Désertification médicale en Loir-et-Cher : village recherche médecin désespérément

Dans le Loir-et-Cher, désert médical, attirer et garder son médecin est une gageure pour les communes. Dans la valllée du Cher, c'est même parfois source de tension entre municipalités.

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"Ah oui, pour avoir un rendez-vous médical par ici, c'est l'enfer hein." Dans la salle d'attente du docteur Sicard à Saint-Romain, village de 1500 habitants niché dans la vallée du Cher, les patients ne cachent pas leur désarroi. Cela fait près d'un an et demi qu'Annick Sicard, âgée de 64 ans, aurait dû prendre sa retraite. Mais, faute de successeur, la praticienne a continué à travailler pour préserver un accès au soin déjà fragile. 

 

Le médecin, colonne vertébrale du village

Car dans le canton rural de Saint-Aignan, la population vieillit et la santé de l'économie de proximité reste également délicate. Dans la rue principale de Saint-Romain, une pharmacie, un cabinet infirmier et leurs salariés dépendent de la présence d'un médecin. Il y a encore quelques années, ils étaient trois dans le village : Annick Sicard, son mari Jacques et le docteur Lysa Mestre, tous deux partis à la retraite

En désespoir de cause la municipalité a même déployé pendant l'été plusieurs banderoles de 7 mètres de long aux entrées de la commune et sur le rond-point de l'A85 tout proche, avec un message limpide : "La mairie de Saint-Romain cherche médecin généraliste." "Nous avons lutté d'arrache-pied depuis plus d'un an, avec les médecins et la municipalité, afin de garder des médecins à Saint-Romain", raconte le maire Michel Trotignon, déplorant "beaucoup d'espoirs déçus" entre-temps. Pendant ces longs mois, le village a démarché sans succès hôpitaux et facs de médecines, avant de se résoudre à tenter le buzz avec ces banderoles. Difficile pour la petite commune de rivaliser, en termes d'attractivité, avec des villes comme Tours ou Blois... voire avec les autres villages des environs.

Pourtant, la mairie de Saint-Romain a fini par trouver : le 20 novembre, un docteur roumain s'est vu confirmer l'autorisation d'exercer dans la commune par le conseil départemental de l'ordre. A cette nouvelle tête va s'ajouter une jeune médecin employée à mi-temps, en provenance de Tours. Un vrai soulagement pour les habitants, et aussi pour leur maire "très heureux d'accueillir ces deux médecins généralistes".

 

"La banderole, on aurait pu mettre la même !"

Car toutes les communes rurales le savent : faire venir un nouveau médecin en campagne pour remplacer les départs relève souvent de la gageure. Et ce d'autant plus que centre hospitaliers et communes se disputent âprement les derniers médecins de la région comme en témoigne Jacques Sicard, l'ancien docteur. "A Bourges, on a proposé à Annick un salaire de 8500 euros nets par mois, voiture de fonction fournie !", s'exclame-t-il. "Comment voulez-vous rivaliser avec un salaire pareil ?" Et les propositions viennent parfois d'encore plus loin, comme de Seine-et-Marne. Pourtant, les Sicard sont restés fidèles à Saint-Romain et à leur exercice libéral.

Dans le village voisin de Thésée, 1300 habitants, le médecin craint lui aussi de laisser sa patientèle orpheline à son départ en retraite. Même la commune relativement prospère de Saint-Aignan peine à trouver généralistes, kinés et ophtalmos pour le centre hospitalier. "La banderole, Saint-Aignan ou Noyers auraient pu mettre la même", explique-t-on à la mairie. Dans le département, on dénombre un médecin pour 750 habitants, soit quatre fois moins que la moyenne nationale.
 
 
 

Un "cercle vertueux" pour attirer des médecins à la campagne

C'est qu'en plus d'être un enjeu sanitaire et économique, les médecins sont aussi sources de tensions entre les communes qui se disputent ces services. Sur l'autre rive du Cher, à Noyers, le maire est lui-même généraliste. "C'est toujours compliqué de faire venir un médecin", admet Philippe Sartori, "mais c'est plus facile avec une maison de santé".

Installée depuis deux ans et demi, cette structure privée qui reçoit également un soutien financier public via la CPAM fait la fierté du praticien. Outre les six médecins installés sur place, la maison de santé pluridisciplinaire accueille également en consultation ou en téléconsultation plus d'une douzaine de spécialistes de la polyclinique de Blois.

Avec un futur projet d'agrandissement chiffré à 500 000 euros et soutenu par le conseil départemental, Philippe Sartori voit sa maison de santé comme une "solution" pour "rendre service aux patients, tout en attirant des médecins avec un outil performant". "Il faut instaurer un cercle vertueux financier, mais qui serve aussi une philosophie, une conception du soin."

 

Quand la santé devient une source de tension

Et la preuve de cette attractivité a été apportée au début du mois de novembre. A une douzaine de kilomètres en amont de la rivière, Selles-sur-Cher va voir fermer son centre de radiologie, qui dépendait de la polyclinique de Blois. Officiant dans un bâtiment vétuste, les spécialistes blésois déménageront dès l'été 2020 dans la maison médicale de Noyers, provoquant l'ire du maire de Selles, frustré de se voir ainsi "déplumé" et vexant au passage la municipalité de Saint-Aignan.

"Il n'y a pas de formule miracle", assène Philippe Sartori, "mais un cabinet qui ferme, il ne faut pas rêver qu'il soit repris". Officiant au sein de la maison de santé dont il se définit comme "un élément moteur", il est également maître de stage universitaire, un passage obligé pour capter ces jeunes diplômés qui boudent les campagnes. L'occasion pour lui de transmettre ce "petit déclic", de "donner envie de s'installer, par la qualité de vie, l'ambiance professionnelle", à des étudiants qui ne connaissent pas forcément les avantages de la vie rurale.

Et il arrive même que cela paie : une interne en médecine générale, séduite par Noyers, devrait commencer à y travailler dès la semaine prochaine. La preuve, comme à Saint-Romain, que la longue inaction de l'Etat vis-à-vis des déserts médicaux ne se résume pas toujours à une fatalité. Avec la création inédite de 150 postes de médecins salariés, il semble pourtant que la région ait pris la mesure du problème, même si certains praticiens locaux redoutent une "usine à gaz" peu efficace.
 
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Notre journaliste s'est rendu pendant 4 jours dans le Loir-et-Cher. À la suite de ce séjour, différents sujets de proximités ont été réalisés. Pour les découvrir, cliquez sur les flèches ci-dessous.


 
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