Face à la désertification médicale, ces villages qui ne baissent pas les bras

Alors que la crise sanitaire se poursuit, la demande pour un médecin généraliste dans les déserts médicaux est toujours aussi fortes. Certaines communes se mobilisent et, pour attirer l'attention de leur futur praticien, tous les moyens sont permis.

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Ils ont accroché des banderoles au bord des routes, réalisé des vidéos devenues virales ou plus prosaïquement fait appel à un cabinet de recrutement. Les villages en France sont tous différents, mais ils partagent pour beaucoup le même problème : le manque de médecins et plus généralement de professionnels de santé.

En Indre-et-Loire, c'est finalement la solution du cabinet de recrutement qui a payé pour le petit village de Saint-Christophe-sur-le-Nais, où s'est installée le docteur Analia Chaparro. Après avoir démarché sans succès les futurs médecins de la fac de médecine de Tours et s'être tournée vers une association de remplaçants, la commune a finalement déboursé 20 000 euros et attendu deux ans avant de dénicher la perle rare.

"Notre médecin a arrêté définitivement son activité en 2017, 2018", se souvient la maire du village, Catherine Lemaire. Après plusieurs années de recherche, toujours aucun résultat à l'horizon. "On s'est adressés à la faculté de médecine, en disant qu'on avait la possibilité de loger, qu'on avait un local prêt. On s'est aussi adressé à une association de remplaçants", énumère l'édile, "mais on n'a trouvé personne". En cause, la situation un peu éloignée de ce village de 1100 habitants. "La difficulté c'est qu'on est à une bonne trentaine de kilomètres de Tours."

L'arrivée d'Analia Chaparro, installée depuis le 3 janvier, a donc des allures de miracle. L'édile ne tarit d'ailleurs pas d'éloges sur la praticienne barcelonaise, avec qui le courant est tout de suite bien passé. Malgré la proximité de la fac de Tours, les jeunes médecins "ont peut-être moins envie de se diriger vers le libéral, et préfèrent pouvoir travailler à deux ou trois plutôt que tout seul" estime Catherine Lemaire. "La formation médicale à l'heure actuelle ne les incite pas à s'installer en libéral." En ajoutant à cela la situation d'une commune rurale un peu isolée comme il y en a tant, on se retrouve vite avec un sacré casse-tête sur les bras.

Mon royaume pour un docteur

Mais même ces démarches coûteuses ne donnent pas de résultats garantis. A Vailly-sur-Sauldre, à une vingtaine de kilomètres de Sancerre, dans le Cher, cela fait plus de quinze ans que la situation est sous tension. A l'époque, le village de 650 habitants comptait encore trois médecins, dont deux ont cessé leur activité, comme l'explique Sylvie Bailly-Gauguet, l'une des quatre infirmières libérale de la commune. Suite au décès brutal du docteur Thierry Danancher en août 2021, et malgré le recrutement entre-temps de la docteure Nicoleta Chiritescu, le village et ses patients se sont soudain retrouvés orphelins.

Qu'à cela ne tienne, les soignants restants se sont constitués en collectif, puis sous le nom de l'association "Pour TD Solidarité et santé" afin de trouver un nouveau médecin. "C'est le docteur Danancher qui nous a fait bouger il y a onze ans, donc on s'est dit que cette fois on allait se bouger nous-mêmes", résume Sylvie Bailly-Gauguet.

Depuis le mois de novembre, la commune s'est donc bougée. D'abord avec la réalisation d'une vidéo promotionnelle en compagnie de l'ancien animateur de télévision Jean-Pierre Descombes. Puis avec le passage dans Question pour un champion, le 18 décembre dernier, de l'une des infirmières libérale de Vailly-sur-Sauldre, venue relayer sur France 3 la recherche de sa commune.

En plein milieu de leur tournée, fin décembre, les humoristes du duo Les Bodin's ont même relayé cette recherche depuis le Zénith de Nantes, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.

