William Bonnet raconte son Tour de France : "Thibaut Pinot, c'est comme un de mes enfants"

Son Tour de France, celui de son leader et grand ami Thibaut Pinot, la suite de sa carrière... Le cycliste berrichon William Bonnet, qui vient de disputer sa neuvième Grande Boucle à 37 ans, se confie et n'élude aucun sujet.

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Thibaut Pinot, tête basse, quasiment à l’arrêt, soutenu par William Bonnet, avant de mettre pied à terre et un terme à son Tour de France 2019. L’image a circulé. Joint lundi, le lendemain de la fin de la Grande Boucle, Bonnet revient sur cette édition complètement folle que son grand ami et chef de file de la Groupama-FDJ, Thibaut Pinot, aura dynamitée : piégé par une bordure, vainqueur d’une étape mythique avant d’abandonner alors qu’il jouait la victoire finale. Le Berrichon, “bien content d’en avoir terminé” se confie sans fard sur sa neuvième Grande Boucle. "Mais on n’était pas là pour ça."
 

Son Tour de France 

« C’était l’un des parcours les plus durs depuis une dizaine d’années. C’est le plus difficile que j’ai fait, le plus exigeant. Ça rend la tâche encore plus difficile pour les rouleurs / sprinters. Le niveau moyen du peloton est très supérieur à celui d'il y a dix ans. C’est plus compliqué pour arriver à faire des groupes. Il y a de moins en moins de lâchés ou de plus en plus tard. 

Le peloton était très fatigué, ça se voyait, le visage des coureurs était marqué. Dans les étapes de montagne, quand tu es lâché, il faut avoir une force mentale, ne rien lâcher, se surpasser. On essayait de se regrouper à plusieurs. Quand tu te donnes à fond sur des étapes de plat, tu t’uses, et c’est de l’énergie que tu as en moins pour aborder les étapes de montagne. Mais en même temps, c’est notre rôle. L’objectif, ce n’était pas de terminer le Tour mais que Thibaut (Pinot) soit à Paris le plus haut possible. »
 

Son rôle 

« Comme trois autres, j'étais présent pour que notre leader Thibaut Pinot prenne le moins de vent possible. Dans les Pyrénées et les Alpes, on est moins utiles, on essaie de faire au mieux, mais on est surtout là pour les étapes de transition. Et après en montagne, on essaie d’aider l’équipe au maximum et d’arriver dans les délais ensuite. »
 

L'engouement de cette édition

« Le Tour était très attrayant, on le vivait sur le terrain. Thibaut était possible vainqueur, dans une forme étincelante, Julian Alaphilippe aussi, on ressentait la ferveur, avec beaucoup plus de public que d’habitude. Au Tour, tout est décuplé au niveau émotionnel. Quand tu gagnes, tout va bien. Quand tu perds, ça va aussi vite. La pression est immense. »
 

La bordure de la 6e étape, qui piège Thibaut Pinot

« Un coup de massue sur la tête. Jusque là, tout fonctionnait à la perfection. On a eu des petits soucis, des chutes depuis le début. Mais Thibaut était parfaitement lancé. Ça a mis un petit coup de frein à nos ambitions. Thibaut a remis pas mal de choses en cause mais c’était de la déception de l’instant. C’est un mauvais choix de trajectoire. On a notre part de responsabilité. C’est comme ça, on assume. Ça fait mal, forcément on s’en veut. C’était notre rôle de le protéger des bordures. »
 

La victoire d'étape de Thibaut Pinot au sommet du Tourmalet

« Le lendemain de la bordure, c’était une journée de repos. On s’est parlé et on est reparti sur les mêmes plans. Thibaut était déterminé à gagner une victoire d’étape. Il nous avait prévenus dès le lundi (la journée de repos) qu’on ferait tout. “Je vous préviens les gars, on prend la course en main, on roule.” Tout le monde a contribué. Peu importe le nombre de coureurs échappés, on a roulé, tout le monde a participé depuis le début pour le rapprocher le plus possible de l’échappée. David (Gaudu) a fait le travail à la fin. Thibaut était revanchard par rapport au temps perdu à la 6e étape. C’est ce qui illustre mieux notre Tour de France. C’était écrit, tout s’est passé exactement comme prévu. 
 


