Témoignage. "On nous enferme comme des bagnards". Des entraves à la vie privée dans les EPHAD, selon un rapport

Dans un rapport, la défenseure des droits pointe de graves dérives dans les EHPAD : couches mises aux résidents faute de personnel, horaires de lever et de coucher adaptés aux emplois du temps des personnels. A cela s'ajoute maintenant les privations de liberté induites par le Covid.

"On nous enferme comme de bagnards !", s’insurge Philomène. Ça fait 101 ans qu’elle est sur terre et des épreuves, elle en a traversées. Une femme forte comme on dit qui vous parle encore en détail des grèves de 1936 à Paris ou de la façon dont elle s’est jouée des Allemands pour rejoindre son mari en STO (service du travail obligatoire).

Mais aujourd’hui, enfermée depuis presqu'un an sans interruption (elle est persuadée que ça fait deux ans) à l’EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) de Plestin-les-Grèves dans les Côtes d’Armor, elle craque. Sa voix se fait faible, fatiguée. "On est tous plus ou moins déboussolés, le fait d’être enfermés… C’est mieux de perdre la tête quand on est ici."

Vaccinée depuis plusieurs semaines, elle ne peut sortir qu’autour de l’établissement. Les visites dans la famille restent interdites et les entrées dans l’établissement sont réglementées.


Un rapport alarmant sur la privation de liberté dans les EHPAD

Un cas d’EHPAD parmi d’autres, celui de Plestin-les-Grèves n’est certainement pas pire qu’un autre. Il s’inscrit dans la droite ligne des dérives dénoncées par le rapport de la défenseure des droits rendu public ce mardi 4 mai.

Claire Hédon, la défenseure des droits, y dénonce "l’augmentation de violations de la liberté d’aller et venir des résidents ainsi que leur droit au maintien des liens familiaux." Une situation qui n’est pas nouvelle mais que la pandémie a aggravée. "En situation de perte d’autonomie ou de handicap, elles jouissent des mêmes droits et libertés que l’ensemble de la population," rappelle la défenseure des droits.

A Plestin-les-Grèves, l’établissement a envoyé un mail aux familles le 13 avril leur expliquant que l’ARS (agence régionale de santé) "invite à suspendre les visites en chambre et les sorties des résidents y compris ceux qui ont bénéficié d’un schéma vaccinal complet."

"Ce mail a bien été envoyé, courant mars, aux établissements dans la zone où le variant breton circulait fortement (dont Plestin faisait partie), mais cette restriction a été levée le 1er avril", précise-t-on à l’ARS.  

Cet imbroglio dénote la complexité de la gestion de crise par des personnels débordés et trop peu nombreux dans les établissements d'accueil pour les personnes âgées.

Tour à tour nos petits vieux lâchent.

De son côté, l’infirmière coordinatrice de l’EHPAD, peu encline à répondre aux questions, affirme s’en tenir aux décisions prises par le CVS (conseil de vie sociale). A la question, "pourquoi les personnes âgées vaccinées ne peuvent-elles pas aller se promener où bon leur semble ? ", elle avance "Je n’ai pas la réponse à votre question."

Pourtant, le personnel a remarqué le syndrome de glissement qui gagne les pensionnaires. "Tour à tour nos petits vieux lâchent. Ils ne sortent pas et ne voient quasiment personne. Depuis février on a beaucoup de décès et pas liés au Covid puisqu’on n’a eu aucun cas dans l’établissement", avoue Clémentine*.

Philo, elle, déplore l’ambiance détestable exacerbée par les complications qu’impose la situation sanitaire. Elle fustige le manque de personnel et plaint ceux, qui travaillent dans ces conditions. Quand on la questionne sur l'avenir, elle soupire et avoue qu'elle voudrait que ça redevienne comme avant le plus vite possible.

*Le prénom a été modifié

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