Après un printemps plutôt épargné, les données du centre d'étude et de valorisation des algues (Ceva) révèlent des surfaces d'échouage d'algues vertes nettement supérieures à la moyenne cet été dans les baies de la région.
Les saisons se suivent et ne se ressemblent pas. Durant le printemps, Sylvain Ballu a constaté des quantités d'algues vertes "historiquement basses" sur nos côtes bretonnes. "Environ un hectare de couvert en avril, contre 127 hectares en moyenne chaque année à cette période entre 2002 et 2019."
Cela s'explique : l'hiver a été tempétueux, propice à la dispersion des ulves loin des baies. Beaucoup de pluie, de vent, peu de lumière, une température de l'eau particulièrement fraîche... "Résultat, pas de photosynthèse, les algues vertes ne se sont pas développées", explique Sylvain Ballu, chef de projet surveillance au Ceva, le centre d'études et de valorisation des algues, basé à Pleubian, dans les Côtes d'Armor.
Le climat influe sur la quantité d'algues
Cet été, rien à voir. Après les fortes chaleurs du mois de mai, de nombreux orages ont éclaté mi-juin, ce qui a eu des conséquences : le débit des cours d'eau a fortement augmenté, charriant des quantités importantes de nutriments, favorables à la croissance des algues vertes. Le beau temps qui a suivi, a contribué à leur prolifération.
D'après les photos aériennes prises en juillet et août, la couverture des baies sableuses par les ulves est en hausse de "30 à 40% par rapport à la moyenne annuelle relevée entre 2002 et 2019. "Près de 600 hectares constatés sur l'ensemble du littoral breton en août, contre 437 hectares relevés en moyenne chaque année, entre 2002 et 2019" nous précise Sylvain Ballu.
La baie, vue du ciel
Tous ces résultats ne sont que provisoires. Ils découlent de photographies aériennes prises régulièrement par le CEVA qui opère sept survols de notre littoral chaque année. A ce jour, seuls cinq ont été effectués : "Nous en faisons un sixième mi-septembre, et un septième en octobre. C'est à partir de ces milliers de photos que l'on calcule avec précision les évolutions" nous explique celui en charge de suivre le phénomène des algues vertes en Bretagne.
Si on fait une première addition rapide de ces relevés provisoires, 1.660 hectares ont été constatés sur nos côtes bretonnes depuis le début de l'année 2020, contre 1.996 à la même période, selon la moyenne pluriannuelle qui se base sur les relevés établis entre 2002 et 2019...
Baies et zones de vasière
Ces photographies sont faites sur l'ensemble du littoral, plus précisément au-dessus d'une trentaine de sites. La Baie de Douarnenez regroupant à elle seule cinq sites. On y retrouve les 8 baies concernées par le plan algues vertes 2017-2021 (PLAV2) ainsi que des zones de vasières et "petits sites sableux" comme en Bretagne Sud où les algues vertes ont fait parler d'elles cet été. Port-Louis, Ria d'Etel, Golfe du Morbihan... Aujourd'hui la préfecture de ce département ne nie plus la présence des algues vertes, qui émettent un gaz toxique en se décomposant.
Taux de nitrate encore trop élevé
Depuis le lancement du plan de lutte contre les algues vertes en 2009, "on va dans le bon sens", estime Sylvain Ballu. "Mais on n'est pas encore à un niveau de qualité de l'eau qui permette de s'affranchir de la prolifération d'algues vertes tous les ans." "Le taux de nitrate dans l'eau est encore trop élevé à certains endroits, sinon, les algues vertes ne se développeraient pas !"
Un taux de nitrate d'environ 10 mg/litre, selon les endroits, est nécessaire pour empêcher la prolifération des "marées vertes", selon des modélisations scientifiques. Mais, dans les baies les plus sensibles, ce taux de nitrate peut encore monter à 22 mg/litre cet été...
En 2019, les surfaces d'algues vertes échouées avaient culminé en juin, dépassant alors de plus de 30% la moyenne 2002-2018. Quant aux ramassages, 40.800 tonnes d'algues avaient été collectées en 2019 dans 8 baies concernées par le plan algues vertes 2017-2021.
Présentes dans la mer à l'état naturel, les algues vertes prolifèrent à cause des nutriments charriés par les rivières et provenant pour l'essentiel des résidus de l'agriculture. Quand elles se décomposent, ces algues émettent un gaz extrêmement toxique, qui peut être mortel.