"Au-delà de la gratuité, il y a cette envie de lever le tabou des règles" : des dispositifs pour enrayer la précarité menstruelle

Au-delà de la question du congé menstruel qui sera débattu demain à l'Assemblée nationale, les établissements publics s'interrogent sur l'impact des règles et le voile se lève doucement sur la précarité menstruelle.

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Pour certaines, c'est renoncer à changer de tampons aussi souvent que nécessaire, pour d'autres, c'est remplacer sa serviette hygiénique par des couches de papier toilette ou encore acheter des protections hygiéniques bas de gamme potentiellement néfastes pour la santé. Cette précarité menstruelle toucherait quatre millions de femmes en France. S'il reste tabou, le sujet s'immisce tout de même au sein des entreprises, des municipalités et même sur les bancs de l'Assemblée. 

3 500 euros de protections hygiéniques par vie

Fin mars, la municipalité de Bourges a dépensé 1 315 euros pour installer des distributeurs de protections hygiéniques dans trois établissements publics. Pour Magali Bessard, adjointe au maire déléguée à la santé et l'égalité entre les femmes et les hommes, c'est un "coût raisonnable" compte tenu des impacts de ce type de dispositifs. 

Avoir ses règles fait partie du lot de la moitié de l'humanité pendant environ 35 ans de leur vie. À raison d'une dizaine d'euros par cycle, les protections hygiéniques et antidouleurs coûteraient plus de 3 500 euros pour une vie, voire plus selon les flux et les personnes. Un coût parfois insoutenable pour certaines femmes qui n'ont pas les moyens et doivent parfois choisir entre un produit de première nécessité et une boîte de tampons.

Des distributeurs dans les universités payés par la CVEC

L'idée de mettre des protections hygiéniques à disposition gratuitement se répand de plus en plus. Les universités de la région comme Tours, Orléans, Bourges et Châteauroux ont toutes mis en place des distributeurs de tampons et serviettes hygiéniques dans leurs campus. Ces initiatives sont financées par la fameuse contribution de vie étudiante et de campus (ou CVEC, les 100 euros dont doivent s'acquitter tous les étudiant.e.s, sauf les boursier.e.s).

Si les collectes et distributions de ces produits hygiéniques nécessaires permettent à des milliers de femmes dans le besoin d'y avoir un accès ponctuel, des mesures commencent à être prises pour garantir une égalité d'accès et pallier cet énorme frein qu'est la barrière économique. Depuis 2016, les protections hygiéniques sont considérées comme des produits de première nécessité et bénéficient d'une TVA réduite à 5,5% (contre 20% auparavant). Certains pays, comme le Royaume-Uni, ont complètement supprimé la TVA sur les serviettes et tampons.

La question d'un remboursement par la Sécurité sociale revient régulièrement sur le devant de la scène législative. Depuis décembre 2023, des protections périodiques réutilisables seront remboursées pour les femmes de moins de 26 ans (prise en charge à 60% par la Sécu) et pour les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire. Pour autant, l'application de cette mesure est encore floue, mais devrait être effective en septembre 2024.

"Quitte à parler des règles, il faut parler de tout"

"Au-delà de la gratuité, il y a cette envie de lever le tabou des règles, abonde Magali Bessard. On est au cœur des questions d'égalité de genre. Il faut prendre en compte ce coût qui n'incombe qu'aux femmes." Pour elle, ce dispositif est une étape dans un processus plus large pour prendre en compte la réalité de la santé gynécologique des femmes. "Quitte à parler des règles, il faut parler de tout : endométriose, ménopause, précarité menstruelle et arrêt menstruel."

Ces distributeurs de tampons et serviettes à Bourges sont aussi l'occasion de sensibiliser sur la composition des protections périodiques. "Tous les fabricants ne sont pas transparents sur la composition, explique Magali Bressard. Il y a encore des tampons blanchis au chlore, des protections où l'on retrouve du glyphosate ou encore des polluants éternels." En optant pour des protections issues de produits biologiques dans ses distributeurs, la municipalité de Bourges espère ouvrir le débat et sensibiliser.

L'idée de ce dispositif a germé dans la tête des Berruyers alors que la question du congé ou arrêt menstruel bat son plein aux échelons nationaux. Ces deux dernières années, on ne compte pas moins de trois propositions de lois visant à instaurer une sorte d'arrêt menstruel pour les personnes souffrant de règles douloureuses et handicapantes. L'une, proposée par la socialiste Hélène Conway-Mouret, a été rejetée en février au Sénat, une autre, datant de 2022 n'a pas encore été mis à l'ordre du jour, et la dernière, proposée par l'insoumis Sébastien Peytavie, est débattue ce 4 avril à l'Assemblée nationale.

Pour mettre en lumière cette proposition de loi et ce sujet, plusieurs députés se sont prêtés au jeu et ont tenté de lire un texte équipé d'un dispositif reproduisant les douleurs d'une personne souffrant d'endométriose (maladie touchant une femme sur dix en France). Proposer un arrêt menstruel pour des règles douloureuses et handicapantes coûterait 100 millions d'euros, estime le député rapporteur de la loi. La France pourrait rejoindre la liste des pays ayant instauré un congé menstruel comme le Japon, l'Indonésie, la Zambie et, dernièrement, l'Espagne.

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