Les communes sans généraliste, c’est une véritable épidémie en France. A Fay-aux-Loges, située à seulement 25 minutes d’Orléans, depuis que l’actuel médecin est sur le départ, la municipalité publie des annonces dans les facultés de médecine.
En vain. Alors pour tenter d’éradiquer cette plaie, Fay-aux-Loges, commune de 3400 âmes, s’associe à la communauté de commune des loges qui dispose d’une maison de santé. Elle a même fait appel à une agence de recrutement de médecins. Mais rien pour le moment. A croire que les généralistes fuient les campagnes comme ils fuiraient la peste!
Bientôt le reportage d'Arnaud Moreau et Vincent Logereau.
Les agences privées : business ou bonne foi?
Qui fait appel à ces agences privés ? Maires, directeurs d'hôpitaux, des collectivités mais aussi...des enseignes de la grande distribution qui souhaitent ouvrir un cabinet médical dans leurs centres commerciaux. Ces structures sont françaises ou étrangères. C'est un phénomène "assez récent", son essor remonte à trois-quatre ans.
Combien de sociétés existent en France? "C'est le flou le plus complet", affirme Patrick Romestaing, en charge de la démographie médicale à l'Ordre des médecins. L'Agence France Presse (AFP) en a toutefois recensé une dizaine sur internet. Arime fait partie des pionnières. Sa fondatrice, Sophie Leroy, s'est lancée sur le marché en 2006 avec son père, ancien directeur hospitalier. L'agence revendique un "recrutement haut de gamme" et facture ses prestations 25.000 euros hors taxes pour un généraliste, 35.000 pour un spécialiste.
L'entrée de la Roumanie dans l'Union européenne en 2007 "a fait décoller l’activité" de Arime, la société de Sophie Leroy. Car ces sociétés recrutent d'abord en Europe de l'Est, en particulier en Roumanie. La première raison est financière: un médecin roumain ne gagne que 300 à 400 euros par mois dans son pays. La seconde est liée à l'importance de l'enseignement du français dans les écoles roumaines, un facteur qui favorise les échanges.
Les autres candidats. La plupart sont issus de l'Union Européenne car les diplômes européens permettent d'exercer en France au même titre que les praticiens français. Depuis la crise, qui n'a pas épargné les personnels de santé, le Portugal, l'Espagne, l'Italie et la Grèce sont devenus des viviers de recrutement. En Grèce, le salaire des médecins du public a diminué de moitié. En Italie, les contrats publics sont désormais de 15 jours "sans visibilité sur l'avenir ». "Nous avons beaucoup de candidats en Grèce, où les conditions de travail se sont détériorées", confirme Zuzanna Jendryczko, en charge du secteur France pour Paragona, une agence basée en Pologne. Depuis 2006, elle recrute pour des établissements du nord de la France: surtout des anesthésistes, gastroentérologues, radiologues ou généralistes.
Certaines agences franchissent la limite de la légalité
Certaines agences "accompagnent vraiment le médecin au niveau de la formation à la langue, le préviennent sur le lieu où il va arriver, sur les possibilités
pour le conjoint de travailler, préparent les conditions d'accueil", tandis que d'autres "se contentent de vendre du CV, sans expliquer au professionnel recruté et à l'employeur les conditions réelles d'emploi", souligne-t-elle. Mal préparés, ces médecins peinent à s'intégrer et à se constituer une clientèle
et finissent par jeter l'éponge.
Elus et médecins étrangers victimes de certaines agences. Plus d'un élu en a fait les frais après avoir déboursé des sommes importantes, selon Patrick Romestaing, qui fait état de nombreuses remontées auprès des conseils départementaux. Les candidats doivent parfois payer pour espérer être recrutés. Une agence a même franchi les limites de la légalité en réclamant aux médecins une partie de leurs honoraires, explique-t-il. Anne-Marie Basséras, maire de Saurat (Ariège), un village de 650 habitants, en a été témoin. A la recherche d'un médecin, elle avait été démarchée en 2010 par une société qui l'avait mise en contact avec un candidat roumain. "Le contrat stipulait que le médecin devait reverser 20% de ses rémunérations" à l'agence et le responsable "m'avait demandé si je pouvais garantir au médecin 4.000 euros de revenus par mois, soit 800 euros pour l'agence", raconte l'élue. Finalement, le médecin est venu par ses propres moyens après avoir rompu son contrat avec l'agence... mais il est reparti 18 mois plus tard dans une autre région.