Le confinement aggrave les violences conjugales et intra-familiales. Les victimes peuvent désormais trouver refuge dans les pharmacies qui deviennent un lieu d'écoute et d'alerte.
"On a l'habitude, ce n'est pas la première fois qu'on utilisera nos pharmacies pour aider les gens dans la détresse", assure Serge Gautier, pharmacien rennais, qui vient de recevoir la marche à suivre pour aider les victimes de violences intrafamiliales.
"A situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle"
Face à la hausse des violences conjugales en période de confinement - plus d'un tiers dès la première semaine - les 22.000 officines de l'Hexagone sont officiellement devenues un lieu d'alerte pour les victimes, à l'instar de ce qui se pratique en Espagne.
"On espère réconforter les victimes et être un relais, même si on ne peut pas faire beaucoup plus car on n'est pas suffisamment formés pour apporter une aide psychologique", reconnaît Serge Gautier.
"On joue le jeu. A situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle", assure de son côté Luc Mougin, pharmacien dans le Finistère. "Face à des violences malheureusement trop fréquentes et trop bien dissimulées, les pharmacies, grâce à leur maillage territorial, sont l'un des rares lieux d'écoute ouverts six jours sur sept", ajoute-t-il.
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— #NousToutes (@NousToutesOrg) March 19, 2020
"Quelque chose que l'on fait au quotidien"
Mais pour Colette, pharmacienne à Rennes, "l'accueil des victimes devrait pouvoir se faire dans n'importe quel commerce ouvert, d'autant qu'on ne va pas faire des constations médico-légales, ni rédiger des plaintes".
Certains disent avoir découvert le dispositif "en regardant le journal de 20h". "Je suis carrément pour tout ce qui permet de briser le silence, d'autant qu'on peut isoler la personne. Par contre la communication est catastrophique", estime le gérant d'une autre officine rennaise, qui regrette le délai d'une semaine entre l'annonce ministérielle et les documents détaillant la marche à suivre.
"Il n'y a pas de numéro dédié et les victimes risquent d'être un peu décontenancées par rapport à ce qu'on leur apporte. C'est quelque chose qu'on fait déjà au quotidien", souligne Maire-Claire Denoual, membre de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
"Porte d'entrée"
Une "fiche réflexe" recommande aux pharmaciens "d'installer la victime dans l'espace de confidentialité de l'officine". Si la personne souhaite alerter la police, à charge pour le pharmacien de recueillir son identité et d'alerter les forces de l'ordre.
Si tel n'est pas son souhait, le pharmacien lui propose la "remise discrète" d'un flyer avec les coordonnées des forces de l'ordre (17, SMS au 114), des services d'accompagnement (3919 et 119) ainsi que l'adresse de la plateforme de signalement des violences sexuelles et sexistes et son tchat 24H/24.
Pour Caroline De Haas, du collectif #NousToutes, "toute initiative qui permet de libérer la parole est intéressante même si les premiers retours d'Espagne montrent que ce sont les hommes qui vont à la pharmacie".
Autre bémol selon elle, "le faible niveau de formation des pharmaciens pour accueillir la parole des victimes". De plus, "l'ensemble des dispositifs mis en place pendant la période de confinement renvoient vers les forces de l'ordre, alors que beaucoup de femmes souhaitent simplement être accompagnées".
"C'est une porte d'entrée, notamment pour celles qui ont du mal à téléphoner", relève quant à elle Françoise Brié, présidente de la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF), qui gère le 3919. "Nos associations se mettent en lien avec les pharmacies pour que les victimes soient orientées vers des dispositifs de proximité", précise-t-elle, tout en soulignant que "ce sera peut-être plus compliqué dans les petites communes, là où il y a moins d'anonymat".