Contre le covid, l'argument de la qualité de vie

Du côté institutionnel, fin novembre, la Communauté de commune "Pays fort – Sancerrois – Val-de-Loire" a également voté un budget de 150 000 euros destiné à attirer l'heureux élu. Car le petit village de 650 habitants n'est pas le seul à s'être mis en chasse d'un praticien : "il y a une recherche dans tout le Sancerrois" explique Sylvie Bailly-Gauguet. "C'est sûr qu'il est difficile de rivaliser avec des villages un peu plus dynamiques. Nous, on met en avant notre bon-vivre. Ici on a tout ce qu'il faut, mais il faut venir le voir !"

De fait, la petite commune ne manque pas d'arguments pour attirer les médecins, jeunes ou moins jeunes. Après deux ans de crise sanitaire, les villages comme Vailly-sur-Sauldre savent ce que leur tranquillité et leur cadre de vie peut avoir d'attirant "On sait très bien qu'un médecin qui s'installe a besoin d'avoir des services à portée de main, et une certaine qualité de vie", poursuit l'infirmière. "Ici, on n'est pas très loin ni de Paris, ni des montagnes, ni de la plage. C'est l'avantage d'être au centre !" L'école primaire, explique-t-elle, accueillera les éventuels enfants à bras ouverts, et la vie associative donnera aux adultes l'envie de rester. Et du côté professionnel, le futur médecin sera accueilli au sein "d'une équipe médicale très unie". En outre, le cabinet est disponible et la commune s'est engagée à offrir les six premiers mois de loyer à son futur locataire.

Désormais, l'association continue à étudier toutes les pistes pour se démarquer des autres villages. L'un des prochains projets consistera à organiser des week-ends "découvertes" à l'intention des étudiants en médecine en fin d'internat, dans l'espoir de les convaincre de préférer la qualité de vie rurale, à deux heures de Paris et du stress des grandes villes.

Le Graal, c'est néanmoins de déclencher le buzz, d'apparaître sur la carte des destinations enviables au moins quelques jours. En 2016, un village breton avait monté un canular en annonçant avoir procédé, faute de médecin, au recrutement d'un druide. Plus récemment, en 2019, la commune de Saint-Romain, dans le Loir-et-Cher, avait fini par installer devant chaque accès du village et jusque devant la sortie de l'autoroute A85 toute proche de grandes banderoles "La mairie de Saint-Romain cherche médecin généraliste" avec le numéro du maire. Au mois de novembre, après avoir fait des pieds et des mains, la commune avait finalement vu avec soulagement l'installation d'un médecin roumain et d'une seconde praticienne à mi-temps.

Si la concurrence est si rude, c'est aussi parce que la situation est critique, et ne date pas d'hier. Le Centre-Val de Loire est le principal désert médical de France métropolitaine, avec 265 médecins toutes spécialités confondues pour 100 000 habitants selon les chiffres les plus récents de l'Insee. En outre, les praticiens de la région sont en moyenne plus âgés et sont de moins en moins remplacés : l'Indre et le Cher figurent ainsi parmi les seuls départements du pays à afficher une baisse de 0,1 à 0,3% des médecins inscrits.

Depuis le début du mois de janvier, le sujet des déserts médicaux s'est d'ailleurs introduit dans la campagne présidentielle. Pour le président des maires ruraux Michel Fournier, le président sortant Emmanuel Macron "n'a pas osé prendre de mesures coercitives" pour imposer l'installation de jeunes médecins dans les déserts médicaux. Le 14 janvier, une trentaine d'élus de tous bords politiques du Centre-Val de Loire a même envoyé une lettre ouverte au Premier ministre dans l'espoir d'obtenir la formation de 200 médecins supplémentaires par an et l'ouverture d'un CHU à Orléans.

De leur côté, les candidats de droite et de gauche à la présidentielle 2022 ont également fait connaître leurs positions et leurs propositions. Mais dans l'immédiat, la saison de la chasse au docteur est ouverte.

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