Avec les diverses annonces d'aujourd'hui sur l'avenir du site de Michelin à Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire), voici un retour sur les principales mesures de ce plan social.
La saga MichelinL'annonce de Michelin devait avoir lieu mercredi 12 juin mais, après des fuites dans la presse, l'officialisation de la direction est finalement tombée en fin de matinée comme un couperet.
Dès 4h30, ce matin, 150 salariés ont débrayé sur le site de Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire). Ils se sont rassemblés dans la cour de l'usine, des représentants syndicaux ont pris la parole. Un pneu de poids lourd a été sorti dans la cour. "Voilà ce que, nous, on souhaite continuer à faire car on le fait bien", a dit un ouvrier. On évoque la suppression de 700 postes.
Vers 8h00, le directeur Jean-Denis Houard arrive sur le site. Interrogé par la presse, il ne souhaite pas confirmer le plan de suppression de postes. Il a simplement indiqué qu'il allait rencontrer les membres du CE et les délégués syndicaux dans la foulée.
11H00 réunion au siège social du groupe, à Clermont-Ferrand.
La direction annonce la suppression de 700 emplois à Joué-lès-Tours et l’arrêt de la production de pneus poids lourds pour faire face à la baisse de la demande en Europe. L'atelier poids lourds de cette usine de Joué cessera sa production d'ici au premier semestre 2015. Deux cents salariés seront maintenus sur le site pour travailler dans les produits dits "semi-finis", c'est-à-dire des tissus métalliques et des membranes en caoutchouc. « Parmi les 730 autres, 250 pourraient bénéficier d'un aménagement de fin de carrières". "Chacun des 480 salariés restants se verrait proposer deux postes correspondants à ses compétences sur un autre site de Michelin en France". Un accompagnement sera mis en place pour ceux qui préféreraient partir.
Arrivés peu avant 13H00, les ouvriers de l'équipe de l'après-midi n'ont pas pris leur poste et sont restés dans la cour avec leurs collègues du matin.
« On pense que la direction va fermer le site définitivement dans les années à venir. Michelin dit qu'il ne licencie pas mais il va laisser beaucoup de gens sur le carreau. Il propose des mesures de mobilité impossibles à accepter pour la plupart", a déclaré Olivier Coutan délégué SUD aux journalistes.
"Selon nous, environ 300 personnes resteraient sur le carreau. Certains, comme les actionnaires, s'engraissent alors que d'autres ici vont mourir de faim", a commenté Claude Guillon, délégué CGT. "Nous sommes déterminés et nous envisageons toutes formes d'action, même les plus dures s'il le faut", a-t-il ajouté.
Vers 16H00, des dizaines d'ouvriers occupaient encore les abords du site tourangeau totalement à l'arrêt depuis que l'équipe du matin a décidé de débrayer. Aucun poids lourd ne passait cet après-midi, aux deux entrées dédiées à l'approvisionnement du site. Actuellement, les syndicats sont en négociation avec la direction.
L’imbroglio Michelin
Ces mesures s'inscrivent dans un projet plus large de Michelin qui prévoit en tout un investissement de 800 millions d'euros et la création de près de 500 postes d'ici à 2019 dans l'Hexagone. Il veut ainsi :
- Augmenter sa production de pneus de génie civil et agricole, ainsi que les produits semi-finis dans ses sites de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), du Puy-en-Velay (Haute-Loire) et de Troyes (Aube), avec à la clé de nouveaux emplois.
- Michelin va aussi investir 220 millions pour moderniser son centre de recherche et développement et d'innovation à Clermont-Ferrand, siège du groupe.
- Le groupe continuera de produire à l'avenir des pneus poids lourds dans l'Hexagone dans son usine de La Roche-sur-Yon, en Vendée, qui bénéficiera d'un investissement de 100 millions d'euros en machines et de la création de 170 emplois. Sa capacité de production doublera d'ici à 2019 pour atteindre 1,6 million d'unités par an, dont 75% destinée à l'exportation.
Jean-Dominique Sénard, président du groupe explique que « comme Goodyear Amiens Nord, nous avons pris cette décision pour renforcer la compétitivité de nos usines en France", faisant valoir que l'atelier de Joué-lès-Tours était trop petit pour être maintenu.
