségur qui accordent une prime de 183 euros aux salariés, mais en fonction des établissements et des postes occupés, certains y ont droit, d’autres pas. Cela ne fait donc qu’augmenter le sentiment d’injustice et créé même une concurrence entre les structures de soin. Des gens quittent celles qui ne peuvent pas l’offrir, et on les comprend pour celles qui l’accordent."
100 000 postes vacants en France
Aujourd’hui, il y a plus de 100 000 emplois vacants dans notre secteur en France. Il faut faire beaucoup plus, insiste Matthieu Thiebault. L’Adapei 35 dont il est le directeur emploie 1 700 professionnels. "Nous avons une cinquantaine de postes vacants en permanence, regrette-t-il. Il nous manque des aides-soignants, des AMP (aide médico psychologique), des surveillants de nuit…"
Plus de 80 % des établissements du secteur rencontrent des difficultés de recrutement. "Et le phénomène s’intensifie. Cet été, beaucoup ont constaté avoir ouvert autant de postes de remplaçants que sur toute l'année 2021 "précise le collectif des structures du sanitaire et social dans leur communiqué.
"Il faut que l’on forme du personnel à ces métiers et que l’on donne envie aux gens de venir travailler dans nos structures", insiste Matthieu Thiebault.
Le casse-tête de l’inflation
"Dans les EHPAD, nous ne pourrons pas baisser le chauffage en hiver, ni couper la clim en été, ça n’est pas possible", prévient il. Pour les responsables des structures, la question des finances vire au casse-tête. "Nous ne sommes pas maîtres de notre financement, mais nous subissons l’inflation de plein fouet."
Le gaz, l’électricité dans les bâtiments. "A titre d'exemple, les factures d'énergie, indique le communiqué du collectif, sont multipliées par 3 ou 4. Le coût des travaux immobiliers explose "
L’alimentation, l’essence. Pour les salariés qui interviennent à domicile au chevet des personnes âgées ou malades, il devient compliqué de se rendre chez des patients trop éloignés géographiquement à cause des frais de carburant trop élevés et mal indemnisés.
Le secteur demande une aide financière pour 2022 pour absorber toutes les hausses et réclame des budgets pérennes pour les années à venir.
La peur de fermer
"Si, au-delà du 28 septembre, les alertes sur les ressources humaines et financières se poursuivaient sur le dernier trimestre, il y aurait lieu de s'inquiéter fortement sur le nombre de lits et de places qui seraient fermés" écrit le collectif.
Certaines associations commencent à s’inquiéter très sérieusement. Faudra –t-il fermer des lits ? Des services ? Des tournées ? "La réalité est déjà inquiétante. Des lits et des places sont fermés temporairement, des activités suspendues."
"Les gens qui ont besoin d’une intervention à domicile se retrouvent parfois sur des listes d’attente. Les organismes sont obligés de prioriser les personnes", se désole Matthieu Thiebault. 900 patients sont en attente de places parce qu’il n’y a pas assez de personnel pour se rendre à leurs chevets. Dans certaines zones, c’est 40 % de l’effectif qui fait défaut.
Et ce n’est pas tout," l’intégration d’un enfant en situation de handicap dans le système scolaire peut atteindre plusieurs années. Il y a en Bretagne plus de cent mesures de placement en milieu ouvert pour des enfants potentiellement en danger dans leurs familles qui ne sont pas exécutées, faute de places en établissement."
Une belle mission
"Nous faisons pourtant œuvre de service public, rappelle Matthieu Thiébault. Quand on gère les EHPAD, les Instituts Médico Educatifs, les Maisons d’Accueil Spécialisées… nous nous occupons des personnes âgées, des malades, des enfants en difficulté. Chaque année, une personne sur quatre en France sera en contact avec les acteurs du soin et de l’accompagnement. On peut tous demain se blesser et avoir besoin d’une aide à domicile, ou de n’importe quel acteur."
Le Collectif réclame donc un Plan Marshall de soutien et de développement du secteur. 'La population vieillit, les besoins augmentent, Il faut que nous devenions vraiment une priorité nationale.'
"Nous sommes aux côtés de la population et des gens les plus vulnérables. Nous voulons continuer à prendre soin d’eux… mais qui s’occupe de nous ?"