Ce sont des gens sur le bord de la route qui m’ont appris qu’il avait gagné l’étape. Je ne m’occupais même pas de ce que Thibaut allait faire, j’avais confiance. J’avais déjà fait mon travail. Lorsque j’ai été lâché, j’ai enlevé les oreillettes pour me couper de tout. Tu galères, tu dois gérer les délais, si en plus tu as une oreillette... »


L'abandon de Thibaut Pinot et la fin du Tour de France

« Quand il est arrivé à Valloire (18e étape), on a appris qu’il ressentait une gène à la cuisse. Il avait du mal à marcher et n’arrivait plus à plier la jambe. On savait que ça allait être compliqué. L’étape du lendemain (la 19e) est partie assez vite avec beaucoup de petits cols. Je suis lâché assez vite. J’ai vu que Thibaut demandait la voiture médicale. Puis je l'ai aperçu devant notre voiture d’équipe. Je voyais bien qu’il était en détresse. Il n’avait pas été loin de réaliser son rêve ou du moins il le touchait du doigt. 

Je me suis mis à son niveau et je lui ai dit que ça ne servait à rien d’aller plus loin dans la douleur, qu’il n’avait rien à prouver à personne, que personne ne le jugerait, et qu’on était fier de lui. C’était un moment fort, beaucoup de déception pour tout le monde. En tant qu’ancien, je dois lui faire faire le bon choix. Il n’est pas question de le raisonner. C’était une grande tristesse pour lui. Pas question de commencer à lui parler et à analyser mais le réconforter et surtout lui dire qu’il fallait arrêter. Les directeurs sportifs lui avaient plusieurs fois dit d'arrêter, il ne l'avait pas fait... En trois jours, tout s'est effondré.

On avait déjà vécu ça au Tour d’Italie l’an dernier. Il était malade et avait été au-delà du raisonnable, pour montrer que c’était un homme de caractère, qui ne voulait pas abandonner. Il était allé beaucoup trop loin, et avait été hospitalisé. Là, ça ne servait à rien d’aller plus loin.

Les deux derniers jours étaient compliqués. Tu perds ton chef de file alors que tu es là pour lui. Il manquait quelque chose, un vide. On a travaillé pour David Gaudu (13e du Tour de France), on a tenu notre rang jusqu’aux Champs-Elysées. »


Sa relation avec Thibaut Pinot 

« On est très proches, c’est plus qu’un ami, on s’envoie des messages quasiment tous les jours. C’est fusionnel. On a confiance l’un en l’autre. Je suis un peu son protecteur, c’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup. Je serai prêt à faire le maximum, voire plus pour lui. Les gens se rendent compte que c’est un mec bien. Il sait que j’irai dans le sens que j’estime le mieux pour lui. Je n’ai pas d’ambition, je travaille pour lui. C'est comme un de mes enfants que j’ai envie de protéger.

Il passe des examens médicaux demain (aujourd’hui), la déception est toujours grande. Le Tour a encore une grosse caisse de résonance que ce soit à la télé, la radio, les réseaux sociaux... On en parle encore beaucoup après. Il a besoin que tout se tasse un peu pour se refaire un peu la cerise, même si la déception restera. Il faut construire désormais. Lorsque je le verrai dans les prochains jours, on ne parlera pas de vélo. »


La suite de sa carrière 

« J’ai resigné un an au début du Tour. J’ai la confiance de l’équipe, ça se passe très bien. Je ne me pose pas trop la question si je dois arrêter ou pas. J’essaie d’être performant, et après on verra ce que je peux apporter à l’équipe. 

Malheureusement, je n’ai pas l’âge de Thibaut, je suis plus âgé (37 ans), c’est plus difficile d’année en année, il faudra voir et discuter avec le staff, voir où on s’oriente l’année prochaine. Si je suis compétitif et capable d’apporter quelque chose… Un Tour, c'est dur. Avec l’intensité de la course, il faut que je sois toujours en mesure de lui apporter quelque chose. On en discutera le moment venu, déjà finir la saison, découvrir le parcours en octobre et on verra. »

Le programme de William Bonnet d'ici la fin de la saison
Le natif de Saint-Doulchard, dans le Cher, va prendre quelques jours de repos avant d'aborder dans près d'un mois le le Tour du Limousin dans 4 semaines puis des courses en Slovaquie, des courses d’un jour en Italie.Un des objectifs de Groupama-FDJ d'ici la fin de saison sera de remporter le Tour de Lombardie. Mais pour y arriver, Thibaut Pinot devra être remis de sa blessure musculaire s'il veut conserver son bien...
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