Le syndicat FSU s'alarme du nombre de démissions à l'école sur l'académie Orléans-Tours en cette rentrée 2021, et dénonce une perte de repères des professeurs des écoles. Le rectorat estime de son côté que le métier est en pleine revalorisation. Une grève nationale est prévue ce jeudi.
Adieu monsieur le professeur ? A en croire certains, cette phrase devient monnaie courante dans les couloirs des établissements scolaires du Centre-Val de Loire. Dans un communiqué de presse daté de ce lundi 20 septembre, le syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC du Loiret, affilié à la FSU (SNUipp-FSU 45) s'inquiète de l'"augmentation des démissions des professeur.es des écoles dans l’académie Orléans-Tours en 2021".
D'après le syndicat, pas moins de 71 professeurs des écoles auraient posé leurs démissions ou demandé une rupture conventionnelle de contrat dans la région sur l'année scolaire 2020-2021. Des chiffres que le rectorat lui-même est incapable de confirmer, puisqu'ils ne seront mis à disposition officielle qu'à la fin de l'année scolaire 2021-2022 lors d'un bilan social au niveau de l'académie
Souffrances, dépressions, démissions
Il précise en revanche que, en 2019-2020, 65 démissions avaient été recensées, contre... déjà 71 sur 2018-2019. Avec une bonne part, selon l'académie, de démissions en fin de stage de formation et non en cours d'activité.
Ce qui n'empêche pas ces données d'inquiéter le SNUipp-FUS 45, qui affirme que huit professeurs de primaire ont déjà quitté leur poste depuis la rentrée de septembre 2021 rien qu'en Eure-et-Loir. Ces désistements, la porte-parole du syndicat Laurianne Delaporte les explique par "la dégradation des conditions de travail", avec des "souffrances, des burn out, des dépressions et des collègues qui claquent la porte comme dernière solution".
Des maux dont les causes sont diverses. La syndicaliste cite par exemple "des effectifs de plus en plus importants en classe et un manque de personnels" entraînant "une mauvaise prise en charge des élèves qui ont des besoins spécifiques". "Quand il y en a un par classe, le professeur peut s'en sortir, mais quand il y en a quatre ou cinq, il ne peut pas gérer seul", ajoute-t-elle.
L'école plus inclusive ?
Sur ces besoins spécifiques, l'académie met en avant l'ouverture en septembre de dix nouvelles classes Ulis (pour un total de 450 tous cycles confondus), dédiées à l'inclusion d'élèves handicapés dans des établissements scolaires dits "classiques".
Selon les chiffres du rectorat, il y avait, sur l'année scolaire passée, en moyenne 22,4 enfants par classe élémentaire et 22,5 par classe de maternelles en Centre-Val de Loire. Avec, sur les maternelles, une baisse par rapport à 2018-2019 (23,4 enfants par classe). Ces statistiques peuvent avoir été aidées par le dédoublement des classes de CP en zones d'éducation prioritaire, entamé en 2017. Une réforme, portée par Jean-Michel Blanquer, qui aurait "déshabillé Paul pour habiller Jacques", expliquait Franceinfo en 2019.
"On est loin du 40 enfants par classe décrié par certain", insiste-t-on au rectorat, assurant que des effectifs de plus de 35 élèves "ne se voient qu'au lycée dans des zones urbaines".
Bouche-trous
L'académie concède pourtant des déséquilibres dans les effectifs des classes de communes, pourtant voisines, ce qui entraîne localement des fermetures "rares" mais toujours très contestées des moins fournies d'entre elles. Un problème lié à un fort déséquillibre structurel, à en croire le syndicat :
Beaucoup de professeurs sont formés et viennent de Touraine, mais sont affectés immédiatement en Eure-et-Loir ou dans le Loiret parce que les besoins sont là-bas. Ca entraîne des mobilités involontaires et des situations familiales complexes. L'éducation nationale bouche les trous avec les nouveaux professeurs, et on peut toujours avoir cette impression en fin de carrière.
Au rectorat, on considère que "c'est le jeu des concours, les premiers auront leur affectation souhaitée, les autres seront affectés plus aléatoirement". "Ce n'est pas nouveau, et c'est pareil pour les mutations qui ne peuvent pas toutes être acceptées : ça reviendrait à abandonner totalement certaines zones rurales", estime le rectorat.
Désorganisation sanitaire
Syndicat et éducation nationale tombent quand même d'accord sur un constat : les professeurs sont épuisés après un an et demi de crise sanitaire, qui a aggravé les problématiques déjà évoquées. Elle-même professeure en maternelle, Laurianne Delaporte a "eu l'impression que finalement [son] travail était de faire se laver les mains aux enfants en entrant, avant et après la récré, avant et après la cantine, avec des minutes grapillées et énormément de temps de classe perdu".
? Retrouvez le protocole sanitaire pour la rentrée 2021 concernant les écoles, les collèges et les lycées.#Rentrée2021 #COVID19https://t.co/yhqiCqtQ26
— Académie d'Orléans-Tours (@ac_orleanstours) August 17, 2021
Résultat, "beaucoup de professeurs ont perdu leurs repères, et se sentaient hygiénistes plus qu'autre chose". A cela, la syndicaliste ajoute "les ordres et les contre-ordres qu'on recevait toutes les semaines, et qui passaient dans les médias avant de nous êtres transmis" :
On était dans une situation où des collègues devaient chercher sur quel média l'info allait apparaître, sans savoir si cela serait officiel ou si c'était le résultat de la com' du ministre.
Bonnet d'âne pour le grenelle
En somme, le syndicat réclame une "considération" que l'Education national se refuserait à leur accorder. Au rectorat, optimiste, on assure que le métier est en pleine revalorisation depuis le grenelle de l'Education de mai 2021, à l'issue duquel le gouvernement a promis l'instauration dès janvier d'une revalorisation salariale, à base de prime d'attractivité pour les jeunes enseignants (qui démarre à 1 400 euros annuels avant de diminuer progressivement) et de prime d'équipement informatique (176 euros par an).
Ces propositions n'ont pourtant pas réussi à convaincre les syndicats d'enseignants, alors que la France paie toujours nettement moins bien ses profs que la moyenne des pays de l'OCDE. Le SNUipp-FSU et d'autres organisations syndicales ont formulé un appel à la grève nationale ce jeudi 23 septembre.