L’absence non prévue d’un médecin exerçant à l’hôpital de Sancerre a déréglé la machine très fragile de l’organisation des services de l’hôpital gériatrique de la ville situé dans le Cher. Conséquence : une quarantaine de lits gelés, des résidents déplacés dans deux Ehpad de communes alentour et des personnels inquiets pour leur avenir.
Le transfert des résidents de l’hôpital de Sancerre, ils seront une vingtaine à partir vers les autres structures, a commencé en début de semaine, avec la promesse de pouvoir réintégrer les lieux dès que possible.
La structure avait de plus en plus de mal à fonctionner. Manque de personnel, manque de soignants, et dernièrement, la maladie d’un des trois médecins en charge a précipité la prise de décision de transférer des patients dans deux EHPAD voisins, à la gestion commune avec l’hôpital.
Une situation qui inquiète les personnels de ces établissements pour diverses raisons. Pour les uns : surcroît de travail, pour les autres : où allons-nous travailler, au point de les inciter à mettre en place un syndicat.
Faute d’informations précises sur leur devenir, disent-ils, des salariés créent un nouveau syndicat
Emilie Pasdeloup, Landry Blanchandin et Lucie Violette sont à l’origine de la création de ce syndicat. « On est une quarantaine de personnels soignants, on ne sait pas où on va aller travailler. On va nous balader de site en site, incertitude totale, les contrats on ne sait pas ce qu’ils vont devenir à long terme » nous expliquent-ils.
Ils parlent de souffrance du personnel, mais aussi de celle des résidents, qui vont devoir se retrouver dans un autre environnement sans aucun de leurs repères habituels. Et du surcroît de travail pour leurs collègues des établissements de Boulleret et Sury-en-Vaux, non équipés pour prendre en charge certains patients.
Dans ces conditions comment espérer recruter des infirmières qui font cruellement défaut « les infirmières, ça fait un moment que ça ne va plus. On tournait péniblement avec des intérimaires. Il manque 11 postes infirmiers sur les sites d’après nos calculs ». Etant donné la pénurie dans la profession, un retour à la normale s’avère pour le moment difficile. « Il faut recruter infirmières et médecins, il faut qu’on fasse savoir qu’il y en a besoin, c’est pour alerter sur notre situation qu’on a décidé de ce mouvement d’action aujourd’hui ». Au côté des personnels de Sancerre, des représentants des deux Epahd, des familles et des résidents sensibilisés au problème. Audrey Lessere Aide hospitalière à l’Ehpad de Sury- en- Vaux nous explique : « C’est assez compliqué car cela fait déjà un petit moment sur l’Ehpad de Sury en Vaux qu’on travaille en sous-effectif et donc on n’a pas les moyens humains d’accueillir ces personnes. En sous-effectif, c’est faire le choix de faire correctement une douche ou d’aider pour la prise du petit-déjeuner. Plus ça va, plus on a des personnes avec des problématiques lourdes. On préfère accompagner sur les repas mais cela se fait au détriment de la douche. On fait des toilettes simples car on n’a pas le temps sur une journée ».
Une résidente de Sancerre est déjà arrivée dans cet Ehpad et une autre personne doit arriver la semaine prochaine
La profession de soignant n'attire plus
L’hôpital de Sancerre, qui est le deuxième employeur du secteur, après la centrale nucléaire, regroupe plusieurs services sur les trois communes pour un total de 275 lits et 250 employés. Les salariés ne sont pas les seuls à être inquiets pour son avenir. Le maire de Sancerre, Laurent Pabiot a déclaré à nos confrères de la presse écrite "Ce n'est pas la première fois que nous tirons la sonnette d'alarme, nous le faisons depuis des mois".
En tant que Président du conseil de surveillance de l’hôpital, il avait alerté l’intercommunalité, saisi les parlementaires, le Président du Conseil départemental, les conseillers, les maires, en fin d’année dernière, pour envoyer un courrier co-signé à l’ARS. Le sénateur Rémy Pointereau avait obtenu au sénat, en février dernier, la réponse d’Adrien Taquet, le secrétaire d’état chargé de l’Enfance et des Familles, allant dans le sens d’un recrutement de médecin et d’une réorganisation de la structure.
Malheureusement les faits sont têtus et les professionnels ne se bousculent pas aux portes de l’hôpital.
Pas de menaces sur l'emploi affirment les responsables
Du côté du Directeur du site, qui assume par intérim cette fonction depuis plus d’un an, dans l’attente de la nomination d’un nouveau Directeur, l’analyse de la situation se veut rassurante en matière d’emploi. Louis Joannides nous l’affirme « on a beaucoup échangé, aussi bien avec les organisations syndicales qu’avec les personnels. Les agents seront réaffectés sur des postes vacants et nous sommes en lien permanent avec L’ARS. Notre souci c’est garder nos professionnels, parce que le jour où on voudra rouvrir ces lits, il nous faudra ce personnel spécialisé. L’ARS a été plutôt rassurante sur ce point ».
Concernant les personnels qui manquent à l’appel, la situation des médecins devrait être réglée début Avril. Un médecin de l’hôpital de Bourges sera nommé à Sancerre grâce à la coordination entre établissements. Mais tout n’est pas réglé, loin de là. « Au moment où je vous parle il manque 7 et demi infirmiers sur un effectif de 21 et dans deux mois j’aurai 50% d’effectifs infirmiers en moins. Et on n’en trouve pas. On ne trouve pas d’infirmiers sur le marché du travail et l’intérim infirmier ne répond pas à nos demandes » nous explique le Directeur.
Une situation très préoccupante, notamment en ce qui concerne les infirmières de nuit. Indispensables, dans ce type de services, ce métier n’attire plus personne.
Tant que la Direction ne pourra pas trouver le personnel nécessaire à la bonne marche des services, les lits resteront gelés. Et les salariés inquiets pour l’avenir. Une situation extrêmement stressante, et qui se produit de plus en plus dans les établissements hospitaliers après la crise du Covid, qui a détourné bon nombre de soignants de leur travail en hôpital.