Centre-Val de Loire : eco-scheme, ce nouveau dispositif "vert" de la Politique Agricole Commune qui fâche tout le monde

Les syndicats agricoles critiquent les éco-dispositifs ou "eco-scheme", nouveauté de la PAC 2023-207. Le cadrage provisoire de la commission européenne ne satisfait ni les partisans d'une agriculture plus verte, ni les partisans de la diversité des modes de production.

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Chaque fois, l'histoire se répète : la nouvelle Politique Agricole Commune (PAC) réussit l'exploit de ne satisfaire absolument personne. Dans le viseur des syndicats agricoles de tout bord, il y a une nouveauté qui porte plusieurs petits noms : l'éco-dispositf ou "eco-scheme".

Ces programmes pour le climat et l'environnement seront intégrés au premier pilier de la PAC, dédié aux mesures de soutien aux marchés et aux revenus des exploitants agricoles, et qui mobilise une très large majorité de l'enveloppe initiale. "L'eco-scheme, ça veut dire que 30% du paiement de base est réservé, avec une conditionnalité environnementale, je vais le dire comme ça. Ces 30% sont définis par la réglementation européenne. Par contre, chaque état membre peut mettre les outils qu'il souhaite pour parvenir à l'activer" explique Florent Leprête, président de la FNSEA du Centre-Val de Loire.

L'enjeu économique est donc de taille pour cette réforme de la PAC qui prendra effet en 2023 jusque 2027, et la responsabilité du gouvernement d'autant plus lourde. Le but initial de l'eco-scheme, c'est de pousser les agriculteurs à adopter des pratiques plus vertueuses envers l'environnement.

"Il ne faut pas en profiter pour appauvrir la ferme Centre-Val de Loire"

Sur le papier, ça marche. Dans l'exécution, ça coince de partout. C'est ce qui a poussé la FNSEA à adresser une lettre ouverte au ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie. Le syndicat majoritaire estime que peu d'agriculteurs vont pouvoir entrer dans les clous de ce nouveau dispositif, et se verront ainsi amputer d'une partie de leur dotation.

"Nous, ce que l'on dit, c'est qu'il ne faut pas en profiter pour appauvrir la ferme Centre-Val de Loire. L'eco-régime, il faut qu'il soit accessible. Ce que nous souhaitons, c'est faire reconnaître les choses qui sont faites sur l'environnement, la biodiversité. Les agriculteurs font des efforts, et ils ne sont pas répertoriés, comptabilisés" estime Florent Leprêtre, qui prend pour exemple la mise en place de logiciels pour un suivi plus rigoureux des épandages de produtis chimiques.

Volet bien être animal avec condition de logement et alimentation du cheptel,, mise en place de jachères favorables à la biodiversité ou encore agriculture de précision avec plan pour optimiser perte des nutriments...

Les conditions provisoires pour bénéficier de l'éco-dispositif sont listées en annexe dans un document rendu public par la chambre d'agriculture de Normandie. Elles font la part belle aux pratiques familières de l'agriculture biologique. Les cultivateurs de grandes surfaces risquent d'avoir du mal à entrer dans le moule.

"On défend toutes les agricultures. Notre analyse, c'est qu'on n'a pas le droit de sanctionner la diversité des agricultures avec la PAC. Il n'y a pas le marché pour faire toute l'agriculture en certification ou en agriculture biologique, et avoir de la plus-value. Par contre, il y a de la place pour de l'agriculture conventionnelle raisonnée et diversifiée. Nous estimons que cette agriculture-là mérite aussi d'être accompagnée. La souveraineté alimentaire, ça ne se décrète pas, ça se cultive. En Centre-Val de Loire, on a besoin de maintenir et d'avoir de l'agriculture performante, résiliente, durable." développe le président de la FNSEA.

"Haute Valeur Environnementale" : le label de la discorde

Cette "certification" mentionnée par Florent Leprête, il s'agit du label HVE, décernés aux professionnels qui pratiquent une agriculture dite à Haute Valeur Environnementale. En décembre 2020, 1,35 % des exploitations françaises étaient certifiées HVE, et cette certification pourrait être intégrée à l'éco-dispositif. De quoi satisfaire la FNSEA ?

Pas du tout, car l'initiative tombe selon le syndicat dans une autre impasse. "Le HVE 3, il est impossible de le mettre dans la base des critères pour débloquer l'éco-régime. Parce qu'alors, cette plus-value potentielle devient la base." Les agriculteurs qui se plient à ces critères perdent l'opportunité de débloquer une aide supplémentaire et spécifique.

L'intégration de la certification HVE aux critères pour rentrer dans le cadre de l'éco-dispositif ne contente par non plus Laurent Beaubois, porte-parole de la Confédération Paysanne du Centre-Val de Loire. Un syndicat aux conceptions assez opposées à celles de la FNSEA, et qui s'oppose donc à la HVE pour une toute autre raison.

"Aujourd'hui, on nous propose de mettre un peu de vert dans ces paiements, en présentant la HVE comme une démarche de qualité pour préserver l'environnement. C'est se moquer du monde. Respectez deux ou trois critères, mettez quelques haies et ayez une ruche dans votre jardin, et vous êtes aussi vertueux que si vous faisiez de l'agriculture biologique !"

L'éco-dispositif accusé de "greenwashing"

Pour la Confédération Paysanne, comme pour les associations de défense de l'environnement, c'est en réalité tout l'éco-dispositif qui fleure le green-washing. Il s'agit d'une pratique qui consiste à s'acheter une image "verte" à grand renfort de communication, sans réellement oeuvrer pour l'environnement.

Car en réalité, les intentions d'origine sont contraintes par le cadre européen, et les bases établies à l'occasion de la Politique Agricole Commune de 1992. D'abord, la proposition de la commission européenne implique que les aides de l'éco-dispositif restent des aides à l'hectare : plus la surface d'une exploitation est grande, plus l'exploitant reçoit d'aides. Or, "plus une surface est grande, plus il faut faire appel à des produits chimiques pour parvenir à gérer toute cette surface. On ne répond pas du tout à la demande sociétale et aux enjeux des années à venir" se désole Laurent Beaubois.

Le think tank Agriculture Stratégies, auteur d'un rapport sur le sujet en juin 2020, explicite : "Aussi, comme l’a précisé par la suite la Commission, l’"éco-dispositif" devra, soit être une aide environnementale respectant la règle des surcoûts et manque à gagner" qui n'ira donc pas plus loin qu'une simple compensation des frais engendrés, "soit être une aide versée sans obligation de production, sans condition de volume et de type de production".

"En l’état, on peut souhaiter que le très conceptuel "éco-dispositif" atterrisse au mieux sous la forme d’une aide au maintien de l’agriculture biologique" regrette le centre de recherche.

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