Fatoumata Diawara, chanteuse, danseuse, comédienne, musicienne, est présente au festival du Printemps de Bourges à la maison de la culture de la ville. Elle répond aux questions de Céline Durchon.
- Vous chantez en bambara qui est la langue du Mali, votre langue maternelle. Pourquoi ce choix ?
"Ça me permet de connecter avec mon propre esprit, tout ce qui m'entoure, les énergies et par la suite pouvoir connecter avec mon public très facilement parce que parfois, tu es fatiguée. Du coup, tu n'as pas ce combat d'aller chercher les mots juste pour être dedans. Avec la langue dans laquelle j'ai vraiment grandi, je me sens mieux en fait.
C'est un combat d'être réel, je défends la vérité d'être soi-même.
Fatoumata Diawara
Et puis cette langue aussi, elle a des sonorités un peu guérisseuses, elle peut guérir parce que ce sont des sonorités ancestrales, des sonorités qu'on trouve plus dans la musique courante, dans la pop à l'international."
- Vous êtes une femme engagée, vous défendez la cause des femmes, vous parlez beaucoup excision et mariage forcé, ces deux événements que vous avez-vous même vécus, est-ce qu'on peut dire que vous êtes la voix de celles qui n'en ont pas ?
"Je pense que je représente toutes ces femmes qui n'ont pas pu écrire leur propre histoire, parce que malheureusement, à cause du poids de la société ou leur lieu de naissance.
Le monde est très complexe et il y a beaucoup d'endroits dans ce monde dans lequel les femmes ne sont pas à leur juste place, où elles sont juste loin d'être à l'égalité. La parité n'est absolument pas du tout présente.
Du coup, je me dis, en tant que petite malienne qui a pu se sauver, qui a pu s'en sortir, à avoir une voix, à pouvoir écrire, écrire sa propre histoire et faire des belles rencontres comme Mathieu Chedid ou Damon Albarn. J'ai des grands frères de partout dans le monde entier, de n'importe quelle nationalité, qui me soutiennent, pourquoi ne pas en faire ?
Un combat pour pouvoir être la voix de celles qui n'en ont pas ou celles qui doutent, qui hésitent à avoir une voix et puis de leur dire : "Allez-y, c'est possible, réveillons-nous". Et la femme peut avoir sa liberté totale, liberté et être respectée."
- Vous avez une histoire particulière, vous avez fui le Mali durant 6 ans, personne ne savait où vous étiez. Vous avez trouvé un peu cette clé de la liberté grâce à ce que vous faites aujourd'hui ?
"Moi je me nomme comme une survivante sur plusieurs plans. Parce qu'il y a un thème qui est très tabou, qui n'est pas souvent abordé, qui est l'excision. Quand ils ont touché à mon corps, j'avais 8 ans, j'ai failli y passer.
J'ai été dans le coma pendant presque 8h voir 10h. J'étais entre la vie et la mort. Donc j'ai eu une chance, j'ai pu me relever.
Fatoumata Diawara
Mais il y a beaucoup de filles qui n'ont pas pu s'en sortir, qui ne se sont pas réveillées.
Et après le mariage forcé à mes 18 ans... j'ai l'impression que le combat a toujours été là. Je me bats, je me suis battue contre l'excision et là après la mutilation génitale, j'ai été adoptée, je n'ai pas grandi avec mes parents et la lutte continue.
Donc sur scène, le combat continue, mais d'une autre manière, j'ai décidé de prendre le flambeau moi-même. Voilà, je veux me battre parce qu'il est beau, on vient dans ce monde pour se battre, mais il faut que ce soit un combat que tu as choisi.
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Il y a beaucoup de larmes quand je fais mes représentations. Sur les réseaux sociaux, on voit les gens qui dansent. Mais derrière, ce côté festif, on fête nos problèmes. On se guérit les unes et les autres, notamment les femmes."
- Il y a beaucoup d'émotions dans vos concerts. On peut rire, on peut pleurer. Vous fonctionnez beaucoup à l'instant ?
"Moi, je suis très instinctive, je fais beaucoup appel à mon enfance justement, raison pour laquelle j'ai une lance-pierre qui est le symbole des enfants.
Dans l'enfance, il n'y a pas trop de quiétude. Tu n'as pas de souci, tu ne t'inquiètes pas de comment tu es habillé. De comment les gens vont te juger. Il y a une naïveté que je défends, j'ai envie d'être naïve. Même si Dieu m'a donné une chance de pouvoir être connecté tout le temps. Je sais beaucoup de choses que j'ai pas demandé à les savoir.
Fatoumata Diawara
Donc pour couvrir cette connaissance, je la protège avec la naïveté, je me bats pour ne rien savoir, mais en général quand je suis avec les gens, j'entends je ne suis pas comme tout le monde en fait.
J'ai un don dont je m'en sers pour rester naïve et pouvoir m'adapter dans ce monde qui m'entoure, mais des personnes sensibles, des artistes qui sont un peu comme moi (je pense que Mathieu, il a un peu cette sensibilité). On s'en sert du coup pour faire créer de la beauté, pour donner de l'amour aux gens et vraiment que les gens oublient leurs soucis et qu'ils soient heureux. Voilà le bonheur, l'amour, le partage quoi."