Bourges. L'ancien procureur Eric de Montgolfier témoigne : "Bernard Tapie n'avait que très peu de goût pour la vérité"

Procureur près la cour d'appel de Bourges en 2012-2013, Eric de Montgolfier était procureur de la République de Valenciennes lors de l'affaire du match truqué VA-OM. Il se souvient de Bernard Tapie, mort ce dimanche 3 octobre à 78 ans, comme un homme "conquérant" et "tonitruant".

"Réussir sa vie", Bernard Tapie l'aura chanté et y sera probablement parvenu. L'ancien ministre, chanteur, entrepreneur, acteur et patron de l'OM (entre autres) est mort ce dimanche 3 octobre à l'âge de 78 ans. Sa vie publique a été marqué, depuis les années 1990, par plusieurs affaires judiciaires, comme celle de l'arbitrage du Crédit Lyonnais.

Mais ses premiers ennuis avaient débuté en 1993, avec peut-être le plus grand scandale de l'histoire du football français : celui du match truqué Marseille-Valenciennes, et l'affaire dite VA-OM. Deux joueurs nordistes avaient été achetés par les dirigeants marseillais pour lever le pied face à l'Olympique de Marseille. Bernard Tapie est directement impliqué. En 1995, il est condamné à huit mois de prison, et passera 165 jours en détention.

"S'il y avait un dompteur, c'était forcément lui"

A l'époque, Eric de Montgolfier est le procureur de la République de Valenciennes, bien avant de devenir procureur près la cour d'appel de Bourges entre 2012 et 2013. Il se souvient que c'est Bernard Tapie qui a demandé à le rencontrer : "Il était le premier à venir se mettre en avant. On ne s’était pas tourné vers lui, on ne lui avait pas demandé de comptes. C'est lui qui a foncé tête baissé dans les rouages judiciaires."

Lors de leur première rencontre, "quelques injures" fusent, même si l'ancien procureur estime "qu’elles sont habituelles à l’égard de la justice". "J’avais trouvé que traiter le juge et les policiers enquêteurs de gestapistes était un peu forcé", nuance-t-il.

Eric de Montgolfier se rappelle surtout "l’air un peu conquérant" de Bernard Tapie entrant dans son bureau du parquet de Valenciennes, "avec cette idée que s’il y avait un dompteur, c’était forcément lui, et que je finirais par être mangé, moi le pauvre procureur, et qui tente de me convaincre que je ne connaissais rien en matière de football, ce qui était parfaitement exact".

Un homme "de son époque"

A cela s'ajoute le poids du monde des puissants, Bernard Tapie rappelant volontiers ses liens avec "François Mitterrand [alors président de la République, ndlr], qu'il avait quitté quelques instants avant de rejoindre Valenciennes dans son jet privé". Eric de Montgolfier affirme d'ailleurs avoir vu "François Mitterrand, dans les jardins de l’Elysée un 14 juillet, [tenter] de nous expliquer qu’il valait peut-être mieux s’arrêter, qu’il n’y avait rien à reprocher à l’OM, à Bernard Tapie". "Un grand moment qui traduisait bien des choses sur l’époque que nous vivions", estime-t-il.

Pas de quoi déstabiliser le magistrat, qui avait déjà "un peu de bouteille" : "Bernard Tapie ou un autre, ancien ministre ou pas, qu’est-ce que ça changeait. Ce qui m’intéressait, ce n’est pas ce qu’il était ou ce qu’il prétendait être, mais ce qu’il avait pu faire." Selon lui, Bernard Tapie "n’avait que très peu de goût pour la vérité" et "s’attachait à ce qu’il croyait plus qu’à ce qui était".

Finalement, Eric de Montgolfier se souvient d'un homme avec "des qualités tout à fait étonnantes... qui pourrait le contester ?" Un homme "tonitruant, qui aime l'argent, paraissant parfois redouter d'en avoir tant". En somme, "des qualités de son époque".

 

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