Le climat et les insectes se sont conjugués pour rendre la moisson 2020 particulièrement difficile pour les céréaliers. Certains agriculteurs ont perdu jusqu'à la moitié de leur rendement.
Les moissons ont débuté, et ne s'annoncent pas brillantes si l'on en croit les agriculteurs. Dans les territoires les plus touchés, comme l'Indre et plus largement le sud de la Loire, certaines parcelles ne produiront que la moitié de leur rendement habituel pour l'orge d'hiver, le colza ou le blé.
Un hiver doux et un printemps sec
"Par endroits c'est pire qu'en 2016" résume Philippe Noyau, président de la Chambre régionale d'agriculture, faisant référence à l'année où les inondations ont bouleversé toute la vallée de la Loire dès le mois de juin. Si les années suivantes ont également été en demi-teinte, 2019 laissait pourtant apercevoir une embellie pour les céréaliers, qui ont vu leurs espoirs douchés par un climat instable, des maladies affectant les végétaux et une réglementation que certains jugent trop stricte."L'hiver a été trop doux", poursuit Philippe Noyau, et suivi par un printemps trop sec et chaud. D'un côté, cette météo inhabituelle a causé une mauvaise irrigation de certains sols, devenus trop durs au printemps pour que les plantes développent leurs racines, et imposant trop de stress aux végétaux. De l'autre, elle a favorisé la reproduction de nombreux insectes comme un puceron transmettant la jaunisse nanisante.
En outre, observe le président de la Chambre d'agriculture, la fécondation des grains pendant l'hiver (lors d'une période appelée méïose) a été plus faible que la norme, sans doute aussi à cause du climat, ce qui induit un nombre plus faible de grains par épi. "Tout combiné, ça fait des rendements minables" dans les parcelles les plus vulnérables, tandis que d'autres s'en tirent un peu mieux.
Vers une nouvelle crise agricole ?
Sur le plan économique, mais aussi humain, cependant, la situation peut vite dégénérer, d'autant que d'autres secteurs de l'agriculture peuvent être touchés indirectement par une mauvaise moisson, comme les éleveurs, qui dépendent de la paille. Ce fort recul de la moisson s'inscrit par ailleurs dans une baisse générale du niveau de revenu agricole. En 2019, l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) estime que la valeur ajoutée de la "Ferme France" a reculé de 6,4 %, le résultat net par actif non-salarié de 8,6 %, et note "l'instabilité économique" du secteur.[??Comptes de l’#agriculture] Baisse du résultat moyen de la Ferme France en 2019. La VA nette au coût des facteurs (y compris subventions) recule de -6.4% entre 2018 et 2019, le Résultat net de la branche agricole par actif non salarié de -8.6%.
— APCA (@ChambagriFrance) July 7, 2020
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Pour les syndicats agricoles, comme la FNSEA, les agriculteurs sont particulièrement vulnérables à ce genre de crise à cause d'une réglementation trop lourde, que le président régional, Florent Leprêtre, n'hésite pas à qualifier de "chape de plomb". "Notre responsabilité passe par la performance et la compétitivité" explique-t-il. "Si on ne retrouve pas une performance sur la régio Centre-Val de Loire, il y a des pans du territoire où l'agriculture va disparaître !"
Le caractère exceptionnellement bas de la moisson se confirme d'ailleurs au niveau national. D'après la plateforme Agreste du ministère de l'Agriculture, chargée de récolter les statistiques du secteur, la production de céréales serait en "fort recul", au point d'être l'une des plus faibles récoltes depuis 2004. "Selon les estimations au 1er juillet 2020, la production de blé tendre atteindrait 31,3 millions de tonnes", prévoit la plateforme. "Elle baisserait nettement sur un an (- 20,8 %) et par rapport à la moyenne 2015-2019 (- 11,3 %)." Le rendement du blé dur et de l'orge attestent aussi d'un recul, tandis que les oléagineux ne subissent qu'une faible baisse sur le territoire national.