Michelin souffre en effet de la baisse de la demande en Europe pour le pneu poids lourd, qui a diminué selon lui de 25% par rapport à 2007. C'est la même raison qui pousse le groupe américain Goodyear à vouloir fermer son usine d'Amiens Nord.
Michelin, un des trois mastodontes du pneu à l'échelle mondiale avec Goodyear et le groupe japonais Bridgestone, va en revanche cesser de produire en Algérie. Ses activités de fabrication de pneus poids lourds et de ventes de pneumatiques y seront cédées au groupe algérien Cevital, dans un premier temps à hauteur de 67%, puis de 100%. La production s'arrêtera à la fin 2013, a indiqué Michelin, en précisant que Cevital "s'est engagé à proposer à chacun des 600 salariés de l'usine un emploi dans l'une de ses activités dans le pays".
Réactions des salariés
Déclarations de la direction ?
Vers 13H30, le directeur du site, Jean-Denis Houard, est sorti de l'usine pour aller à la rencontre des salariés. Mais, constatant la présence de journalistes, il a déclaré: "Je ne m'exprime pas (devant les salariés, ndlr) dans de mauvaises conditions." Il a ensuite rebroussé chemin sous les sifflets des salariés.
"L'usine ne ferme pas", a déclaré sur RTL le patron de Michelin, Jean-Dominique Senard, pour rassurer les salariés du site, à l'arrêt lundi matin.
Réaction du secrétaire général de Force ouvrière Jean-Claude Mailly
Le secrétaire général de Force ouvrière Jean-Claude Mailly a réagit sur France 2."Ce que je crains, a-t-il poursuivi, c'est que des entreprises aient retardé l'annonce de plans sociaux pour bénéficier des nouvelles dispositions dites de sécurisation de l'emploi qui sont beaucoup plus simples pour elle".
Adoptée définitivement le 14 mai par le Parlement, la loi de sécurisation de l'emploi est le fruit de l'accord du 11 janvier entre le patronat et trois syndicats (CFDT, CFTC et CFE-CGC) mais combattu par FO et la CGT. Son entrée en vigueur est suspendue à la décision du Conseil constitutionnel, attendue cette semaine. Cette loi saluée comme historique par le gouvernement accorde plus de flexibilité aux entreprises (accord de maintien dans l'emploi, mobilité interne, refonte des procédures de licenciements...) tout en créant de nouveaux droits pour les salariés (accès élargi aux mutuelles, droits rechargeables au chômage, formation...).
Déclarations maire et ministre
De son côté, le maire de Joué-lès-Tours Philippe Le Breton a indiqué lors d'une conférence de presse qu'il espérait que Michelin "livrera des explications comparées sur le choix de la Roche-sur-Yon par rapport à Joué-les-Tours".
Pierre Moscovici, le ministre de l’économie et des finances a déclaré lors d’un déplacement à Poitiers que « tous les ministères concernés [par le plan social du site Michelin], dont celui du Travail et de l'Emploi, le ministère du Redressement productif et mon propre ministère", celui de l'Economie, vont "travailler ensemble pour que les choses se déroulent de la meilleure façon". L'Etat va être très attentif à la situation de l'entreprise groupe, qui doit rester "compétitive", et à sa "situation sociale", a-t-il ajouté.
Reportage d'Amélie Rigodenzo.
Cas en France
Le gouvernement est confronté à un nouveau coup dur industriel qui vient s'ajouter à une liste d'emblèmes comme les hauts-fourneaux de Florange (Moselle), l'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ou encore Goodyears à Amiens (Picardie).
L’usine de Joué-lès-Tours
Outre la fabrication de pneus pour poids lourds, le site de Joué-lès-Tours comprend une unité de calandrage -la fabrication des nappes textiles et métalliques des pneus- qui alimente aussi les sites européens du groupe. Implantée depuis 1961 à Joué-lès-Tours, l'usine a compté jusqu'à 4.000 salariés dans les années 1980. Ils étaient encore 1.200 en 2008 avant un plan social qui a supprimé 340 postes en 2009.
Le poids de Michelin à Joué-lès-Tours