80 % de sternes en moins en 5 ans aux abords de la Loire, et en 2024, la reproduction de l’oiseau emblématique a été particulièrement contrariée

Les crues printanières de la Loire ont fortement perturbé la nidification et la reproduction des sternes, oiseau migrateur emblématique du fleuve, dont les effectifs enregistrent de fortes baisses ces dernières années.

Si les précipitations du printemps ont rechargé les nappes phréatiques après quelques années de sécheresse, la pluviométrie a aussi fait des victimes collatérales : les sternes. Deux espèces, les sternes naines et les sternes pierregarins, viennent nicher et reproduire sur les grèves de la Loire. Elles nichent à même le sable, ce qui rend leurs œufs ainsi que leurs poussins très vulnérables.

Espèces et espaces protégés

« La sterne ne construit pas de nid à proprement parler. Avec leurs pattes, elles créent juste une toute petite dépression, elles vont éjecter un peu de sable et puis ça va faire une toute petite cuvette dans laquelle elles vont déposer trois à quatre œufs. Ces œufs sont très mimétiques et ne sont quasiment pas visibles à même le sol » explique Manon Leduc, ornithologue et chargée d’études à la Ligue de protection des oiseaux de Centre - Val de Loire.

Les sternes sont très sensibles au dérangement, qu’il s’agisse d’intrusion humaines ou de bruits à proximité de leurs nids. Elles peuvent facilement abandonner leurs nids, leurs œufs et leurs poussins. L'espèce fait partie des oiseaux protégés par un arrêté ministériel depuis 2009. C’est pourquoi des arrêtés préfectoraux de protection des biotopes protègent les ilots où elles ont l’habitude d’élire domicile. Des panneaux, voire des cordons de sécurité ou des leurres sont installés du 15 mars au 15 août. A Tours, les défenseurs de l’oiseau se félicitent que le feu d’artifice du 14 juillet ne soit plus tiré du pont Wilson. Le dernier en date, en 2019, avait fait fuir plus d’une centaine de couples reproducteurs installés à son pied.

Nids submergés

Mais cette année, plus que les intrusions ou le dérangement humains, ce sont les crues printanières qui ont perturbé la reproduction des sternes. « La nidification des sternes est fragile parce que ce sont des oiseaux qui nichent sur des espèces dégagés, des sols de gravillons,  sur bancs de sable qui sont souvent au ras de l’eau, donc elles sont très sensibles aux variations des niveaux. Et cette année on a eu deux montées d’eau brutales dues à la pluviométrie importante. Et à chaque fois, les espèces qui étaient le plus proche de l’eau : ou le nid a été noyé ou les jeunes poussins qui n’ont pas pu remonter sur le haut ont été noyés. Et ça, ça impacte parfois des populations très importantes. Il suffit qu’au mois de mai on ait une montée d’eau très importante qui submerge les ilots et on perd 100% de la reproduction d’une année », explique Bruno Riotton, chef d’unité à l’Office français de la biodiversité, à Blois.

Signe d’une année particulièrement humide, les panneaux de signalisation disposés à la mi-mars par le Conservatoire d’espaces naturels du Loir-et-Cher à Blois, ont été emmenés par les eaux quelques jours après leur installation. Les responsables du dispositif ont dû attendre le 7 juin pour en poser de nouveaux. « Une année ordinaire, nous les posons en mars, puis nous faisons notre suivi et tout va bien jusqu’au mois d’août. Cette année, début juin, ça a été un peu tard, difficile et dangereux parce que les oiseaux avaient déjà niché, donc il a fallu faire ça très vite pour ne pas les déranger », raconte Léa Ségui, chargée de communication et d’animation au Conservatoire d’espaces naturels 41.

Forte baisse des effectifs

Ces crues à répétition pourraient avoir affaibli la reproduction des sternes naines en particulier, qui nichent au plus près de l’eau. Car sur un des ilots de Blois où est effectué un suivi, l’OFB n’a recensé que 52 couples reproducteurs contre plus d’une centaine l’année passé. Si la reproduction est en échec, la sterne peut avoir tendance à migrer plus précocement vers l’Afrique, sans attendre la fin de l’été.

A Tours, le Ligue de protection des oiseaux dresse le même constat : « la Loire était encore très haute quand les sternes sont arrivées, il n’y avait encore aucun des ilots sur lesquels elles s’installent d’habitude qui était découvert. Donc elles  ont dû attendre un moment avant de pouvoir s’installer. Et à partir du moment où elles ont pu s’installer, la Loire est remontée et a vraiment submergé tous les ilots de nidification. Derrière, elles ont dû retenter ce qu’on appelle une ponte de remplacement. Donc une deuxième nichée. Les sternes pierregarins et les sternes naines ont tenté. Les sternes naines ici ont pas du tout réussi et elles ont fini par abandonner leurs nids. Les sternes pierregarins ont davantage réussi », explique Manon Leduc.

Cette année difficile pour la reproduction des sternes s’inscrit dans un contexte de forte baisse des effectifs recensés dans la région. Pour le département de l’Indre-et-Loire, la Ligue de Protection des oiseaux estime que plus d’un millier de couples reproducteurs ont disparu de nos contrées, soit une diminution de près de 80% pour les sternes pierregarins et 85% pour les sternes naines.

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