"Ça reste un combat de tous les jours": la journée contre l'homophobie à l'épreuve du confinement

Pas de défilé du 17 mai ni probablement de marche des fiertés cette année en Centre-Val de Loire et ailleurs en France. Cependant, les associations LGBT ont pris le parti de faire vivre leur lutte à travers plusieurs actions sur les réseaux sociaux.

"Être en sécurité dans la rue." "Avoir enfin accès à la PMA pour toutes." "Célébrer notre identité en toute tranquilité" "La fin de la haine." Les visages et les mots se succèdent sans se ressembler. Faute d'avoir pu descendre dans la rue, les militants du Centre LGBTI de Touraine ont monté une vidéo où chacune et chacun lâche un souhait, une revendication, un espoir. Une colère aussi.
 
 

"Continuer la lutte"

Car face au confinement et à l'annulation des défilés prévus pour la journée de lutte contre l'homophobie et la transphobie ainsi que pour la Marche des fiertés, il a a fallu innover. "On ne peut pas porter ce combat dans la rue", concède Daphné Demezier, qui milite au sein du centre depuis plusieurs années, "mais on peut en profiter pour parler d'une manière différente, continuer la lutte."

Du côté d'Orléans, le secrétaire du Groupe local d'action gay et lesbien (GAGL 45) n'a pas non plus baissé les bras. "Je me retrouve avec un carton d'un millier de drapeaux arc-en-ciel dans mon séjour !" soupire amusé le militant, qui compte bien les mettre à profit lorsque le défilé loirétain finira par avoir lieu, probablement cet automne. En attendant, le GAGL a glissé à ses adhérents l'idée d'une véritable petite manif virtuelle.
 

"D'habitude les gens viennent à l'événement déguisés, maquillés... On a donc proposé aux gens qui auraient voulu suivre le défilé de s'apprêter et de se prendre en photo chez eux, dans leur jardin ou leur chambre", explique Christophe Desportes-Guilloux. Des photos que les sympathisants pourront poster sur les réseaux sociaux sous le hashtag #17maiOrleans et qui donneront lieu à un album sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, pour la première fois dans la région, le groupe a même reçu le soutien de plusieurs communes de l'agglomération orléanaise, Saran et Saint-Jean-de-Braye, qui ont hissé symboliquement l'étendard arc-en-ciel au-dessus de leur mairie.
 
 

Les dangers de l'isolement

Malgré l'enthousiasme des militants, le confinement a été rude pour un certain nombre de personnes déjà concernées par les violences homophobes ou transphobes. A Lyon, un jeune homme a dû subir pressions et violences psychologiques de la part de sa famille, et les associations dans le reste du territoire ont également craint que d'autres jeunes, privés de lieux d'écoute, ne soient encore plus vulnérables et isolés.

Selon l'OMS, cet isolement et la discrimination dont ils sont victimes dans le cercle familial serait l'un des facteurs expliquant que le taux de suicide chez les jeunes LGBT est bien plus élevé que chez le reste de la population du même âge. "Quand j'étais au lycée, j'avais peur", témoigne Johan Yager, l'un des membres du centre tourangeau. "J'avais juste tellement peur d'assumer que j'étais gay, d'assumer ma personnalité."

 

Un lien "précieux"

Adolescent au moment des débats sur la loi de 2013 sur le mariage pour tous, il a subi de plein fouet l'ambiance délétère de l'époque et son cortège de propos homophobes décomplexés, souvent violents. A ses yeux, la pandémie sonne comme une nouvelle épreuve pour ces jeunes en recherche d'eux-mêmes. "L'isolement peut être assez violent, on a besoin de se retrouver, d'avoir un espace 'safe'. Dans une période comme celle-là, c'est précieux."

De fait, si la plupart des lieux d'écoute ont fermé durant le confinement, certains se sont adaptés. A Tours, le Centre LGBT a mis en place un serveur Discord afin de maintenir les heures de permanences pré-confinement, en plus d'un live organisé en ligne tous les mercredis après-midi. "Pour celles et ceux qui n'ont pas forcément de connexion internet ou la possibilité d'accéder à Discord, on a essayé de les appeler le plus régulièrement possible par téléphone", ajoute Tatiana Cordier-Royer, la co-présidente du centre. Un lien "à l'ancienne", mais néanmoins essentiel : l'aîné du groupe a plus de 70 ans.

Car, comme le rappelle chacun et chacune d'entre eux, ni les violences, ni leur lutte ne prennent fin le 17 mai passé 23h59. Et ce lien, cette écoute, restent un enjeu de survie pour certaines personnes. "Ça ne s'arrête pas à la journée mondiale contre l'homophobie", achève Tatiana Cordier-Royer. "Ça reste un combat de tous les jours."


 L'homophobie en chiffre

En 2019, les forces de police et de gendarmerie ont recensé 1870 victimes d’infractions à caractère homophobe ou transphobe contre 1380 en 2018 et 1040 en 2017. Ces chiffres traduisent une augmentation de +36% du nombre de victimes d’actes anti-LGBT, tendance proche de celle de l’année précédente (+33%). Ils s’inscrivent dans un contexte plus large de progression des actes de haine et des extrémismes identitaires.

Dans le détail, ces victimes sont majoritairement des hommes (75% en 2019) et des jeunes (62% ont moins de 35 ans). 36% de ces infractions se sont déroulées dans des aires urbaines supérieures à 200 000 habitants (hors unité urbaine de Paris). Les injures et les outrages représentent 33% des infractions subies, tandis que les violences (physiques et sexuelles) à la personne représentent une part de 28% en 2019.
 
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