Désertification médicale : "une mise en danger de la population" alertent 30 élus du Centre-Val de Loire

Dans une lettre envoyée au Premier ministre le 14 janvier, des élus de tous les bords politiques réclament la formation de 200 médecins supplémentaires chaque année, et la création d'un CHU à Orléans. Entre autres.

Leur constat est sans appel : il faut agir maintenant, ou il sera trop tard. Une trentaine d'élus -députés, sénateurs, maires, présidents d'agglomérations- du Centre-Val de Loire ont envoyé une lettre à Jean Castex le 14 janvier, sous la houlette du président PS de la région François Bonneau, et du conseil économique, social et environnemental régional (Ceser).

Le but de la manœuvre : alerter le Premier ministre sur "la très grande difficulté d’accès à un médecin pour un nombre croissant des habitants" de la région, amenant les élus à réclamer "une réponse forte et urgente à la hauteur des enjeux humains et sanitaires incontournables".

Manque de 200 médecins formés par an

Leur constat est sans appel :

Au 1er janvier 2020, 500 000 habitants étaient dans l’incapacité de disposer d’un médecin référent. C’est désormais plus d’un habitant sur cinq qui n’a pas accès à ce droit fondamental d’égal accès à la santé. La présence des médecins généralistes sur les territoires de la Région Centre-Val de Loire est de 97,9 médecins pour 100 000 habitants, quand elle est de 123,8 en moyenne nationale.

Lettre à Jean Castex

Stéphanie Rist, députée LREM du Loiret, a signé le courrier. En octobre, elle avait déjà co-signé une série de propositions adressée au Premier ministre par treize députés de la région, pour résoudre la problématique locale de désertification médicale. Dix propositions, dont l'une a trouvé son chemin jusqu'à ce nouveau courrier de début d'année, à savoir l'augmentation du nombre de médecins formés par l'université de Tours de 300 à 500 chaque année.

"Une mise en danger de la population"

Alors, même si la lettre ne porte pas de révolution sur le fond, elle est puissante dans sa forme, estime Stéphanie Rist : "Elle acte que l'ensemble des élus a pris conscience du problème, et que l'ensemble des acteurs, les élus et les citoyens, vont dans le même sens.

Car, des Républicains au Parti socialiste, en passant par LREM et le MoDem, tous les responsables politiques de la région s'accordent sur le constat et l'urgence. Pour Marc Gaudet, le président du conseil départemental du Loiret, il n'est plus l'heure de repousser les décisions :

On nous dit depuis des années que 300 médecins formés chaque année, c'est assez. Alors que tout le monde sait que ce n'est pas le cas. C'est une mise en danger de la population, et je pèse mes mots. Je ne sais pas s'il y aura un scandale sanitaire, mais un jour, des gens demanderont qui sont les responsables de la situation.

Marc Gaudet, président du Loiret

Et encore, le numerus clausus tourangeau n'est de 300 que depuis... 2021. Il n'était les années précédentes que de 255, soit environ 1 médecin formé chaque année pour 10 000 habitants, un des taux les plus faibles de France. Dans les années 90, moins de 90 médecins étaient formés à Tours.

Des alertes depuis 30 ans

Depuis, "on a du arracher les augmentations du nombre de formations par paquets de cinq ou dix, se souvient François Bonneau. Maintenant, il faut changer de braquet et prendre des vraies décisions." Et si passer de 300 à 500 peut paraître beaucoup, le président de la région défend la revendication : 

On a un retard considérable à rattraper, on n'a jamais eu de décision à la hauteur. On n'a eu que des considérations financières, disant que plus de médecins, ça veut dire plus de prescriptions, donc que ça creusait le déséquilibre de la sécu. La conséquence, c'est une injustice dans l'accès au soin.

François Bonneau, président du Centre-Val de Loire

Autre demande du courrier : la création d'une antenne de la faculté de médecine de Tours à Orléans, et faire de l'hôpital de La Source un CHU. "Ce sont des discussions que l'on a depuis avant les années 90, mais sur lesquelles l'État ne s'est jamais positionné", regrette Stéphanie Rist, rhumatologue de métier. Marc Gaudet, lui, se dit prêt à tout faire pour rendre possible la réalisation de cette idée, avec "la mise à disposition de locaux pour les internes" notamment. Car une antenne orléanaise "permettrait de fidéliser les médecins formés", qui seraient hypothétiquement plus nombreux à rester sur le territoire après obtention de leur diplôme. 

"On court à la catastrophe"

Troisième et dernière revendication du courrier, le déploiement de la formation des internes sur la totalité du territoire régional, soit dans les hôpitaux d'Orléans, de Bourges, de Châteauroux, de Blois, de Chartres, de Montargis et de Dreux. 

Sans ses mesures, "on court à la catastrophe", assène Marc Gaudet. Car, à ce stade, l'éventail des solutions mises en place par les collectivités locales ne suffit plus. Les départements et communes ont ainsi ouvert des maisons de santé pluridisciplinaires pour rendre la pratique de la médecine attractive, pendant que la région a décidé de salarier elle-même des médecins. "On est à la pointe sur énormément de sujets, mais si on n'a pas de médecins à mettre dans les maisons de santé, ça ne sert à rien", constate François Bonneau. 

Ne reste alors que l'État comme acteur capable d'inverser la tendance mortifère actuelle. Responsable des parlementaires de la région lors du dépôt de propositions en octobre, Stéphanie Rist se dit "en contact régulier" avec le gouvernement et assure qu'il "y aura un retour" de la part de Jean Castex. François Bonneau estime de son côté que le Premier ministre "sera probablement réceptif à l'appel, au vu de l'importance du sujet".

C'est d'ailleurs le même Jean Castex qui a acté en décembre la création d'une faculté d'odontologie dans la région, projet en grande partie financé par la région. "Sur des sujets comme ça, je suis prêt à mobiliser les moyens de la région, c'est trop important", assure François Bonneau. Ce qui pourrait à nouveau arriver si une antenne de la faculté de Tours est créée à Orléans dans le futur.

Retrouvez la liste des signataires du courrier adressé le 14 janvier à Jean Castex :

Gil Avérous, maire et président de Châteauroux Métropole
François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire
Loïc Kervran, député du Cher
Éric Chevée, président du Ceser du Centre-Val de Loire
Fabienne Colboc, députée d’Indre et Loire
François Cormier-Bouligeon, député du Cher
Christophe Degruelle, président d’Agglopolys
Chantal Deseyne, sénatrice d’Eure et Loir
Marianne Dubois, séputée du Loiret
Jean-Pierre Door, Député du Loiret
Nadia Essayan, députée du Cher
Irène Felix, présidente de Bourges Plus
Marc Fleuret, président du département de l’Indre
Jacques Fleury, président du département du Cher
Marc Gaudet, président du département du Loiret
Yann Galut, maire de Bourges
Frédérique Gerbaud, sénatrice de l’Indre
Philippe Gouet, président du département de Loir-et-Cher
Marc Gricourt, maire de Blois
Serge Grouard, maire et président d’Orléans Métropole
Daniel Guéret, sénateur d’Eure-et-Loir
François Jolivet, député de l'Indre
Guillaume Kasbarian, député d’Eure-et-Loir
Christophe Le Dorven, président du département d’Eure-et-Loir
Jean-Gérard Paumier, président du département d'Indre-et-Loire
Rémi Pointereau, sénateur du Cher
Richard Ramos, député du Loiret
Marie-Pierre Richer, sénatrice du Cher
Stéphanie Rist, députée du Loiret
Hugues Saury, sénateur du Loiret
Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret
Philippe Vigier, député d’Eure-et-Loir

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