Emmanuel Macron a rendu hommage ce jeudi aux trois bénévoles de la SNSM morts vendredi dernier aux Sables-d'Olonne. Au-delà de l’émotion que suscite ce drame, se pose la question du financement du sauvetage en mer. Comment accroître les moyens de la SNSM ? Faut-il taxer les plaisanciers ?
Un hommage national. La Légion d’honneur remis à titre posthume. Le chef de l’état a voulu honorer comme il se doit l’engagement et le dévouement de l’équipage du canot Jack Morisseau. Un hommage rendu également dans de nombreuses stations SNSM comme ici à Saint-Malo.
Hommage aux victimes de la SNSM à Saint-Malo, ce jeudi 13 juin 2019/ Images : C. Rousseau
Le 7 juin dernier, les conditions météo étaient très difficile mais l’association Robin des Bois pointe aujourd’hui du doigt la qualité de la flotte utilisée par la SNSM et de rappeler dans un communiqué : "Le canot Patron jack Morisseau a été construit en 1986. Il devait être remplacé en 2016 mais la limite de 30 ans a été repoussé à 40. La SNSM n’a pas les capacités financières pour renouveler sa flotte. Les navires obsolètes continuent à braver les tempêtes."
L'amiral Xavier de la Gorce, le président de la SNSM, lui-même alerte aujourd’hui dans une interview donnée au Figaro sur le nécéssaire renouvellement des équipements : "Nous devons changer 40 grosses unités d’ici 30 ans. Nous allons surtout devoir être plus exigeants avec nos Chantiers.. Aux Sables-d’Olonne, un bateau de 3 ans d’âge est à l’arrêt car la coque a montré des faiblesses. Mais ils faut trouver 4 millions d’euros qu’il manque dans notre budget."
Taxer les plaisanciers ?
Le problème est posé. La pérennité du financement de la Société de sauvetage en mer est chaque année remise en cause. Le budget de fonctionnement est composé à 20 % de subventions publiques ( Etat, Collectivités) et à 80 % de dons privés. Parmi les donateurs, 110 000 plaisanciers parmi lesquels 50 000 contributeurs réguliers. Une assise financière trop fragile pour certains.
Il y a trois ans, un rapport parlementaire rédigé par la députée du Finistère de l’époque Chantal Guittet, explorait de nouvelles pistes.
Outre une revalorisation de la part de l’Etat dans le budget SNSM ( actuellement de 8% elle passerait à 25 % ), il préconise de dégager de nouvelles ressources en faisant contribuer d’avantage les usagers de la mer : soit via une taxe sur les permis de plaisance sur les assurances bateau, soit via une participation sur les locations d’anneaux. "Ce qui n’a rien d’illogique puisque 70 % des interventions réalisées par les sauveteurs en mer le sont à leur profit" expliquait à l’époque Chantal Guittet.
Réaffecter la fiscalité existante
Propositions qui laissent sceptiques des parlementaires. "On vient de sortir de la crise des gilets jaunes qui traduisait un ras-le-bol fiscal. Pas sûr que créer de nouvelles taxes soit judicieux. Et puis pourquoi ne viser que les plaisanciers ? Pourquoi les utilisateurs de jet-ski , de paddle, de planche à voile voire même les pêcheurs à pied ne seraient pas mis à contribution ? Eux aussi bénéficient des interventions de sauvetage" explique le député LREM des Côtes d’armor Eric Bothorel, lui-même bénévole de la SNSM durant quatre ans.
L’idée pour certains seraient plutôt de réaffecter une fiscalité déjà existante. La taxe sur les yachts n’a pas porté ses fruits : seulement 82 000 euros récoltés au premier semestre 2018. En revanche les droits annuels de francisation (DAFN) imposés aux bateaux de plus de 7 mètres pourraient être un levier. Ils rapportent chaque année plus de 50 millions d’euros à l’Etat . La plus grande partie est affectée à la préservation du littoral. Le sauvetage en mer pourrait être un nouveau bénéficiaire.
Le secrétaire d’Etat à la Transition écologique, Sébastien Lecornu, a quant à lui évoqué un autre secteur potentiellement contributeur : les éoliennes en mer. A l’horizon 2021 , 5 % du flux de la fiscalité pourrait représenter 2 millions d’euros chaque année .
Reste une ultime solution. Faire payer chaque personne qui est secourue. Ce qui est en théorie interdit par le code des transports car le sauvetage de la vie en mer est obligatoire et gratuit. Seule le remorquage d’une embarcation peut donner lieu à une rémunération.
Au lendemain du drame des Sables-d’Olonne, le Premier Ministre, Edouard Philippe a estimé qu’il faudra sans doute à terme revoir le "modèle du sauvetage en mer".
"Nous pouvons déjà revoir l’articulation entre les missions dévolues la puissance publique maritime et celles confiées à la SNSM. Le transport sanitaire, par exemple, doit il être encore du ressort des bénévoles ?" s’interroge le député Eric Bothorel.
Car sauver des gens demande des compétences mais également du temps. Et le temps c’est aussi de l’argent.
La Société nationale de sauvetage en mer (SNSM)
Née en 1967, la SNSM rassemble quelque 8 000 bénévoles du sauvetage en mer formés au secourisme. En 2017, 9 000 personnes ont été secourues par les sauveteurs de la SNSM. C'est la seule organisation agréée dédiée au sauvetage en mer en France. Elle intervient sous la coordination des Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS). Un numéro d'alerte, le 196, permet de joindre directement les CROSS depuis un téléphone.La SNSM dispose de 180 vedettes de sauvetage (coque bleue), 41 canots tout temps (coque verte), 32 bateaux semi-rigides, sans compter ses canots pneumatiques et jet-ski.
3.350 sauveteurs embarqués bénévoles interviennent en cas de détresse ou d'incident en mer jusqu'à 20 milles nautiques de la côte à partir des 218 stations de sauvetage de la SNSM (187 permanentes et 31 saisonnières).Chacune des stations permanentes est composée de 10 à 40 bénévoles opérationnels.
Sur les plages, parallèlement aux maîtres-nageurs employés par les mairies pendant la saison estivale, quelque 1 400 nageurs sauveteurs bénévoles de la SNSM interviennent dans les zones de baignade aménagées.
"Le sauvetage de la vie humaine en mer est obligatoire et gratuit", rappelle l'association, qui fonctionne à 80% grâce aux dons privés, et à laquelle le gouvernement avait annoncé en 2018 un relèvement de ses subventions à six millions d'euros par an de 2018 à 2020.