À Vierzon, les agents de l'hôpital et de l'EHPAD ont affiché sur les grilles de leurs établissements les photos de leurs visages vieillis artificiellement à 64 ans. Une façon humoristique mais très parlante de protester contre la réforme des retraites.
Tout en accrochant sa photo sur la grille, Mélanie Chauvet ne peut s'empêcher de sourire. "Pour le moment j'ai surtout l'impression de voir ma grand-mère, que j'aime beaucoup au passage", s'amuse cette psychologue à l'EHPAD de la Noue. Sur le cliché, c'est bien elle dans quelques années et avec pas mal de rides en plus.
Comme elle, une centaine d'agents du centre hospitalier de Vierzon a utilisé une application numérique pour se vieillir à 64 ans, le nouvel âge de départ à la retraite annoncé par le gouvernement. "On a trouvé que c'était une façon humoristique mais tellement parlante qu'on a décidé de mener cette action", explique Maryvonne Roux, aide-soignante et déléguée Force Ouvrière. "C'est pour montrer à quel point le personnel est incapable tant moralement que physiquement de prolonger le temps de travail."
"Regardez la tête qu'on a tous", renchéri Mélanie, qui essaie de s'imaginer travailler encore avec ses traits là. "Etre au travail avec des compétences, des qualifications, mettre à jour nos connaissances, pouvoir continuer à travailler dans le milieu du soin et de la santé, ca parait vraiment compliqué quand on s'imagine à ses âges là auprès des patients qu'on a à prendre en charge."
"Ce sont des métiers qui abîment"
C'est Pierre Brunet, aide-soignant en gériatrie et secrétaire CGT à l'hôpital de Vierzon qui a eu l'idée de cette action insolite pour dire non à la réforme des retraites, alors que le métier est usant bien avant 64 ans. "Comme beaucoup de mes collègues, on a des problèmes de dorsalgie, des troubles musculosquelettiques Ce sont des métiers qui abiment", explique-t-il.
En général, on arrive en fin de carrière, cassé donc aller encore plus loin, je ne m'imagine même pas.
Pierre Brunet - aide-soignant en gériatrie et secrétaire CGT à l'hôpital de Vierzon
"Vous passez dans les services, vous voyez des collègues qui ont déjà 50 ou 55 ans qui sont déjà rincés, lessivés, essorés comme vous pouvez le lire sur les grilles", argue Maryvonne, "mais c'est aussi porter le message à la population. Savoir si les usagers seraient d'accord pour être pris en charge par des personnes qui ressemblent à ceux qu'on a affiché sur les grilles."
Une usure qui se lit sur les visages mais aussi dans les chiffres. Selon les syndicats, sur les 750 agents de l'hôpital de Vierzon, 116 ont plus de 60 ans et ont représenté 1.200 jours d'arrêt maladie l'an dernier.