Dans un village du Cher [1/4] : Comment survivent des commerces en zone rurale

Dans le petit village de Mareuil-sur-Arnon, dans le Cher, de nombreux commerces parviennent à se maintenir à flot, en prenant plus ou moins l'eau. Comment font-ils, alors que la clientèle locale à se partager est si réduite ?

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Ils ont de moins en moins le choix. Les habitants des petites communes rurales voient leurs commerces locaux disparaître les uns après les autres, et doivent se tourner vers les centres commerciaux et autres super ou hypermarchés de communes plus ou moins proches. Souvent moins.

Et avec ces commerces, part l'attractivité de territoires déjà durement touchés par la désindustrialisation ou la désertification médicale.
 
Alors quand une boulangerie survit dans un village de 500 habitants, on pourrait croire à un petit miracle. Et quand, dans ce même village, on tombe sur une épicerie-tabac, une pharmacie, un salon de coiffure et un cabinet médical, c'est l'incrédulité qui est de mise.

Ce village, c’est Mareuil-sur-Arnon, 532 habitants au compteur. Il se situe dans le canton de Charôst à l’ouest du Cher, à la frontière avec l'Indre. La commune de plus de 1 000 habitants la plus proche se trouve à 11 km. Loin d’être une exception dans le Berry.
 

La recette miracle du commerce rural ?


Dans les environs de Mareuil, les commerces ont disparu. A 6 km de là, dans le village de Segry, seul un garage automobile conserve de l’activité dans le village.

Mareuil-sur-Arnon aurait-elle trouvé la recette miracle pour garder vivante une certaine attractivité pour ses commerçants ? "Il faut un microcosme le plus dense possible pour que ça se maintienne", explique la maire du village Véronique Brisson. En somme, les commerces s'entretiennent les uns les autres, en partageant leurs clientèles.
 

Mais à y regarder de plus près, la tendance générale des campagnes françaises semble en marche aussi à Mareuil. Elle a juste un peu de retard.

Le 31 décembre, le restaurant Le Manicet, qui était aussi le dernier bar du village, a mis la clé sous la porte. Il y a quelques années, le garage du village a définitivement fermé, et le boucher parti en retraite n'a pas trouvé de remplaçant. Les rues du centre-bourg fourmillent d'anciennes vitrines de commerces laissés à l'abandon.
 

Le mois de mars sera décisif


"A la sortie de la Guerre [de 39-45], il y avait quinze épiceries dans le bourg, et un bistrot à chaque coin de rue", se souvient Jacques Maillet, 94 ans et mémoire du village. Entre temps, 500 habitants ont déserté, et les enseignes les ont rapidement suivis.

Et pour commerçants toujours en place, l'optimisme n'est pas de mise. "Si les affaires restent telles qu'elles le sont aujourd'hui, on ne pourra pas se permettre de continuer", avertit le boulanger Allan Grondin, qui se donne jusqu'au mois de mars pour évaluer la situation : "Si c'est pas reparti à ce moment-là, on s'en va."
 
Arrivé il y a trois mois à Mareuil, il témoigne d'une nette perte de bénéfices depuis quelques semaines. Une perte qu'il met sur le dos des travaux d'assainissement en cours, qui "ont fait fuir les clients" en rendant le bourg peu praticable à pieds.

Pourtant, les affaires avaient bien démarré : "Les gens attendaient un boulanger", donc la clientèle a été facile à trouver. "On avait presque fait embaucher un pâtissier."
 

Les nouveaux habitants ne viennent pas dans les commerces du village


A quelques mètres de la boulangerie, à la dérobée des regards au fond de la petite place du Marché, l'épicerie rencontre les mêmes difficultés. Installé en août 2016, Michel Choley explique avoir eu "pas mal de clientèle" aux débuts de la boutique. Une clientèle "principalement âgée et qui ne quittait pas le village" pour aller faire ses courses.

