"Violation du secret professionnel": l'ex-garde des Sceaux Urvoas renvoyé devant la Cour de justice de la République

L'ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas a été renvoyé devant la Cour de justice de la République pour "violation du secret professionnel" au profit du député Thierry Solère qui était visé par une enquête, a appris l'AFP lundi auprès de son avocat.

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La commission d'instruction de la CJR (cour de justice de la République), composée de magistrats de la Cour de cassation, a suivi les réquisitions du ministère public qui avait réclamé en décembre un tel procès. Cette décision repose "sur une interprétation aussi inexacte qu'extensive du droit", a dénoncé Me Emmanuel Marsigny, avocat de M. Urvoas. L'ancien ministre socialiste est accusé d'avoir transmis en mai 2017 au député des Hauts-de-Seine Thierry Solère (ex-Les Républicains, aujourd'hui La République en Marche) une "fiche d'action publique" établie par l'administration du ministère et rendant compte de l'état d'une enquête préliminaire le concernant, puis un courriel d'actualisation de cette fiche.

La défense de M. Urvoas entend démontrer devant la CJR "que les fiches d'actions publiques ne peuvent contenir aucune information protégée au titre d'un secret prévu par la loi et partant, être elles-mêmes protégées par un secret légal", écrit-elle dans un communiqué. Elle soutient également "que le garde des Sceaux n'est pas tenu à un quelconque secret quant aux informations élaborées par les services du ministère remontées par les parquets généraux et qu'aucune norme ne prévoit de secret professionnel inhérent aux fonctions de ministre de la Justice".

M. Solère, qui a dû renoncer fin 2017 à son poste de questeur de l'Assemblée nationale, était visé depuis le 6 septembre 2016 par une enquête préliminaire du parquet de Nanterre pour "fraude fiscale, blanchiment, corruption, trafic d'influence et recel d'abus de biens sociaux". Celle-ci a été confiée à un juge d'instruction le 1er février. En décembre 2017, une perquisition à son domicile avait permis la découverte dans son téléphone d'un message envoyé par M. Urvoas entre les deux tours de l'élection présidentielle, avait révélé à l'époque le Canard enchaîné.
 

Je ne vois pas ce qui peut justifier, dans une République, que le ministre de la Justice soit informé de toutes les enquêtes politiques.


Pour Jean-Christophe Picard, président d'Anticor, association contre la corruption et pour l'éthique en politique, cette nouvelle représente une satisfaction. "Nous avions accordé une triple casserole à Jean-Jacques Urvoas qui est l'auteur de cette circulaire qui impose au procureur de remonter des informations sensibles. C'est absolument inacceptable qu'il utilise ces informations pour aider." Malgré cette décision, Jean-Christophe Picard se dit sceptique quand à l'issue de ce procès, devant une cour qui n'est pas sévère avec les politiques. "L'outil n'est pas forcément satisfaisant" indique-t-il en rappelant que cette affaire ne cesse de poser la question de l'indépendance de la justice et qu'il va falloir couper le cordon ombilical entre le procureur et la politque. "Sinon c'est la porte ouverte à tous les abus."

Le parquet de Nanterre avait transmis ces informations le 5 décembre 2017 au procureur général près la Cour de cassation, qui avait saisi le mois suivant la commission d'instruction de la CJR. Celle-ci avait ensuite mis en examen M. Urvoas pour "violation du secret" le 20 juin. Cette affaire suit son cours alors que la suppression de la Cour de justice de la République est envisagée dans le cadre d'une réforme constitutionnelle, qui a été reportée sine die.

 
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