La crise sanitaire a un peu plus fragilisé les plus pauvres, et a plongé une nouvelle part de la population dans la précarité. Résultats en Centre-Val de Loire : les associations caritatives enregistrent une forte hausse des demandes d'aides.
Il y a une semaine, le département de l'Indre-et-Loire tirait la sonnette d'alarmes. Le département enregistrait une hausse de 10,5% du nombres d'allocataires du RSA depuis mars. Soit 1 385 bénéficiaires du revenu de solidarité active de plus depuis le confinement, pour un total de 14 622 en ce début de mois de septembre.
Dans un article daté d'avril dernier, Oxfam France estime que la crise saniatire a agi "comme un miroir grossissant des inégalités économiques".
Les arrêts de travail contraints et le chômage partiel vont provoquer de grandes difficultés pour toutes les personnes qui perçoivent de faibles salaires ou qui sont en contrats précaires. Pour les personnes les plus défavorisées, le manque à gagner va être catastrophique.
Des millions d'euros débloqués par les départements
Cinq mois plus tard, force est de constater que ces prédictions se sont avérées. "Tous ceux qui bénéficiaient de contrats courts, dans l'agriculture ou le tourisme, font face à un tarissement des offres d'emploi, explique Frédéric Baysselance, directeur de la Caf de Touraine, qui verse le RSA. Et beaucoup de gens se sont séparés dans cette période-là, et certains se retrouvent sans ressource et avec enfants."Pour financer cette augmentation du nombre de bénéficiaires, le département d'Indre-et-Loire estime à 6 millions d'euros l'enveloppe supplémentaire à débourser.
Dans le Loiret, le constat est similaire. Si le nombre d'allocataires supplémentaires n'a pas été communiqué, le président du département Marc Gaudet confie avoir demandé une ralonge budgétaire de 11 millions d'euros. "Cette somme peut être modifiée par le vote à la mi-octobre, ça sera peut-être 9 millions, ou 12 millions", précise-t-il. De quoi estimer l'étendue des dégâts.
Au Secours populaire 37 : +38% de demandes d'aide
Et là où l'Etat n'agit pas, les associations prennent le relai. Au Secours populaire 37, on a constaté une augmentation de 38% des demandes d'aides pendant le confinement par rapport à la même période en 2019. "Les gens rencontrent encore plus de difficultés aujourd'hui, précise Fathia Abdellaoui, bénévole de l'association en Indre-et-Loire. Ils demandent des aides de loyers. Comme tous les petits emplois ont disparu, les jeunes qui ne peuvent pas travailler vienennt nous voir, ainsi que les personnes âgées en grande difficulté."Chaque année, le Secours populaire enregistre une augmentation de 10% des demandes. Un chiffre inquiétant, mais sans commune mesure avec la hausse constatée pendant le confinement. Selon Fathia Abdellaoui, l'ensemble des structures du Secours populaire de l'Indre-et-Loire ont servi 1 600 familles entre mai et juin."On a bénéficié du fonds d'aide aux plus démunis, mais ça n'a pas été suffisant donc on a pris sur les stocks de l'année, on n'a pas eu le choix, ajoute-t-elle. Grâce au national, on peut obtenir des aides de l'Etat et de fondations."
Aux Restos du Coeur 45 : +300 000 repas prévus cet hiver
Des difficultés financières répandues chez les associations de la région. A en croire Sophie Spilliaert, présidente des Restos du Coeur du Loiret, "l'association n'a pas de recettes qui lui permettent d'assumer une telle augmentation de demande." Elle a en effet enregistré une augmentation des inscrits de 5% depuis un an, "une hausse qui pourrait atteindre 20% cet hiver si l'on en croit les indicateurs économiques", affirme-t-elle.Sur l'hiver 2019-2020, les Restos ont servi 1,5 millions de repas dans le Loiret. Une augmentation de 20%, soit 300 000 repas supplémentaires, nécessitera "des subventions importantes de la région et de l'Etat". Des subventions qui seraient "dans les tuyaux" selon Sophie Spilliaert, mais dont le montant n'est pas encore définitif. "Ces subventions seront rassemblées par le national, qui va acheter sur des marchés d'achats de denrées alimentaires."
Heureusement, "on a eu un gros élan de solidarité et de dons pendant le Covid, contrairement à ce qu'on pouvait craindre", témoigne la présidente des Restos du Loiret, élan qui a permis un temps d'assurer les finances. De plus, "de nombreuses personnes qui n'avaient pas d'emploi pendant le confinement sont venues nous aider". Une aide précieuse, puisque les nombreux bénévoles âgés ont dû rester confinés.
Association cherche bénévole
Avec la fin du confinement, ces bénévoles temporaires ont repris leurs activités professionnelles. Mais mesures sanitaires obligent "tous les forums d'associations ont été annulés dans le Loiret, déplore Sophie Spilliaert. Pour nous, c'était l'occasion d'aller au devant des sympathisants qui avaient envie de s'engager."L'association a donc passé un appel sur les réseaux sociaux et dans les médias pour attirer de nouveaux venus dans ses rangs, alors que l'hiver s'annonce rude pour les finances et l'activité des Restos du Coeur.
Du côté des départements, les rallonges de l'Etat ne semblent en revanche pas au menu des discussions. Le président du Loiret Marc Gaudet dit "ne pas compter sur l'Etat pour financer le RSA", mais reste optimiste. "En juin, les départements parlaient de 25% de pertes de droits de mutation. Finalement, pour nous, ça tourne autour de 17%. Les chiffres se corrigent au fur et à mesure."
Dans l'Indre-et-Loire, le discours est plus pessimiste. Vincent Louault, conseiller départemental délégué au RSA, assure que "la Caf payera toujours les prestations". En revanche :
Reste à savoir si la relance économique et la prise en charge de cette nouvelle précarité des ménages pourront se faire tant que l'épidémie continue de frapper le pays.On mettra en difficulté les finances des départements qui doivent aussi participer au plan de relance, aux collèges, aux EHPAD. A force de tout mettre dans le RSA, on n'aura plus rien pour continuer à faire vivre la collectivité dans un ensemble de compétences qui ne s'arrête pas au RSA.