Trois ans et demi plus tard, il constate que "les nouveaux arrivants ne viennent pas ici, et préfèrent aller à Issoudun". Depuis la fin 2019, il ne peut d'ailleurs plus vendre de tabac car "la banque n'a pas voulu me cautionner". Résultat : "Ceux qui venaient pour du tabac achetaient aussi autre chose. Maintenant, ils ne viennent plus du tout."
 

Comme son voisin boulanger, Michel Choley est pessimiste pour la suite. "Je suis en train de voir pour les papiers, et je serai parti avant la fin de l'année", promet-il.

Peu après son arrivée dans le village, le nouveau boulanger Allan Grondin a été agressé. "On lui faisait comprendre qu'il n'était pas chez lui", se désole Jean-Pierre Pineau, ancien maire. L'association qu'il préside, J'aime Mareuil, a alors organisé un rassemblement de soutien. "On a réuni plus de 80 personnes, parce que ça reste un sujet rassembleur", se réjouit-il.
 

L'oasis au milieu du désert médical


Car tout le monde semble d'accord pour souligner l'importance des commerces dans la vie d'un petit village. Mais, selon la maire Véronique Brisson, "la population ne fait pas suffisamment l'effort" d'aller dans les enseignes locales.

L'exception locale se trouve dans la pharmacie du village. La gérante a repris la boutique en septembre 2017. "La personne d'avant est partie en retraite. Ca nous a motivés à venir, parce qu'elle ne partait pas pour une raison économique", expliquent les patrons. "On a l'impression que les gens sont contents, se satisfont-ils. On ne perd pas d'argent, ce qui est déjà bien."

Car dans le Cher, il n'y a que 109 médecins pour 100 000 habitants. Ce qui en fait le cinquième département le moins bien pourvu de France continentale. Alors trouver dans le même village une pharmacie, un médecin et un cabinet d'infirmières, c'est inattendu. 
 

Ailleurs, les médecins s'en vont 


Jean-Pierre Pineau était maire lorsque le médecin est arrivé il y a sept ans. "La mairie lui a fourni 10 000 euros remboursables pour l'aider à s'installer, et nous l'avons dispensé de loyer pendant un an. Et la greffe a bien pris", explique-t-il.
 
Une réussite que n'ont pas rencontrée de nombreuses communes voisines. Selon Isabelle Vaissade, adjointe à la mairie et infirmière à Mareuil, "des patients viennent ici depuis Issoudun parce qu'ils n'ont pas assez de médecins chez eux".

Et dans les autres communes moteurs du coin, la situation n'est pas meilleure : "Le cabinet de Lunery, un des plus gros du Cher, a fermé, avec la pharmacie. Il n'y a plus qu'un médecin à Lignières, alors qu'il y en avait trois il y a quelques années."
 

L'avenir reste incertain


Pour l'instant, la situation semble se maintenir à Mareuil. La crêperie qui avait ouvert en 2014 dans le centre, avant de fermer faute de clients, devrait prochainement rouvrir sous forme de café associatif. Et la mairie promet qu'un repreneur devrait arriver au restaurant le Manicet.

Mais les commerçants font un constat amer sur le village. "Il est en déperdition", estime l'épicier Michel Cholley. Au centre des revendications, l'entretien des rues, la réfection des trottoirs, et la diminution de la vitesse des voitures.

"Ce serait un village bien sympa s'il était entretenu", estime Francis Augendre, habitant de Mareuil depuis 12 ans. A la mairie, on promet que ces travaux sont prévus, mais doivent s'échelonner sur les années.

Plus gros symbole du déclin du village : la base nautique du village, qui avait accueilli de nombreux touristes pendant ses riches heures, a fermé au début des années 2010. Certains commerçants et habitants voient dans la relance de cet équipement une opportunité pour le village. En attendant, Mareuil est toujours à la recherche de dynamisme.

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Notre journaliste s'est rendu pendant 4 jours dans le Cher. À la suite de ce séjour, différents sujets de proximités ont été réalisés. Pour les découvrir, cliquez sur les flèches ci-dessous.
 

 
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