Des devoirs envoyés par courrier postal aux familles qui n’ont pas accès à un ordinateur ou à internet ? C’est l’initiative portée par l'Éducation Nationale et La Poste pour faciliter la continuité pédagogique des élèves résidant en zones blanches pendant le confinement.
Au retour des vacances de printemps, les facteurs et factrices pourront déposer les devoirs dans les boîtes aux lettres des familles de la région Centre-Val de Loire touchée par la fracture numérique. L’objectif : maintenir le lien entre les professeurs et leurs élèves perdus de vue, jusqu’au retour en classe prévu progressivement à partir du 11 mai.
Car, depuis la fermeture des écoles il y a un mois, certains restent en dehors des radars, soit parce qu’ils ne sont pas équipés en outil numérique ou se trouvent dans des zones blanches. Ce qui amène des professeurs, directeurs d’écoles ou principaux de collège à assurer eux-même la distribution des exercices au domicile de certaines familles. “Ces solutions de “bricolage” n’étant pas compatibles avec les mesures de confinement, il était important de proposer une alternative aux établissements scolaires”, appuie Katia Béguin, rectrice de l'académie d'Orléans Tours.
Devoirs imprimés, mis sous pli et envoyés
La rectrice l’assure, l’aide des collectivités territoriales pour prêter ordinateurs et tablettes aux élèves qui n’en avaient pas a permis de résoudre “en grande partie” la question du matériel. Mais pour les familles en situation de déconnexion numérique qui n’ont pas eu accès à ce matériel, l’Éducation nationale et La Poste proposent de recevoir directement les devoirs par courrier postal avec le dispositif "Devoirs à la maison".Pour transmettre des cours et des devoirs aux élèves, les professeurs devront utiliser le service Docaposte. Cette filiale de La Poste notamment présente à Blois (Loir-et-Cher) permettra l'impression du document, la mise sous pli ainsi que l’insertion d’une enveloppe T, pré-affranchie. Le pli est ensuite acheminé au domicile des parents pendant la tournée des facteurs. Une fois le devoir reçu, les familles peuvent retourner les devoirs au professeur gratuitement avec l’enveloppe T. Un parcours réalisable “en une petite semaine”, assure Ludovic Provost, délégué régional du groupe La Poste.
Les enseignants restent sur leur réserve
Mais la mise en place de ce dispositif laisse certains enseignants perplexes. Pour Marie-Paule Savajol, secrétaire académique de la CGT Educ’action Orléans-Tours, si le dispositif "Devoirs à la maison" “est une bonne alternative pour compléter les cours à distance”, il n’est pas “suffisant”. Cette enseignante en lycée professionnel insiste sur l’importance de l’accès à Internet “devenu aussi vital que l’eau et l’électricité”.Envoyer des devoirs, fournir un ordinateur ou une tablette, ça ne fait pas tout. Il faut aller plus loin et rendre l’accès à Internet gratuit ou à un prix minime comme tout service public ! Il serait temps d’y remédier au 21e siècle de la start-up nation !
Marie-Paule Savajol, CGT Educ’action
Du côté du SGEN CFDT, le secrétaire académique Michel de Peyret estime également que les efforts du Ministère de l’Éducation ne sont pas suffisants. “Les élèves qui n’ont pas de difficultés scolaires et qui ont décroché faute d’équipements techniques n’auront pas de mal à reprendre, que ce soit grâce au dispositif Devoirs à la maison ou au retour en classe”, assure ce professeur d’histoire-géographie dans un collège REP+.
Avant de préciser que son inquiétude concerne surtout les élèves décrocheurs qui avaient des difficultés avant le confinement : “Avec eux, le lien est complètement rompu et ce dispositif, qui reste à distance, ne peut pas y remédier”, déplore-t-il. “Ce sont précisément ces élèves qu’on aura énormément de mal à faire revenir dans la continuité pédagogique.”
Selon le rectorat, environ 4 % des élèves de l'Académie d'Orléans-Tours ne répondent pas aux sollicitations de leurs professeurs depuis la fermeture des écoles.
Le facteur passe-t-il tous les jours pendant la crise sanitaire ?
La distribution des courriers, colis et de la presse est effectuée le mercredi, jeudi et vendredi. Depuis le 6 avril, la presse quotidienne est également distribuée aux abonnés une journée supplémentaire, à savoir le lundi ou le mardi en fonction des adaptations locales. Il s'agit aussi de livrer progressivement les colis et le courrier quatre jours par semaine au lieu de trois actuellement. Dès la semaine du 20 avril, le passage du facteur devrait passer à cinq jours par semaine.Une décision mal accueillie chez certains employés de La Poste. “D’un côté, le gouvernement impose le confinement ferme et de l’autre on demande aux salariés de La Poste de travailler une journée supplémentaire”, s’inquiète Pascal Buscail, secrétaire départemental de SUD-PTT pour l’Indre et le Cher. Même constat pour son collègue du Loiret David Sempé, qui juge que l’activité des facteurs est “déjà saturée par la livraison de colis” à cause de l’épidémie. “Le trafic de colis a augmenté de 150 %, voire 200 % à certaines endroits, c’est comparable à une période de Noël”, assure le syndicaliste.